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60 ans après, la mariée poitevine de Doisneau se souvient de son ruban

C'est une photographie parmi les plus connues de Robert Doisneau. Pour Annie Marcheteau, 79 ans, "Le Ruban de la mariée", cliché en noir et blanc d'une noce sur une route de campagne poitevine, c'est surtout un merveilleux souvenir de mariage et une belle histoire d'amitié.[AFP]

C'est une photographie parmi les plus connues de Robert Doisneau. Pour Annie Marcheteau, 79 ans, "Le Ruban de la mariée", cliché en noir et blanc d'une noce sur une route de campagne poitevine, c'est surtout un merveilleux souvenir de mariage et une belle histoire d'amitié.

Prise en 1951 à la sortie du village de Saint-Sauvant (Vienne), où Annie vit toujours avec Gilbert, 84 ans, son mari depuis 61 ans, la photographie a fait depuis le tour du monde, comme des dizaines d'autres clichés du photographe, né il y a cent ans, le 14 avril 1912.

Au bras de son père, la jeune Annie, âgée d'à peine 18 ans, une gerbe de fleurs dans les bras, s'avance vers un ruban blanc tendu entre deux chaises de bois. Insolite, tout en capturant un moment fugace de bonheur simple, la photographie résume parfaitement l'oeuvre de l'artiste.

Point de mise en scène dans ce cliché singulier, raconte la septuagénaire, ravie d'évoquer le souvenir des trois jours de "grande fête" que fut son mariage dans la ferme familiale: "les voisins avaient l'habitude de tendre des rubans sur le chemin des cortèges en signe d'amitié. La mariée coupait le ruban en plusieurs petits bouts que les hommes accrochaient à leur boutonnière".

La présence du photographe sur cette route de campagne, le 11 août 1951, ne devait, elle, rien au hasard... ou presque. Durant l'exode, en 1940, Robert Doisneau avait trouvé refuge non loin de Saint-Sauvant, où vivaient des membres de la famille de son épouse. Au lendemain d'un orage, les parents d'Annie avaient proposé le logis au couple qui dormait sous la tente.

"Si l'orage n'était pas venu, on ne l'aurait peut-être jamais connu", s'exclame Annie. Elle montre dans un livre quelques clichés réalisés par le photographe sur le hameau poitevin où elle apparaît enfant et où se mêlent subtilement grâce de l'instantané et vision documentaire des travaux paysans.

Tout naturellement, au nom de cette amitié, la famille Doisneau est invitée lorsque Annie se marie, une dizaine d'années plus tard. "Mes parents lui ont demandé s'il pouvait être le photographe de la noce, il a accepté", confie en toute simplicité l'ancienne agricultrice dans le salon du petit pavillon qu'elle occupe avec son mari.

D'une armoire en formica, Gilbert retire un cahier sombre à spirales quelque peu écorné, l'album de leur mariage. A l'intérieur, un trésor inestimable : une vingtaine de clichés originaux en noir et blanc, précédée d'une tendre dédicace signée de celui qu'Annie appelle encore avec admiration "Monsieur Doisneau".

Au fil des pages, la noce défile sous le regard poétique du photographe: outre la tradition du ruban, il y a les mariés que l'on apprête, la préparation des tourteaux fromagers, spécialité poitevine, l'arrivée en cortège à la mairie, le coup de fusil du voisin pour saluer le jeune couple, le repas de noces, le bal sur le parquet, et une dernière image d'une fuite furtive des mariés devant un immense tas de foin...

"Doisneau n'était jamais loin. Il avait l'oeil partout et aimait bien les détails rigolos", se souvient Gilbert, qui, à l'unisson avec son épouse, regrette que les mariages d'aujourd'hui n'aient plus "l'esprit festif" d'autrefois, dont les photos de Doisneau conservent la trace.

Cliché exposé dans le monde entier, utilisé pour illustrer des articles de presse, reproduit sur des cartes postales, "Le Ruban de la mariée" n'a généré aucun droit d'auteur pour ses modèles qui assurent toutefois n'en avoir jamais pris ombrage.

"On est restés fidèles à la parole de mon père qui avait dit qu'il ne voulait rien", dit Annie, encore proche de la fille aînée de l'artiste et qui se désole que des batailles judiciaires autour du célébrissime "Baiser de l'hôtel de ville" aient assombri la fin de la carrière du photographe disparu en 1994.

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