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L'édito de Paul Sugy : «Algérie : mais que diable Macron est-il allé faire dans cette galère ?»

Dans son édito du 18 octobre Paul Sugy, journaliste au Figaro, revient sur le discours d'Emmanuel Macron du 17 octobre dans lequel le chef de l'État a recconu «des crimes inexcusables de la République »; envers les manifestants algériens tués le 17 octobre 1961.

De toute évidence, parler de « crime pour la République » est inapproprié ici.

Mais commençons d’abord par le plus évident, même si cela va mieux en le disant : la répression des manifestations du 17 octobre 1961, il y a 60 ans, est une honte. La mort de dizaines de manifestants, tués par la police le soir même des faits ou surtout, tués le lendemain alors qu’une dizaine de milliers d’entre eux a été interpellée puis traitée dans des conditions indignes, est un drame qui aurait pu, qui aurait dû être évité.

Mais cela, c’est une vérité qui ne fait pas débat. À ma connaissance, personne en France ne dit le contraire ! Je ne sache pas que telle formation politique ou telle école d’historiens dise « cette répression était inévitable, c’était une bonne chose, ils n’ont eu que ce qu’ils méritaient… »

Non, précisément, il s’agit d’une bavure, ou d’une série de bavures, commises par des policiers incontrôlables excités par un préfet trop zélé. Dans un contexte, il faut le rappeler, qui n’excuse rien mais qui explique tout : de 1958 à 1961, ce sont plus d’une soixantaine de policiers français qui ont été exécutés sur notre sol par le FLN. Les

attentats se comptent par dizaines. Les forces de l’ordre craignent pour leur vie. Face à cette vague sans précédent de terrorisme, un couvre-feu est décrété, que les manifestants du 17 octobre violent délibérément, alors même que leur manifestation a été interdite. Ce soir-là les policiers ont peur, et à raison.

Pour autant, l’expression « crime pour la République » ne convient pas, car ce n’est pas la République qui a assassiné ce soir-là, mais ce sont des policiers aux ordres d’un préfet qui a agi sans ordres. Le général de Gaulle n’a pas commandé les opérations. Il existe dans l’histoire algérienne des crimes perpétrés par le FLN, dont le pouvoir algérien actuel est l’héritier, et que personne ou presque en Algérie ne semble regretter. Quant à nous, nous pouvons bien sûr nous souvenir avec horreur de cette effroyable soirée du 17 octobre, mais nous n’avons pas à nous l’imputer, et la République n’a pas à y voir un crime commis en son nom.

Le chef de l’État semble entretenir avec l’Algérie une relation sadomasochiste, aussi illisible qu’inefficace. Mais que diable est-il allé faire dans cette galère ? Il n’en tirera aucune reconnaissance, absolument aucune. Ni de la part des Algériens, dont les autorités continuent de fustiger avec un mépris teinté d’insolence le colonialisme dont ils jugent la France, encore et toujours, coupable. Ni de la part des Français d’origine algérienne, qui sifflaient la Marseillaise il y a vingt ans et dont les sentiments à l’égard du pays dont pourtant ils goûtent quotidiennement la générosité ne semblent nullement s’être arrangés. Ni de la part de la gauche, qui vit comme le gouvernement algérien d’ailleurs, d’une véritable rente politique fondée sur ces polémiques mémorielles à répétition.

Alexis Corbière a par exemple regretté ce week-end que Macron n’ait pas parlé de « crime d’État ». Quoi que vous disiez, à leurs yeux vous n’en ferez jamais assez : normal, ils ont conquis leur clientèle politique sur le dos de l’honneur de la France. Ni enfin de la part de la droite, qui reproche à Emmanuel Macron son « godille » mémoriel, lui qui dit un jour aux harkis, puis le lendemain aux descendants des militants du FLN, chacun ce qu’il a envie d’entendre. Bilan des courses : il faisait beau samedi, Macron aurait mieux fait d’aller bouquiner à la Lanterne et de ne pas tomber dans ce piège mémoriel qui, quoi qu’il dise ou qu’il fasse, se refermera inexorablement sur lui.

Il aurait par exemple pu relire les travaux de l’historien Jean-Paul Brunet, l’un des auteurs les plus remarquables sur ces événements, qui apporte beaucoup de nuance aux chiffres avancés ici ou là quant au nombre de morts, et qui rappelle surtout les nombreuses incertitudes des chercheurs sur les événements exacts du 17 octobre. Je ne sais pas s’il faut rendre la France aux Français et l’Algérie aux Algériens mais une chose est sûre : il faut impérativement rendre l’histoire aux historiens !

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