En direct
A suivre

La semaine de Philippe Labro : l’ivresse des monts, le vertige des mots

Sur mon bureau, qui accumule les parutions de la «rentrée», il y a ce que certains appellent une «pépite» – un mot à la mode.[AFP]

Philippe Labro est écrivain, cinéaste et journaliste. Chaque vendredi, pour CNEWS Matin, il commente ce qu'il a vu, vécu et observé pendant la semaine. Un bloc-notes subjectif et libre.

JEUDI 21 SEPTEMBRE

C’est à un jeune inconnu, Laurent Bottero, que nous remettons le prix Matmut 2017. L’atmosphère est chaleureuse et le jeune lauréat, timide, heureux et reconnaissant. Il y a quelque chose d’unique avec ce prix (initié par Daniel Havis), c’est qu’il distingue le manuscrit d’un auteur encore jamais publié. Il y a, en tout Français ou toute Française qui se respecte, un roman qui sommeille – mais qui n’arrive pas à atteindre le stade de la publication.

Eh bien, ce prix, qui en est à sa quatrième année d’existence, donne sa chance à des anonymes. Ils sont 1 800 à envoyer chaque année leur manuscrit. Six sont retenus pour lecture par un jury, que j’ai le plaisir de présider. Nous avons choisi Bottero, parce qu’il y a, dans son Tu riras moins quand tu connaîtras les hommes (excellent titre) une puissance et une violence surprenantes, un réel talent d’écrivain. Le livre est sorti, la semaine dernière, chez Denoël, qui a le mérite de s’associer à cette belle initiative de la Matmut.

VENDREDI 22 SEPTEMBRE

Sur mon bureau, qui accumule les parutions de la «rentrée», il y a ce que certains appellent une «pépite» – un mot à la mode. Il s’agit de L’ascension du mont Blanc, de Ludovic Escande, chez Allary Editions.

– Mais, dites-moi, vous allez encore nous parler de livres ? C’est un rituel ?

– Non, c’est une envie et un besoin. J’aime ça, et, vous avez bien noté, en effet, que je fais cela à peu près toutes les six semaines. Il paraît tellement de livres, autres que ceux qui figurent dans les premières sélections du Goncourt, Renaudot, Femina… Il me semble que le devoir d’une chronique consiste à faire connaître les écrits qui ne sont pas, d’emblée, reconnus et répertoriés par les rubriques habituelles.

– Bon, d’accord, on vous écoute.

– Eh bien, voilà : Escande, grâce à son amitié avec Jean-Christophe Rufin et Sylvain Tesson, deux écrivains célèbres et drogués d’alpinisme, va être initié, alors que rien ne l’y préparait, à cette fascinante discipline. C’est un amateur. Il n’a jamais fait ça et, en outre, il a le vertige. Ses deux «mentors» vont le former à cette activité risquée, exaltante. Grâce à Tesson et Rufin, grâce aussi à sa propre volonté et à la domination de ses peurs et faiblesses, Escande va grimper jusqu’au sommet du mont Blanc, et il nous fait partager les joies, les craintes, les soirées arrosées, le recours à un produit calmant pour atténuer son angoisse, la satisfaction d’avoir fait ce que, finalement, beaucoup de gens rêvent d’accomplir : atteindre le toit de l’Europe. Ce que j’ai aimé chez Escande : la limpidité de son écriture, son humour, sa franchise, et sa «folie» organisée. Sous l’influence de Tesson, il va, désormais, vouloir franchir un peu n’importe quel obstacle. C’est ainsi que le livre s’achève, par une escalade nocturne des tours de Notre-Dame de Paris. Il n’a plus le vertige.

SAMEDI 23 SEPTEMBRE

A Pont-l’Evêque, lors du 2e Festival du livre, où l’on croise Jérôme Garcin et Tahar Ben Jelloun, je rencontre aussi Daniel Lacotte, qui m’offre son nouvel ouvrage. Il permet d’en savoir plus sur l’origine de tous les mots que nous prononçons.

Le titre du livre, à lui seul, explique la démarche : D’où vient cette pipelette en bikini qui marivaude dans un bain bouillonnant avec un gringalet en bermuda ? (éditions Vuibert). Si vous savez sans doute d’où viennent le bikini et le bermuda, vous vous délecterez à découvrir ce qu’était un «gringalet» du temps du roi Arthur et des chevaliers de la Table ronde. Lacotte est intarissable. Notre langue aussi. Notre langue est une mine d’or, les écrivains en sont les chercheurs.

 

À suivre aussi

Ailleurs sur le web

Dernières actualités