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Alexandre Astier : «J'aimerais beaucoup réaliser un jeu vidéo»

Alexandre Astier et Fabrice Condominas nous parlent de la conquête spatiale autour de Mass Effect Andromeda. [© n.cailleaud pour Direct Matin]

Attendu par une horde de fans et d'amateurs de science-fiction, le jeu Mass Effect Andromeda s'apprête à sortir sur consoles et PC le 24 mars. De passage à Paris pour promouvoir le titre de BioWare, Alexandre Astier, qui a participé au doublage, ainsi que Fabrice Condominas, producer de ce jeu qui a nécessité cinq ans de travail, nous présentent le titre. 

Après une première trilogie saluée par la critique et les gamers, que fallait-il apporter à Andromeda pour donner un nouveau souffle à la saga ?

FC : Au fil des trois premiers jeux nous avons déjà apporté de nombreuses nouveautés. Pour Andromeda nous avons surtout voulu retenir tout ce qui était potentiellement bon dans chacun des numéros et que l’on avait perdu. On a donc retenu l’exploration spatiale développée dans le premier volet, les relations entre personnages du deuxième et le gameplay plus dynamique du troisième.

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Ce gameplay se veut d’ailleurs « semi-ouvert ». Etait-ce essentiel à l’heure où les mondes totalement ouverts semblent devenir la norme en matière de jeux d’aventure ?

FC : A BioWare, nous avons une contrainte qui est spécifique : c’est la narration. L’histoire du jeu se raconte d’une certaine manière et tous les choix du joueur ont des conséquences sur son déroulement. Cette contrainte implique un besoin de linéarité. Toutefois, pour Andromeda nous voulions absolument développer l’exploration. Et par définition, cela implique une ouverture. Durant les cinq années de développement du jeu, nous avons essayé différents systèmes, y compris un monde totalement ouvert. Mais nous nous sommes rapidement rendu compte que cela ne marchait pas. Il nous faut un monde plus maîtrisé, afin que chaque mission ou action ait un impact narratif, même pour les quêtes secondaires, tout en gardant un haut niveau de qualité.

Si Star Trek et les space opéra à la Star Wars sont une évidence, quelles ont été vos influences en matière de SF ?

FC : Dans nos studios, nous avons une bibliothèque qui doit contenir 300 à 400 livres de SF. Et je dois avouer que nous sommes très orientés sur la science-fiction des années 1950-1960, notamment les œuvres d’Isaac Asimov avec le cycle de Fondation. Côté films, nous nous sommes beaucoup penchés sur ceux des années 1980 : Blade Runner, Alien… C’est l’ADN de Mass Effect. Pour Andromeda, on peut ajouter aussi le livre « La main gauche des ténèbres » (de Philippe Porée-Kurrer) qui possède une approche anthropologique autour du premier contact. Tout l’aspect linguistique est fascinant. Celui-ci a d’ailleurs été exploré récemment par Denis Villeneuve dans son film Premier Contact. Enfin, nous développons nos relations avec l’ESA et la NASA, afin de donner un aspect scientifique crédible à notre histoire.

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© Electronic Arts

Alexandre Astier, est-ce que ce type d’œuvres, traité sous l’angle du jeu vidéo, vous fascine ? Et qu’est-ce qui vous a attiré dans Mass Effect ?

J’aime bien le fait que l’étude amène un monde plus riche que la simple imagination. On a beau rêver de choses à ce sujet, lorsqu’on commence à discuter avec des spécialistes du domaine spatial, comme j’ai pu le faire pour écrire ExoConférence, c’est-à-dire avec des types qui avaient mis la main dans le cambouis, on constate que ces personnes vivent dans ce qui est pour nous un rêve. Tous les jours, ils peuvent se dire : comment je vais me poser sur une comète ? Sauf qu’ils ont les moyens et la science pour y répondre. Leur imagination est bien plus en avance que la nôtre à ce niveau. Ce que j’aime dans Mass Effect Andromeda, c’est qu’il y a une forme d’humilité vis-à-vis de la conquête spatiale, qui n’est pas encore possible de concrétiser aujourd’hui et peut-être même en 2185 (dans le jeu).

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Sommes-nous nés 200 ans trop tôt ?

AA : Pour moi deux siècles est un délai optimiste, car j’estime qu’on est encore loin de pouvoir partir vers les étoiles. Ceci étant, il ne faut pas oublier que ce qui permet la conquête, et c’est vrai pour chaque siècle, c’est l’argent et la guerre. Par exemple, concernant la course à la Lune, ce ne sont pas de très belles notions humanistes qui l’ont nourrie. Sauf que c’est devenu une des choses les plus belles que l’homme ait faite. Donc 200 ans, je ne sais pas, mais si jamais un jour il y a une nation qui part, il faudra savoir pourquoi elle est partie. Cela m’inquiète plus que le simple humanisme et le simple désir de conquête.

Dans Mass Effect, l’homme incarne d’ailleurs l’intrus face à l’extra-terrestre. Selon vous, que pourrait se dire un être humain de notre époque lorsqu’il rentrerait dans la fameuse Cantina de Star Wars ?

AA : Je me dirai : "les figurants doivent avoir chaud là-dessous !"

FC : Encore une fois, c’est une question de rapport de force. Notre jeu est une métaphore de ce qui se passe dans le monde actuel. C’est une histoire de réfugiés, qui cherchent juste une meilleure vie avec ce qu’ils peuvent sauver. La confrontation avec des extra-terrestres n’implique pas tant d’être l’inconnu que la question de l’intégration. Il n’y pas de retours en arrière possible. Il y a donc une forme d’humilité à avoir vis-à-vis de l’autre.

AA : Personnellement, je pense que je sors de la cantina. Car dans toute l’histoire, lorsqu’il y a une rencontre de civilisations qui s’ignoraient, généralement ça s'est mal passé. Il y a de la peur, puis de l’agressivité… Donc si j’étais seul et qu’eux ont l’air de s’entendre, bizarrement, je partirai. Après, s’il y a Han Solo dedans, j’irai peut-être boire un verre avec lui…

Le jeu développe aussi une dimension familiale autour de ses protagonistes. Pourquoi est-ce encore important de conserver cette dimension sociale ?

FC : Les histoires de famille s’inscrivent dans une forme de continuité à travers les siècles, peu importe les liens de sang ou pas. En outre, en tant que créateur je crois que c’est une dimension dans laquelle les gens se projettent plus facilement.

Alexandre, quel est votre rapport aux jeux de rôle en matière de jeu vidéo, vous qui êtes très fans des versions plus traditionnelles ?

J’ai toujours eu une petite préférence pour les jeux de rôle extrêmement libres, de type « sand box » (bac à sable). Ce que j’aime dans le jeu de rôle papier et livre, c’est la liberté et la difficulté de faire les choses. Je suis moins Donjons et Dragons, où l’on dit j’ai tué quatre dragons… Je préfère les jeux où lorsqu’un joueur dit « je saute un muret », et l’on jette alors un dé pour savoir s’il se pète ou non une cheville. Cela inclus plus de peur et de crainte autour de la table. Donc pour les jeux vidéo, c’est la même chose. J’aime sentir qu’on ne me met pas dans une linéarité, sinon je trouve que c’est moins bon que ce que j’ai pu connaître autour d’une table et en tant que scénariste. Mais il y a des jeux où la volonté de faire croire que je suis libre de me tromper ou de commettre des erreurs fatales, augmente l’intérêt.

La réalité virtuelle sera-t-elle bientôt exploitée dans l’univers de Mass Effect ?

FC : Nous ne sommes fermés à aucune technologie. Ce qui compte pour nous, ce sont les émotions. Donc s’il on trouve des moyens narratifs intéressants pour faire passer des émotions, évidemment que l’on s’y intéressera de plus prêt. Mais pour être clair, il n’y a pas de plan immédiat à ce sujet.

Et vous Alexandre, avez-vous déjà eu une expérience avec la VR ?

J’ai pu tester sur PlayStation VR, avec Super Stardust Ultra, qui a une petite section à cet effet. J’avoue que c’était la première fois que je m’y essayais et je dois avouer que le simple fait d’être dans un vaisseau et de voir ses jambes et ses mains le piloter et de me retrouver au milieu des étoiles… je me suis dit : « Ah ! On est aux portes d’autre chose !». C’est une des choses qui me donne envie de ne pas mourir trop jeune.

Et réaliser un jeu vidéo, ça vous intéresse ?

Oui, beaucoup. Mais je serai chiant ! Evidemment, comme je suis un gamer, j’aimerai faire un jeu qui répare toutes mes frustrations. Je n’ai pas de thème en particulier, mais j’aimerai beaucoup amener ma vision de metteur en scène, d’acteur et de dialoguiste. Je sais qu’il y a encore un cran d’immersion à franchir. J’aimerai donc beaucoup travailler sur ce media.

Mass Effect Andromeda, Electronic Arts, sur PC, PS4 et Xbox One, le 24 mars.

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