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Jean-Éric Branaa : «Si Trump continue comme cela, il sera réélu»

Donald Trump utilise la division de plus en plus violente au sein de la société américaine comme une arme politique. Donald Trump utilise la division de plus en plus violente au sein de la société américaine comme une arme politique. [WIN MCNAMEE / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP]

Le 8 novembre 2016, Donald Trump était élu président des États-Unis. Une année émaillée de nombreuses turbulences, qui laisse à penser que le pays de l'Oncle Sam n'a jamais été aussi fracturé. L'occasion de revenir sur le bilan du milliardaire iconoclaste avec Jean-Éric Branaa, spécialiste des États-Unis, et auteur de Trumpland, Portrait d'une Amérique divisée.

Dans votre ouvrage, vous parlez d'un désir d'unité prégnant chez chaque américain, marqué par l'histoire des États-Unis, qui se sont construits sur une succession de vagues d'immigration depuis 1604. C'était le dessein de Barack Obama, quand en 2008, il appelait à transcender les clivages pour réunir les États bleus (démocrates) et les États rouges (républicains). Donald Trump se pose-t-il aussi comme un rassembleur ? 

Jean-Éric Branaa : Donald Trump est un intuitif. C'est un homme d'affaires qui a bien senti que le diagnostic établi par la classe politique n'était pas le bon. La division du peuple américain est flagrante, elle existe en effet depuis la naissance des États-Unis, depuis le péché originel de l'esclavage. Donald Trump est arrivé en surfant dessus, en la récupérant comme une arme politique. Il instrumentalise la division et souffle constamment sur les braises. 

Lors d'un meeting à Phoenix (Arizona), le 22 août, Trump réagit aux violences de Charlottesville, arguant que les torts sont à chercher des deux côtés.

L'élection de Barack Obama en 2008 avait fait naître le rêve d'une société post-raciale. Mais, à observer aujourd'hui l'émergence des nationalistes et des suprémacistes blancs, on a l'impression qu'il a échoué...

Oui, c'est flagrant. En même temps, une attente considérable pesait sur lui. C'est un peu comme en amour : les grandes passions se terminent bien souvent en chaos total. La communauté noire souffrait depuis toujours, mais elle a vite compris qu'Obama n'en acterait pas la fin. Dans l'électorat afro-américain, le désamour politique à l'encontre du Démocrate a été terrible. 

Quant au retour des suprémacistes blancs, on ne peut qu'être frappé par l'entourage sulfureux de Donald Trump. S'ils n'ont pas développé une pensée suprémaciste, ils ont racialisé le problème blanc. 

Et c'est une nouveauté?

Oui, dans le sens où cette classe blanche considère qu'elle n'est plus la classe dominante. Ils ont en effet anticipé le changement démographique, car aux Etats-Unis d'ici 2040-2050, les «Blancs» ne seront plus majoritaires, mais représenteront 48% de la population. A contrario, les autres communautés auront, ensemble, pris l'ascendant. 

Donald Trump a donc récupéré l'angoisse des WASP, qui se sentent à la fois en perdition et attaqués. Il a ainsi réussi à faire déplacer ces «petits blancs», qui ont l'impression d'être ostracisés, dans les bureaux de vote. 

Qu'en est-il de l'admission des réfugiés? Donald Trump a-t-il mis en place ce qu'il avait promis?

Quelque 45.000 réfugiés sont entrés sur le sol américain depuis son élection, soit 5.000 de moins que ce qu'il avait anticipé. L'an prochain, le Président a encore abaissé le quota à 40.000.

Concernant le décret migratoire, il vise les foyers terroristes. Il n'a qu'une obsession : renforcer la sécurité des États-Unis. On l'a bien vu encore avec l'attentat d'Halloween à New-York, le président ne parle qu'à sa base électorale, c'est pourquoi il la dirige vers la peine de mort.

Là encore, il se positionne à contre-courant en relançant des débats vieux de 20 ans. 

Sur le plan intérieur, ce qui a beaucoup frappé les observateurs cette année, c'est également le détricotage systématique de toutes les avancées d'Obama en termes d'environnement, et notamment la sortie de la Cop 21.

C'est une catastrophe ! C'est même une erreur historique, tous les pays du monde ayant signé la Cop 21, à l'exception de la Syrie. 

Ce retrait des accords de Paris est en fait emblématique de la pensée de Trump : servir des intérêts économiques à court terme, au détriment d'une vision politique à long terme. 

Donald Trump annonce officiellement le 1er juin 2017 le retrait de l'accord de Paris sur le climat.

Le Président amércain a ainsi autorisé le forage en Arctique -région déjà bien sinistrée- et a acté la fin du moratoire sur le charbon. Même si ces décisions sont des contre-sens historiques, l'économie, elle, repart. La croissance accuse en effet une augmentation de 3, 2% au dernier trimestre.

Précisément, Trump semble gagner son pari sur l'emploi...

En effet. Et en outre, la future baisse des impôts va être fabuleuse pour les entreprises. Trump entendait faire passer les impôts de 35% à 15%, et le Congrès vient de le suivre en actant une baisse autour de 20%. Le président espère ainsi qu'ils seront votés pour Thanksgiving. 

De plus, dans son budget, il prévoit la construction de bâtiments, le renforcement de travaux publics et la mise en place d'internet absolument partout... C'est un plan que les Démocrates avaient rêvé de mettre en place !

Tout n'est donc pas à bannir dans son budget, à l'instar de la mise en place d'un congé maternité de six semaines payé proposés aux femmes américaines. C'est une petite révolution. 

Après un an de présidence, que peut-on dire de sa position à l'international?

En schématisant, l'on pourrait dire qu'il n'y a rien! Là aussi, c'est l'Amérique d'abord. Trump ne cesse de marteler :«Je suis président des Etats-Unis, pas du Monde!». 

Encore une fois, ce n'est pas un politicien : l'idéologie ne l'intéresse que si elle influe sur l'économie américaine. Ses entrevues avec les autres dirigeants ne servent qu'à signer des contrats commerciaux.

Si l'on prend l'exemple de la Chine, peu lui importe que les droits de l'homme soient bafoués. Ce qu'il entend c'est rétablir des contrats avec Xi Jinping.

C'est là aussi le dessein de sa première tournée en Asie. En septembre, il a convenu d'un contrat de matériel militaire d'une valeur de plusieurs milliards de dollars en Corée du Sud. Son déplacement prochain va lui permettre de concrétiser le contrat.

Finalement, Donald Trump ne veut intervenir à l'étranger que s'il estime que la sécurité intérieure des États-Unis est mise à mal, comme avec la Corée du Nord.

Pour l'instant, sur un plan stratégique, tout fonctionne pour Trump. Son électorat le soutient d'une manière indéfectible. Et s'il continue ainsi, il sera réélu.

Trumpland, Portrait d'une Amérique divisée, de Jean-Eric Branaa, Éditions Privat

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