Après vingt saisons passées en NBA, Kobe Bryant quittera définitivement les parquets le 13 avril prochain face au Jazz d’Utah. Une fin de carrière qui ne devrait pas manquer d’alimenter l’éternelle discussion sur la place de la star des Los Angeles Lakers au panthéon des meilleurs joueurs de l’histoire de la ligue. Mais est-il seulement le meilleur de sa génération ?
Le 29 novembre dernier, Kobe Bryant annonçait au monde du basket sa décision de prendre sa retraite au terme de la saison avec un message personnel publié sur le site ThePlayersTribune. Depuis ce jour, chaque déplacement du n°24 des Los Angeles Lakers est devenu un événement, une dernière chance d’applaudir un joueur à la carrière exceptionnelle qui a longtemps été comparé à son modèle, celui considéré comme étant le meilleur de l’histoire, Michael Jordan.
Cette annonce a également été l’occasion pour les observateurs d’examiner la place de Kobe Bryant dans l’histoire de la NBA. Des discussions qui déchaînent les passions chez les fans. Car s’il paraît évident que l’ancienne gloire des Chicago Bulls reste intouchable au sommet du classement, le palmarès de la star des Lakers lui permet largement de supporter la comparaison avec les autres légendes que sont Earvin «Magic» Johnson, Larry Bird, Oscar Robertson, Kareem Abdul-Jabbar ou encore Wilt Chamberlain.
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Un débat passionnant. Certes. Mais Kobe Bryant, aussi formidable soit-il, n’est peut-être même pas le meilleur joueur de sa génération. Plus discret, mais tout aussi létal, et doté d’un palmarès au moins aussi impressionnant, Tim Duncan est secrètement le joueur le plus dominant de ces vingt dernières années. Et la preuve statistique de ce qui pourrait ressembler à une provocation gratuite et infondée existe.
Le palmarès et les récompenses
La comparaison entre Kobe Bryant et Tim Duncan n’est pas évidente. Tout simplement parce qu’ils ne jouent pas au même poste. L’un est arrière, l’autre joue à l’intérieur. Mais tous deux ont été les figures de proues de leur franchise depuis leur arrivée en NBA à la fin des années 1990, et se trouvaient en première ligne dans les succès comme les défaites. Après toutes ces années, leur palmarès et les récompenses engrangés par les deux joueurs sont quasi-similaires.
©landofbasketball.com
Avec cinq titres NBA remportés avec leurs équipes respectives, le nombre de bagues de champion ne rentre pas en ligne de compte dans cette comparaison. Par contre, Tim Duncan s’impose dans deux catégories majeures, à savoir le nombre de titre de MVP (meilleur joueur de la saison), et de Finals MVP (meilleur joueurs des finales NBA).
Défensivement, Tim Duncan prend également le dessus sur Kobe Bryant (d’autres preuves sont à venir) avec 15 sélections dans les All-Defensive Teams contre 12 pour Kobe Bryant. Le joueur des Lakers a été sélectionné une fois de plus dans la All-Defense First Team ainsi que dans la All-NBA First Team (il a aussi joué une saison de plus), mais cela ne permet pas à Kobe Bryant de prendre un avantage décisif sur Tim Duncan.
Statistiques en carrière et efficacité
Idolâtré pour ses prouesses offensives hors du commun, et ce à juste titre, Kobe Bryant est clairement le meilleur scoreur. Si on regarde leurs moyennes en carrière, que ce soit en saison régulière…
Ou en playoffs…
Rien ne permet de distinguer une différence – si ce n’est celle dû à leur poste respectif – dramatique permettant de tirer des conclusions dans un sens ou dans un autre. A l’inverse, le rapport d’efficacité, le fameux PER (Player Efficiency Rating), sur l’ensemble de leur carrière permet de mettre en évidence la domination de Tim Duncan.
Avec un PER de 24,20 en carrière, Tim Duncan surclasse Kobe Bryant et ses 22,90. Alors, oui, la star des Lakers a vu sa moyenne baisser ces dernières années en raison de ses nombreuses blessures. Mais la constance de Tim Duncan à travers les années, et le fait qu’il ait réussi de son côté à surmonter une grave blessure au genou survenu en avril 2000, permet de soutenir la pertinence des ces données.
Les statistiques avancées
A l’ère du règne des statistiques avancées, il est désormais plus aisé de mettre en perspective l’impact d’un joueur sur les résultats de son équipe via ses performances individuelles. Grâce au site basketball-reference.com, il est possible d’obtenir une comparaison entre les deux joueurs sur différents paramètres qui en disent long sur leur carrière.
Commençons par leur rendement toutes les 100 possessions, qui nous permet de calculer notamment leur «Net Rating», à savoir le rapport entre leur impact sur le plan offensif et défensif. Que ce soit en saison régulière, ou lors des playoffs (concentrez-vous sur les deux derniers blocs, ORtg et DRtg).
Saison régulière :
Si les deux joueurs ont le même impact offensif, on remarque que, défensivement, Tim Duncan se situe largement au-dessus de Kobe Bryant. Avec un différentiel de +14 (ORtg – DRtg = Net Rating), l’intérieur des Spurs figure parmi l’élite du basketball (à titre de comparaison, le ratio de Michael Jordan était de +17 lorsqu’il était aux Bulls, +15 si on y ajoute ses 2 saisons aux Wizards). Kobe Bryant est à +5.
En playoffs :
Là encore, l’avantage est clairement pour Tim Duncan (+11 comparé à +4 pour Kobe Byrant).
Toujours pas convaincu ? L’analyse statistique de la carrière des deux joueurs est également à l’avantage de Tim Duncan. Que ce soit en saison régulière…
… ou en playoffs
Que faut-il y voir là-dedans ? Prenons trois résultats majeurs révélés dans ces tableaux. Tim Duncan possède un meilleur «Win Share» (WS : calcul le nombre de victoires qu’un joueur produit pour son équipe) dans les deux cas, un meilleur «Box Plus / Minus» (BPM : estimation du nombre de points toutes les 100 possessions auquel un joueur contribue par rapport à la moyenne de la ligue), pareil en ce qui concerne le «Value Over Replacement Player». Bref, partout où notre regard se pose, les statistiques avancées donnent l’avantage à Tim Duncan.
Constance VS. Fulgurance
Kobe Bryant est le premier à le reconnaître. En 2014, le joueur des Lakers était interrogé sur la bonne forme des San Antonio Spurs et le fait que, une fois encore, 15 ans après avoir remporté leur premier titre, Tim Duncan et la franchise texane faisaient partie des favoris pour s'emparer du trophée (ce qu'ils firent). «Je ne peux pas exprimer à quel point je suis jaloux. Personnellement, j’ai eu des hauts et des bas», confiait le n°24.
Arrivé dans la ligue pour la saison 1996-97, Kobe Bryant a participé 15 fois aux playoffs durant ses 20 années de carrière. Il les a raté 5 fois, en 2005, puis chaque année depuis 2012. Ses trois premiers titres avec les Los Angeles Lakers entre 2000 et 2002, Kobe Bryant les a largement partagé avec Shaquille O’Neal, alors le joueur le plus dominant de la NBA. Si le départ du Shaq à l’entame de la saison 2004-2005 (ajouté à celui du coach, Phil Jackson, qui reviendra pour celle de 2005-2006) a permis à Kobe Bryant d’exprimer l’immensité de ses talents individuels, les résultats de l’équipe n’ont pas toujours été au rendez-vous. Il faudra attendre l’arrivée de Pau Gasol dans l’effectif en 2008 pour voir les Lakers décoller à nouveau. Avant une rechute à partir de 2011.
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Pour Tim Duncan, les choses ne pouvaient mieux se passer. Drafté en 1997, il atteint les finales NBA dès 1999 aux côtés d’une autre gloire de la NBA, David Robinson. C’est toutefois lui qui est désigné, à 23 ans, comme le Finals MVP avec une ligne statistique à se décrocher la mâchoire: 27,4 points/match, 14,7 rebonds, 3,2 passes et 3,3 contres.
Tout au long de sa carrière, Tim Duncan n’a connu qu’une seule fois une saison à moins de 50 victoires, en 1999… à cause du lock-out qui a réduit la saison à 50 matchs. Tim Duncan n’a manqué les playoffs qu’une seule fois, en 2000, à cause d’une blessure. Tim Duncan est le deuxième joueur de l’histoire (avec John Salley) à avoir remporté un titre NBA sur trois décennies différentes (1999, 2003, 2005, 2007, 2014). Tim Duncan est le troisième joueur de l’histoire à atteindre la somme folle des 1 000 victoires en carrière.
Timmy joins Kareem & Robert Parish as only players in the @NBA 1,000 wins club. pic.twitter.com/9ns3vOFimE
— San Antonio Spurs (@spurs) April 6, 2016
Tim Duncan est un modèle de constance au plus haut niveau. Alors que Kobe Bryant termine sa dernière saison sur un pied et au sein d’une équipe des Lakers qui vient de battre son record de défaites établi l’an dernier avec 62 défaites (et la saison n’est pas terminée), l’intérieur des Spurs vient de voir son équipe réaliser, pour le moment, la meilleure saison de son histoire et s’apprête à disputer les playoffs avec une sérieuse chance de déloger les Golden State Warriors de leur piédestal.
Mieux, il reste la pièce maîtresse de leur effectif. Quand bien même il soufflera ses 40 bougies le 25 avril prochain. «Tim Duncan est à la base de tout ce que nous faisons » expliquait récemment Gregg Popovich, son coach depuis son arrivée en NBA. «C’est grâce à lui que nous avons une fondation solide», poursuivait-il. Dans un monde obsédé par la performance et la culture de la gagne, Tim Duncan est, en NBA, un de ses meilleurs représentants. Star incontestée de la ligue, il a su renouveler son jeu au fil des ans pour se maintenir parmi l’élite. Il a su également – et c’est une qualité dont on entend peu parler – partager les responsabilités avec ses coéquipiers, notamment Tony Parker et Manu Ginobili, et aujourd’hui Kawhi Leonard et LaMarcus Aldridge, pour s’assurer une meilleure longévité, tant d’un point de vue physique qu’en terme de compétitivité. Et les résultats parlent d'eux-mêmes.
Une question d’opinion ?
Cet article n’est en aucun cas une charge contre Kobe Bryant dont l’illustre carrière mérite d’être acclamée par tous les fans de la NBA. Il suffit d’écouter les témoignages de sympathie exprimés par la jeune génération de joueurs lors du All-Star Game pour comprendre l’impact énorme, et international, de la star des Lakers. Il suffit de voir le nombre de voix qui se sont élevées pour lui rendre hommage à chacun de ses déplacements pour comprendre que Kobe Bryant est une icône du basket comme nulle autre pareille depuis Michael Jordan.
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Mais d’un point de vue purement sportif, Kobe Bryant, aussi brillant fut-il balle en main, n’est pas le meilleur joueur de sa génération. Ce titre revient à Tim Duncan. Un avis partagé par le pivot légendaire des Lakers, Kareem Abdul-Jabbar, lors d’une récente interview. «Je dirais que Tim Duncan a eu une meilleure carrière sur le simple fait qu’il a réussi à gagner de manière plus constante, et l’équipe n’avait pas à se reposer sur Timmy à chaque instant».
Une affirmation qui n’a pas forcément réjouit Earvin «Magic» Johnson, autre légende des Lakers. «Kareem peut avoir son opinion. Mais ils ont tous les deux le même nombre de titres. Je serais partial avec un Laker parce que j’aime Kobe, je le connais en tant qu’homme et que personne. Ce qu’il a fait pour cette ville et les fans de basket à travers le monde… c’est un joueur qui a poussé les jeunes à travailler plus dur, à faire plus, parce que lui même travaillait sans relâche. LeBron (James), tous ces joueurs ont suivi Kobe. Et il a été celui qui leur a montré l’exemple, et ils l’ont tous suivi», explique celui-ci. Une opinion qui, de son propre aveu, est donc partiale.
Et qui ne saurait, in fine, changer le fait que, statistiquement parlant, Tim Duncan est bel et bien le joueur le plus dominant de sa génération. Que cela plaise ou non.
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