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Canada : excuses et dédommagement pour un ex-détenu de Guantanamo

Les entraves au sol du bloc cellulaire C dans le centre de détention "Camp Five" de la prison américaine de Guantanamo à Cuba, le 19 janvier 2012 [Jim WATSON / AFP/Archives] Les entraves au sol du bloc cellulaire C dans le centre de détention "Camp Five" de la prison américaine de Guantanamo à Cuba, le 19 janvier 2012 [Jim WATSON / AFP/Archives]

Le gouvernement canadien a présenté vendredi des excuses solennelles et versé des dommages-intérêts à un ancien détenu de Guantanamo, Omar Khadr, pour son rôle dans sa longue détention dans la prison de la base américaine à Cuba.

Né à Toronto dans une famille sympathisante d'Al-Qaïda, Omar Khadr était devenu à 15 ans le plus jeune détenu de la prison de Guantanamo après sa capture en Afghanistan en 2002 et son transfert à Cuba. A Guantanamo, il avait été condamné en 2010 à huit ans de prison par un tribunal militaire d'exception pour avoir prétendument jeté une grenade sur les forces armées américaines en Afghanistan, tuant un sergent et blessant un soldat.

Extradé la même année vers le Canada, Omar Khadr avait finalement été libéré sous conditions en 2015 en dépit de l'opposition de l'ancien gouvernement conservateur de Stephen Harper. Il soutient depuis qu'il avait plaidé, à l'époque, coupable pour le meurtre du sergent américain Christopher Speer car il ne voyait pas d'autre moyen de sortir de cette prison, où il a subi humiliations et mauvais traitements.

Ses droits de citoyen violés

La Cour suprême du Canada avait jugé en 2010 que ses droits de citoyen avaient été violés par Ottawa en raison de la participation de responsables canadiens à des interrogatoires menés par la justice militaire américaine à Guantanamo.

«Au nom du gouvernement du Canada, nous souhaitons présenter nos excuses à M. Khadr pour tout rôle que les représentants canadiens pourraient avoir joué relativement à l’épreuve qu’il a subie à l’étranger ainsi que tout tort en résultant», ont déclaré les ministres de la Sécurité publique, Ralph Goodale, et des Affaires étrangères, Chrystia Freeland.

«Divisions profondes»

Omar Khadr réclamait 20 millions de dollars canadiens (13,6 millions d'euros) en dommages et intérêts au gouvernement fédéral pour les torts qu'il a subis. Dans le cadre d'un accord à l'amiable, le gouvernement canadien lui aurait finalement versé 10,5 millions de dollars, somme que le ministre Goodale a refusé de confirmer, évoquant une entente «confidentielle».

Tout en reconnaissant que le règlement conclu par le gouvernement suscitait des «divisions profondes» dans l'opinion publique canadienne, M. Goodale a insisté sur le fait qu'il ne concernait que les manquements du gouvernement à l'égard des droits d'Omar Khadr, et non les actions de ce dernier en Afghanistan.

«Les gouvernements ne sont pas au-dessus de la loi», a-t-il dit en rappelant que le précédent «gouvernement Harper avait refusé de rapatrier M. Khadr ou de résoudre cette affaire» malgré trois décisions de la Cour suprême du Canada.

«Cela refait un peu ma réputation au Canada»

Le nouveau chef de l'opposition conservatrice, Andrew Scheer, s'est insurgé contre cette décision «de Justin Trudeau de faire un paiement confidentiel de 10,5 millions de dollars au terroriste qui a tué le sergent de l'armée américaine Christopher Speer en Afghanistan». Elle «choque les Canadiens», a-t-il dit à la presse.

«Cela refait un peu ma réputation au Canada. Et c'est le plus important pour moi», a dit de son côté Omar Khadr, 30 ans, à la chaîne publique CBC, assurant avoir bien changé depuis toutes ces années. Enfant, M. Khadr avait été embrigadé par son père, un cadre financier d'Al-Qaïda, pour combattre en Afghanistan. Son père a été tué en octobre 2003 au cours d'un accrochage avec les forces armées pakistanaises.

Omar Khadr a dit comprendre les divisions que cette affaire soulève au Canada, où pour certains il n'était qu'un «enfant-soldat» au moment des faits, alors que d'autres le traitent encore de «terroriste». «Nous vivons au Canada, c'est un pays libre. Les gens ont le droit d'exprimer leurs opinions», a ajouté celui qui espère entreprendre des études à l'automne pour devenir infirmier.

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