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Philippe geluck : "la chance d'être inspiré"

Le dessinateur belge publie désormais au rythme d'un nouvelle album par an. [CASTERMAN]

Le Chat fait des petits, c’est l’un des incontournables de la rentrée éditoriale. Avec un tirage de 310 000 exemplaires pour son dernier coffret et des ventes qui le place dans la même catégorie que ses cousins belges Black & Mortimer, le belge Philippe Geluck savoure un succès qui ne se dément pas. Qu’il laisse le Chat s’exprimer ou qu’il intervienne plus directement, comme avec la série consacrée à la passion de sa femme pour le Scrabble, celui qui aura bientôt un musée à l’effigie de sa mascotte n’a jamais l’inspiration en berne, malgré plus de 14 000 planches déjà réalisées.  

 

Vous n’avez jamais sorti autant d’albums. Plus le temps passe, plus vous êtes productif ?

C’est inversement proportionnel à la logique, mais je fais comme ça vient. Peut-être que le temps qui avance me donne un sentiment d’urgence.

Quand vous vient l’inspiration ?

J’ai la chance de continuer à être inspiré. Quand j’estime qu’il y a suffisament de matériel pour un bon album, j’y vais. J’ai un peu accéléré le rythme, y compris par culpabilité judéo-chrétienne. Le Chat est devenu une petite entreprise.

Vous proposez à nouveau plusieurs albums en un coffret. La forme est importante pour vous ?  

Je trouve ça amusant. Je me suis rendu compte avec la bible du Chat que c’était important, en amoureux des livres et des objets. J’imagine un plaisir enfantin à ouvrir un coffret et découvrir plusieurs volumes. Un émerveillement comme quand on est petit, qu’on reçoit un train électrique, et qu’on s’apercevoit qu’il y a aussi une gare et un pont avec.

On y retrouve Le Chat, mais aussi un album plus privé, et un autre avec des détournements. C’est une première ?

Non, les détournements j’en fais depuis longtemps. C’est une des raisons pour laquelle le Chat reste frais pour moi. Je ne dessine pas que lui à longueurs de journées. Si le Chat est un autre moi-même, mon mister hyde,  c’est la 1ere fois que je dévoile ma vie privée avec les strip Scrabble. Je suis mis à nu.

Avec le consentement de votre épouse ?

Au début, c’était juste pour elle. Puis comme ça faisait rire aussi les amis, je me suis dis que ça valait le coup.

Le Chat est votre double. Une façon de pouvoir dire plus librement ce que vous pensez ?

Sans doute, mais je ne suis pas trop timide, y compris en public. Le Chat me permet de le faire d’une façon absurde. Il laisse souvent la réponse à l’appréciation du lecteur. On sait ce qu’il doit penser, mais il n’est jamais militant.

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Le Chat est-il forcément un chat belge ?

Lui n’a pas besoin d’être marqué, il n’a pas de nationalité. Il n’existerait pas comme ça en tout cas si moi même je n’étais pas belge.

Et pour vous, qu’est-ce qu’être belge ?

Il y a une spécificité. L’absurde, le second degré, l’autodérision. Il y a un esprit qui règne ici, qui n’est pas du tout le même qu’à Paris. Je ne me l’explique pas, on a la même langue, nous sommes proches géographiquement, et pourtant nous appréhendons différemment, l’art, l’humour, le monde. Mais c’est très bien comme ça.

Vous reconnaissez-vous une similitude avec d’autres humoristes ?

On a parlé de cousinage avec Raymond Devos, avec les brèves de comptoirs de Jean-marie Gourio, d’autant que le Chat est souvent au comptoir ! Mais contrairement à Gourio, les réflexions du Chat sont une construction.

Vous multipliez les récompenses, les hommages. Une rue, un musée…Vous êtes étonnés que cette mascotte soit reconnue à ce point ?

Les félicitations d’une personne qui me salut dans la rue me fait autant plaisir que les récompenses. Mais le fait que le chat soit devenu un héros populaire m’enchante, mon métier a quand même pour but de s’adresser au plus grand nombre. Et j’apprécie surtout quand la reconnaissance vient d’une personne que j’estime, comme avec Frédéric Dard, ou j’en ai presque pleuré.

Quand vous avez lancé le chat dans les premiers temps, sentiez-vous que le succès pouvait être aussi important ?

C’est venu très vite, au bout de 2, 3 mois de parution, ou j’ai senti que le public adhérait.

Un astro-physicien a même donné votre nom à un astéroïde. Un honneur d’être reconnu dans l’univers ?

C’est un astronome qui a découvert ce « cailloux ». Ca m’a amusé, mais mon nom n’est pas marqué dessus, donc les martiens doivent tout ignorer de moi. Mais c’est anecdotique.

Pour parler du dessin, Le chat possède une grande économie de postures. Chaque position a une signification pour vous ?

Oui, chaque position a un sens. Je repart toujours de zéro pour les dessins, plutot que de reprendre des croquis existant. Le fait qu’il soit de côté signifie par exemple qu’il fait un aparté, il se parle lui-même, il marmonne, comme un vrai chat. De la même manière, les variations de couleurs, le noir et blanc, visent à ne pas rendre la lecture trop monotone.

Avez-vous vous-même un chat ?

Je n’en ai plus, à cause des déplacement nombreux entre Bruxelles et Paris. Le Chat me suffit largement.

La bd a été traduite dans de nouveaux pays. Y rencontre-t-elle le même succès ?

Oui, il l’est au Brésil, en Italie,…On ne peut pas parler de ras-de marée, le gros du succès est évidemment dans les pays francophones. Il suffit parfois de peu de choses. Les anglo-saxons, tout comme les indiens, adorent. J’attends le Donald Trump de la bd qui va révéler ça au monde !

Vous êtes un caricaturiste ou un auteur de BD ?

Ni l’un ni l’autre. Je fais peu de politique dans les dessins, et il n’y a pas vraiment de suivi d’une histoire pour en faire une bd. C’est plutôt du cartoon, des dessins d’humour, dans la tradition de Snoopy.

Vous avez l’art, avec beaucoup de second degré, de bien vendre votre œuvre.

C’est devenu une tradition, j’ai commencé ça dans une émission en Belgique, en forme de placement de produit. Ca fait rire, en même temps ça fait le boulot. Chacun le fait à sa façon, détourner l’exercice m’amuse.

Comment définissez-vous l’humour du Chat ?

C’est la diversité de l’approche qui est importante. Il est parfois philosophe, crétin, insolent, parfois vraiment profond, comme quand il se demande « vaut-il mieux avoir derrière soi une vie passionnante ou devant soi une vie banale ». Il passe du sérieux au rigolard, il se pose des questions que je me pose.

 

Le Chat fait des petits, Philippe Geluck, Casterman, 17,95 €

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