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Tout savoir sur la «clause Molière»

Encouragée par plusieurs collectivités locales tenues par des élus de droite, cette clause vise à imposer le français sur les chantiers.[PHILIPPE HUGUEN / AFP]

Le débat sur la «clause Molière», qui vise à imposer le français sur les chantiers dans certaines régions s’invite chaque jour un peu plus dans la campagne de l’élection présidentielle. Cinq questions pour comprendre l’enjeu de ce débat.

Qu’est ce que c’est ?

Il s’agit d’une disposition prise par une collectivité locale pour imposer l'usage du français sur les chantiers dont elle est maître d'œuvre.  «La clause Molière participe d'un double ADN : sécurité (maîtrise des consignes, NDLR) et défense de l'emploi», résume celui qui en revendique la paternité, l'adjoint (LR) aux Finances d'Angoulême, Vincent You. Concrètement, l'obligation de parler français ou pour les entreprises d'employer un traducteur, est présentée comme une riposte aux ravages du travail détaché. Dans le BTP, «une entreprise gagne un marché en faisant des prix anormalement bas puis fait appel à des sous-traitants étrangers pour pouvoir s'en sortir», s'est ainsi justifié Hervé Morin, président UDI de la Normandie.

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Où est-elle applicable ?

Dans plusieurs régions principalement de droite (Ile-de-France, Hauts-de-France, Normandie, Auvergne-Rhône-Alpes...), des villes (Montfermeil, Chalon-sur-Saône) ou départements (Haut-Rhin, Charente). Les Alpes-Maritimes devraient suivre prochainement. Le président d'Auvergne-Rhône-Alpes, Laurent Wauquiez (LR), a même mis en place une brigade de contrôle chargée de veiller au respect de la «clause Molière», malgré un recours du préfet.

Qui est pour ?

La mesure est saluée par la Capeb (artisans du bâtiment), au nom de la lutte contre le «dumping social». Dans un entretien au jdd.fr, Laurent Wauquiez s’en fait l’ardent défenseur. La mesure ne figure pourtant pas au programme de son champion, François Fillon.

Même antienne pour Nicolas Dupont-Aignan, candidat Debout la France à l'élection présidentielle. Selon lui «l'État n'a rien fait pour lutter contre la concurrence déloyale que constituent les 500.000 travailleurs détachés dans notre pays», dénonçant les «socialistes mondialistes» et les syndicats Medef, CFDT et CGT, «apôtres d'une préférence étrangère qui décime nos emplois depuis des décennies!»

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Qui est contre ?

Le clause Molière est en revanche contestée par le Medef. «Vous commencez comme ça, et puis après vous commencez à faire du favoritisme, et puis ensuite vous fermez les frontières françaises, et puis vous finissez par sortir de l'euro», a averti Pierre Gattaz. Même son de cloche pour certains syndicats. La CFDT a fustigé une mesure qui «ne règle en rien la question du travail illégal», tandis que la CGT a dénoncé une intention «purement électoraliste» visant à marcher sur «les traces du Front national».

Bernard Cazeneuve a vivement critiqué cette clause qui s'apparente selon lui à «une clause Tartuffe» dont les promoteurs visent «à tirer profit électoral». Au sein du gouvernement, cette pratique est jugée «discriminatoire» par les ministres Myriam El Khomri (Travail) et Emmanuelle Cosse (Logement) qui font remarquer que les collectivités n'ont pas le pouvoir d'effectuer des contrôles, ni d'imposer des sanctions.

Reconnaissant exprimer une opinion minoritaire au sein des Républicains, Gérard Larcher, président du Sénat et ancien ministre délégué au Travail, s'est déclaré contre, jugeant notamment cette mesure impossible à appliquer dans les Pyrénées-Orientales, en Alsace ou dans les Flandres, où se parlent aussi le catalan ou l'alsacien, ou le flamand.

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Quel est le rapport avec la directive des travailleurs détachés ?

Le plus surprenant dans ce débat est de voir comme les candidats placés aux extrêmes de l’échiquier politique bottent en touche sur la question. Marine Le Pen considère que la clause est «du patriotisme honteux. Comme on n'ose pas dire clairement les choses et demander la suppression de la directive détachement des travailleurs (...), on prend des chemins contournés». Même raisonnement chez Jean-Luc Mélenchon qui dénonce «l'hypocrisie» de la clause pour mieux souligner son «opposition» au statut de travailleur détaché.

Encadré par une directive européenne de 1996, le détachement permet à une entreprise européenne d'envoyer temporairement ses salariés en mission dans d'autres pays de l'UE, en respectant le salaire minimum du pays d'accueil notamment, mais en payant les cotisations sociales dans le pays d'origine. Souhaitant harmoniser les conditions de travail dans l'UE, au regard des nombreux détournements constatés (non-déclaration, rémunérations très inférieures au Smic, durées maximales de travail dépassées...), la Commission européenne a entrepris de réviser cette directive.

 

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