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«Ils ne sont rien» : le quotidien des mineurs isolés étrangers au centre de MSF

Le centre pour mineurs isolés étrangers se situe au 101 avenue Jean Lolive à Pantin. [Antoine Kremer / MSF]

Il y a deux mois, Médecins Sans Frontières (MSF) ouvrait une maison pour les mineurs isolés étrangers à Pantin. Depuis, près de cent-soixante jeunes ont déjà été pris en charge.

Ce mardi matin, dans la petite salle d’activité au rez-de-chaussée dite «la salle bruyante», les jeunes s’affairent à réparer le babyfoot. A force de trop y jouer, une des barres s’est cassée. Chacun apporte un conseil, une astuce, pour remettre en état de marche l'objet central de la pièce. Les autres jeunes regardent le spectacle, avec en fond les derniers tubes de Maître Gims et Booba. Ils rigolent, chantent, discutent. L’ambiance est chaleureuse.

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«Jugés trop grands ou trop bien habillés», ces jeunes sont pour la plupart des déboutés de leur reconnaissance de minorité. Ils n’ont pas de représentant légal et ne sont reconnus ni mineurs ni majeurs. Un «flou juridique» pour cette population considérée «comme la plus vulnérable» par MSF.

Pour leur venir en aide, l’organisation, en collaboration avec différentes associations telles que l’ADJIE, COMEDE, Hors la Rue ou encore Utopia 56, a mis en place ce centre qui regroupe tous les services auxquels un mineur a le droit «normalement» mais n’y accède pas.

95% de garçons

Dans ces anciens locaux pharmaceutiques, vingt salariés et bénévoles accueillent chaque jour des dizaines de mineurs entre 9h et 17h. 95% des jeunes qui viennent au centre sont des garçons et viennent d’Afrique de l’Ouest.  

Lorsqu’ils se présentent à l’accueil, les jeunes passent un entretien administratif au centre et ont accès, selon leurs besoins, à quatre pôles : médical, santé mentale, social et juridique. Ces services d'aide ont été regroupés au même endroit pour faciliter la prise en charge.

Deux infirmières travaillent pour le pôle médical. Elles proposent un bilan de santé général et orientent par la suite vers des dispositifs de droit commun, à savoir les centres de santé médicaux. Le pôle santé mentale est géré par deux psychologues de MSF et deux psychologues à mi-temps du COMEDE, association qui agit en faveur de la santé des exilés.

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Au pôle social, des travailleurs sociaux ont pour rôle d’orienter les mineurs vers différentes structures, en fonction de leurs besoins (vêtements, alimentation, éducation, santé...). Enfin, le pôle juridique s’occupe des saisines au Juge des enfants qui veille à l’équilibre et la sécurité du mineur. Ce dernier aide également les mineurs à faire une demande d’asile, un recours compliqué «surtout pour cette population qui n’est pas prise en charge par l’aide sociale à l’enfance», explique Caroline Douay, coordinatrice terrain de MSF en Ile-de-France. Parmi les 157 mineurs accueillis depuis décembre, déjà trente sont candidats à l’asile.

«Le bruit c’est en bas et en haut le repos»

Deux salles d’accueil sont aussi mises à la disposition des jeunes. En bas, la salle où les garçons s’amusent, crient et chantent. En haut, une salle où l’ambiance est plus calme. «Le bruit c’est en bas et en haut le repos», souligne Caroline Douay. Dans la salle à l’étage, les mineurs doivent chuchoter et respecter ceux qui se reposent. Un jeune garçon dort sur un des canapés, «il a passé la nuit dehors», précise la coordinatrice terrain.

Assis sur le deuxième canapé, deux jeunes, discrets, regardent par la fenêtre les flocons de neige tomber. Ils ont gardé leur bonnet et tentent de se réchauffer en buvant un café. Ici, le temps s’arrête, ils peuvent se reposer, se mettre à l’abri et recharger leur téléphone, le tout dans le silence. Un calme requis car «ils en ont besoin mais aussi parce que c’est l’étage des consultations où s’entretiennent les jeunes et professionnels», explique Caroline Douay.

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Au bout du couloir, à côté des bureaux des assistantes sociales et des psychologues, MSF a jugé utile d’installer une salle de réunion où des professionnels expliquent aux jeunes ce qu’est la santé mentale. «Ils n’ont pas forcément connaissance du fait qu’on peut discuter avec un psychologue et que ce n’est pas réservé aux fous», confie la coordinatrice terrain.

Derrière ces actions opérationnelles, le centre a pour vocation d’améliorer la prise en charge de cette population. Actuellement, «on leur dit qu’ils ne sont pas mineurs, ils font un recours et jusqu’à la fin de ce recours : ils ne sont rien», déplore Caroline Douay.

Pour améliorer la situation, MSF estime que «si le jeune n’a pas fini sa saisine et qu’il n’est pas allé au bout de son recours juridique, il doit être considéré comme un mineur jusqu’à la fin de la procédure», rappelle la coordinatrice de terrain. En partant de ce principe, les jeunes seraient ainsi mis à l'abri et pourraient avoir une prise en charge spécifique, dans une structure adaptée.

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