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Impôts : quelle fiscalité pour le Bitcoin ?

[GEOFFROY VAN DER HASSELT / AFP]

La cryptomonnaie, paradis fiscal du XXIe siècle ? Loin de là. L'administration fiscale française a depuis quelques années établi une législation pour taxer les détenteurs de bitcoins, quoique encore floue. 

Quel statut pour le bitcoin ?

Le Bitcoin est défini par la Direction générale des finances publiques comme «une unité de compte virtuelle stockée sur un support électronique permettant à une communauté d’utilisateurs d’échanger entre eux des biens et services sans recourir à une monnaie ayant cours légal».

En somme, le Bitcoin n'est pas considéré comme une monnaie par l'administration fiscale française, mais comme un moyen de paiement alternatif. À noter également : seul le Bitcoin est évoqué directement dans la législation fiscale française, mais celle-ci s'étend naturellement aux autres cryptomonnaies (Etehreum, Litecoin, etc...). 

Dans quelle catégorie déclarer mes gains ? 

Si l'activité est ponctuelle, les détenteurs de bitcoins sont soumis au régime fiscal des bénéfices non-commerciaux (BNC). Si l'activité est habituelle, soit à des fins d'achat-revente, l'imposition relève du régime fiscal des bénéfices industriels et commerciaux (BIC). Un «mineur» de bitcoins par exemple, appartiendra à cette dernière catégorie. 

Un flottement interprétatif persiste cependant sur la question de la définition de l'activité régulière et de l'activité occasionnelle, et par conséquent de la différence faite entre les deux. Plusieurs critères sont néanmoins à prendre en compte, notamment les conditions d'acquisition des bitcoins, la fréquence et le montant des opérations en cryptomonnaies. 

Comment mes gains sont-ils imposés ?

Dans les deux cas, l'administration fiscale ne taxe que la plus-value générée lors d'une transaction : c’est l’utilisation ou la conversion en monnaie «réelle» qui déclenche la taxation.

Concrètement, si un contribuable avait investi l'équivalent de 200 euros de bitcoins et qu'il revend la même quantité contre 1000 euros, ce sont donc les 800 euros de plus-value réalisée sur la vente qui sont taxés.

De la même façon, lorsqu'une personne achète un bien pouvant être réglé directement en bitcoins (ce qui actuellement n'es pas encore très répandu), la plus-value doit être calculée sur la transaction pour être soumise à l'imposition. Le vendeur vous fournit alors une facture en euros, où la plus-value taxable apparaitra. 

Néanmoins, une exception : aucune déclaration n'est nécessaire si les gains de votre activité de minage ou d'échange ne dépassent pas 305 euros.

Pour la part d’impôt sur le revenu, chacun devra choisir le barème qui correspond à la situation. Dans les deux cas, le taux d'impôt sur le revenu peut s'élever jusqu'à à 45%, accompagné, au-delà d'un certain montant, de la surtaxe Fillon à 3 ou 4%.

À cette facture fiscale déjà salée s'ajoute les prélèvements sociaux sur les revenus d'activités (CSG-CRDS), fixés à 17,2%, depuis la hausse de la CSG de 1,7 point au 1er janvier 2018. 

Au total, les gains obtenus en cédant des bitcoins peuvent être taxés jusqu'à 60% en cumulant l'impôt sur la revenu, la surtaxe Fillon et les contributions sociales. 

Les gains conservés dans mon portefeuille sont-ils imposés ?

Selon l'administration fiscale, les gains latents, soit la différence entre la valeur actuelle et le prix d’achat des bitcoins conservés dans votre portefeuille virtuels, ne sont soumis à aucune taxation. 

Ces gains entraient auparavant dans l'assiette de l'impôt sur la fortune (ISF), supprimé au 1er janvier 2018. Plus question de déclarer la valeur de ses bitcoins désormais. Néanmoins, si les contribuables, détenteurs de longue date de cryptomonnaie, ont omis de déclarer leurs gains au cours des années précédentes, ils ne sont pas à l'abri d'une rectification de l'administration fiscale a posteriori.

Les opérations entre cryptomonnaies sont-elles imposées ? 

Les gains résultants du trading en monnaie virtuelle ne sont actuellement pas soumis à imposition. Au-delà du Bitcoin, des centaines de cryptomonnaies différentes existent désormais. La plus-value réalisée sur la vente de bitcoins contre des ethers ou des litecoins par exemple, échappe (pour l'instant) à toute taxation. Mais sur ce point, l'Etat n'a pas encore édicté de règlements clairs. 

Néanmoins, certains adeptes des cryptomonnaies ont tendance à interpréter les directives fiscales dans un sens contraire. Dans un règlement des finances publiques, il est précisé «que les gains sont imposables, quelle que soit la nature des biens ou valeurs contre lesquels les bitcoins sont échangés». À ce titre, les échanges entre cryptomonnaies rendraient imposable la plus-value réalisée.

A quel taux sont taxés mes bitcoins en cas de donation ou de succession ?

En cas de décès d'une personne possédant des montants en cryptomonnaies, ses héritiers et légataires sont soumis aux droits de succession. De la même manière, la taxation s'impose dans le cas d'une donation. Le montant est alors soumis à l'impôt sur les donations et sur les successions, à hauteur de 60%.

La «flat-tax» est-elle applicable aux cryptomonnaies ?

Les gains en bitcoins ne sont pas considérés comme des revenus mobiliers, à l'inverse par exemple des plus-values sur les actions. Ils ne sont donc pas soumis au prélèvement forfaitaire unique (PFU)  de 30 %, en vigueur depuis le 1er janvier, communément appelé «flat-tax», malgré ce qu'a pu annoncer Benjamin Griveaux, porte-parole du gouvernement. 

Les transactions en cryptomonnaie sont-elles soumises à la TVA ? 

En ce qui concerne une potentielle soumission à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) des transactions en cryptomonnaies, une jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne a permis de trancher. 

Un arrêt de la cour établit en 2015  que «Les prestations de services (...) qui consistent en l’échange de devises traditionnelles contre des unités de la devise virtuelle «Bitcoin», et inversement, effectuées contre le paiement d’une somme correspondant à la marge constituée par la différence entre, d’une part, le prix auquel l’opérateur concerné achète les devises et, d’autre part, le prix auquel il les vend à ses clients, constituent des opérations exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée.»

En somme, une opération en cryptomonnaies est considérée comme une transaction financière, il n'y a donc pas de TVA appliquée. En revanche, une commission prélevée sur la vente est considérée comme une prestation de service et déclenche la TVA. 

L'administration française peut-elle vraiment me contrôler ?

Au vu de la complexité des règles fiscales applicables au Bitcoin, il pourrait être tentant de ne rien déclarer. Après tout, le système inhérent aux monnaies virtuelles est censé être anonyme et libre se libérer de toute dépendance au système bancaire légal. Pas tout à fait. Plusieurs situations ne permettent pas de passer outre le contrôle de l’administration fiscale: 

- Lors d'une étape de conversion en euros ou dans une autre devise ayant cours légal, les montants vont à un moment ou un autre figurer sur un compte en banque. Dès lors, l'administration fiscale accède nécessairement aux informations.  

- Lors du déclenchement d'une enquête par Tracfin, le service de renseignement financier. L'administration va dans ce cas bénéficier d'un processus de transmission automatique d'informations de la part des banques sur les opérations réalisées et donc potentiellement sur la détention de cryptomonnaies. 

- À l'occasion d'une enquête de situation fiscale personnelle, soit un contrôle fiscal.

En décembre, le ministre de l'Action et des comptes publics, Gerald Darmanin, rappelait aux contribuables français lors d'une conférence de presse à Bercy, l'obligation de déclarer ses gains en cryptomonnaies à l'administration fiscale. 

«S'il y a plus-value, il doit y avoir une déclaration de ces revenus et ces revenus seraient évidemment taxés. S'ils ne l'étaient pas, le redressement fiscal serait évidemment à la hauteur de la fraude», a-t-il prévenu.

En confiant à Jean-Pierre Landau, ancien sous-gouverneur de la Banque de France, une mission sur la cryptomonnaie, Bruno Le Maire, ministre de l'Economie, entend corriger le flou existant autour de la fiscalité sur la cryptomonnaie. Les premières propositions sont attendues dans le courant de l'année. 

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