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L'affaire Tariq Ramadan envenime l'opposition entre Charlie et Mediapart

Montage photo d'Edwy Plenel, directeur de Mediapart (G), en février 2016, et de Riss, directeur de Charlie Hebdo, en février 2015 [JOEL SAGET, Bertrand GUAY / AFP/Archives] Montage photo d'Edwy Plenel, directeur de Mediapart (G), en février 2016, et de Riss, directeur de Charlie Hebdo, en février 2015 [JOEL SAGET, Bertrand GUAY / AFP/Archives]

L'affaire Tariq Ramadan a envenimé le débat déjà vif sur l'islam et la laïcité, avec un choc frontal entre deux médias: Mediapart, dont le fondateur Edwy Plenel est accusé de «complaisance» envers l'islamologue suisse, et Charlie Hebdo, défendu bec et ongles par Manuel Valls et ses soutiens.

Depuis les accusations de viols et abus sexuels contre l'intellectuel musulman qui les conteste, la controverse entre deux camps situés à gauche va crescendo sur un champ des idées hautement inflammable en France, où 241 personnes ont été tuées depuis janvier 2015 dans des attentats jihadistes.

Certaines personnalités, dont le directeur du site d'information Mediapart, Edwy Plenel, se sont-elles montrées complaisantes en acceptant de débattre avec Tariq Ramadan, tenant d'un islam conservateur voire politique, petit-fils du fondateur de la confrérie des Frères musulmans ? Sur les réseaux sociaux et les plateaux de télévision, les amabilités volent bas contre ces «compagnons de route», voire ces «idiots utiles de l'islamisme», parmi lesquels sont visés aussi le géopolitologue Pascal Boniface et le philosophe Edgar Morin.

C'est le message émis le 8 novembre en Une par l'hebdomadaire Charlie Hebdo, au siège duquel douze personnes ont été tuées le 7 janvier 2015 dans une attaque jihadiste. Le journal satirique dessine le visage d'un Edwy Plenel se dissimulant la bouche, les oreilles et les yeux avec sa moustache fournie, et ce titre : «Affaire Ramadan, Mediapart révèle : on ne savait pas».

Consternation dans la rédaction du média en ligne, soutenu par une pétition de plus de 150 personnalités qui dénonce une «campagne politique» qui «manipule" la «cause des femmes», «pour imposer à notre pays un agenda délétère, fait de haine et de peur». Parmi les signataires, la féministe Caroline de Haas, Olivier Besancenot (NPA) ou l'ancien directeur du Collectif contre l'islamophobie Marwan Muhammad.

Tariq Ramadan pose lors d'une conférence à Bordeaux, le 26 mars 2016 [MEHDI FEDOUACH / AFP/Archives]
Photo ci-dessus : Tariq Ramadan pose lors d'une conférence à Bordeaux, le 26 mars 2016 [MEHDI FEDOUACH / AFP/Archives]

Et colère d'Edwy Plenel, qui a réagi en déclarant que «la Une de Charlie Hebdo fait partie d'une campagne plus générale» menée par l'ancien Premier ministre Manuel Valls et ses soutiens au sein d'un camp laïc très offensif. Parmi eux, les responsables du collectif Printemps républicain et l'essayiste Caroline Fourest, qui a consacré un livre à charge au «Frère Tariq» dès 2004.

«M. Valls et d'autres, parmi lesquels ceux qui suivent M. Valls, une gauche égarée, une gauche qui ne sait plus où elle est, alliée à une droite voire une extrême droite identitaire, trouvent n'importe quel prétexte, n'importe quelle calomnie pour en revenir à leur obsession: la guerre aux musulmans, la diabolisation de tout ce qui concerne l'islam et les musulmans», a lancé Edwy Plenel.

«Une famille qui s'écharpe»

«Cette phrase (...), nous ne la pardonnerons jamais», a répliqué le directeur de Charlie Hebdo, Riss, blessé dans l'attentat du 7 janvier. «Cette phrase n'est plus une opinion, c'est un appel au meurtre», a-t-il développé dans son éditorial paru mercredi.

«Tout le monde est sous protection actuellement, et désigner les gens de Charlie et les gens autour de Charlie comme des gens qui font une guerre aux musulmans est un scandale», a abondé sur RTL l'ancien directeur du journal, Philippe Val.

L'ex-Premier ministre Manuel Valls assiste à une cérémonie d'hommage aux victimes des attentats du 13 novembre 2015, le 13 novembre 2017 à Paris [PHILIPPE WOJAZER / POOL/AFP/Archives]
Photo ci-dessus : l'ex-Premier ministre Manuel Valls assiste à une cérémonie d'hommage aux victimes des attentats du 13 novembre 2015, le 13 novembre 2017 à Paris [PHILIPPE WOJAZER / POOL/AFP/Archives]

Et Manuel Valls de dénoncer à son tour «l'égarement» d'une gauche incarnée par des «gens dangereux».

«Je veux qu'ils reculent, je veux qu'ils rendent gorge, je veux qu'ils soient écartés du débat public. Non pas par l'interdiction, ce n'est pas le sujet. Mais qu'ils perdent, qu'ils perdent ce combat, cette bataille d'idées. Nous la menons pour la République et je la mène pour les musulmans de France. Parce que c'est nous qui les protégeons. C'est pas Edwy Plenel et ses sbires», a-t-il asséné sur RMC et BFMTV, accusant le directeur de Mediapart de «complicité intellectuelle» avec le terrorisme.

La question laïque, antiraciste et identitaire, plus que les sujets économiques et sociaux, semble éloigner toujours un peu plus deux «gauches irréconciliables», selon l'expression de Manuel Valls.

«Quand je regarde les unes, lis les éditos, appels et autres pétitions respectives de Mediapart et Charlie Hebdo, j'ai l'impression de contempler une famille qui s'écharpe à l'occasion d'un enterrement», s'est lamenté sur Twitter le responsable du site d'information Street Press, Mathieu Molard.

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