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Marc Dugain dans la tête d'un serial killer

Marc Dugain est "attiré par les êtres à la source de souffrances", dit-il à l'AFP : après Staline et Hoover, l'écrivain s'insinue cette fois avec "Avenue des géants" dans la tête d'un tueur en série dont il dissèque la personnalité et le combat mené contre le mal qui l'habite.[AFP/Archives]

Marc Dugain est "attiré par les êtres à la source de souffrances", dit-il à l'AFP : après Staline et Hoover, l'écrivain s'insinue cette fois avec "Avenue des géants" dans la tête d'un tueur en série dont il dissèque la personnalité et le combat mené contre le mal qui l'habite.

L'Américain Edmund Kemper, alias Al Kenner dans ce roman fascinant publié chez Gallimard, est un géant de 2,20 mètres au QI supérieur à celui d'Einstein. A 14 ans, il tue ses grands-parents, le jour de l'assassinat de JFK. Il est interné cinq ans en hôpital psychiatrique, puis ressort. C'est le début d'une longue descente aux enfers.

Kemper purge toujours sa peine de prison à vie en Californie.

"J'ai été fasciné par le personnage de ce serial killer en voyant par hasard un reportage : son intelligence incroyable, sa lucidité sur lui-même, obscurcie par une enfance où son humanité était niée, son manque total d'empathie", explique le romancier et scénariste français, né en 1957 au Sénégal.

"Tout cela m'a fait réfléchir à ce qui est inexorable chez un être humain, sans possibilité de s'en sortir, sur la normalité et la folie".

"Comme romancier, je suis attiré par les êtres à la source de souffrances, qui en sont le relais, que ce soit dans la guerre, les camps, au sein du pouvoir politique et policier ou individuellement", avoue l'auteur notamment de "Une exécution ordinaire", où il dépeint les rouages du stalinisme, ou "La malédiction d'Edgar" sur la vie de J. Edgar Hoover, chef paranoïaque du FBI.

Marc Dugain a d'ailleurs terminé le scénario d'un film sur Hoover pour la chaîne Planète (Canal+). "Le tournage débutera en octobre au Canada".

Dans "Avenue des géants", le romancier réussit le tour de force de restituer la trajectoire du tueur sans exhibitionnisme, en consacrant seulement quelques pages aux assassinats.

Chair de poule

Il parvient aussi à ménager le suspense "en désamorçant les combines du polar. Dès le début, on sait que cela va mal finir et c'est d'autant plus oppressant", convient-il.

Très peu d'hémoglobine, ni de descriptions "gore" du mode opératoire. Mais ces quelques scènes, nourries par les fantasmes de Kenner et son analyse des passages à l'acte, donnent la chair de poule.

L'auteur a écrit son roman aux Etats-Unis, s'est rendu sur les lieux des crimes et des chevauchées à moto du tueur. Car ce récit d'un cheminement intérieur effrayant se double d'un hymne aux grands espaces. "Je crois que la multiplicité des crimes en série en Amérique, comme en Russie, tient en partie à tout cet espace", relève-t-il.

Dugain s'est refusé à rencontrer Ed Kemper. "Je ne voulais pas qu'il me manipule mais le considérer comme un cas d'école", explique l'auteur.

"Si un écrivain va trop loin dans la documentation, il perd son oeil de romancier. C'est l'écueil quand on traite de faits divers. Je tenais à conserver cette distance, comme Truman Capote dans +De sang froid+".

Il y a de grandes différences "entre Kemper et les paranoïaques comme Merah ou le Norvégien Breivik. Mais chez la plupart des tueurs en série interviennent des traumatismes d'enfance, dont le souvenir perdure dans les connexions neuronales, et l'idée d'échapper au suicide par la mort d'autrui", remarque l'auteur qui a interrogé psychiatres et neurologues.

"L'homme est un animal du conditionnement et la psychiatrie... pas une science exacte", dit-il. Ces criminels sont-ils fous à lier et/ou responsables de leurs actes ? Qui a tué, tuera-t-il encore ? "C'est un grand débat qui dépasse le cadre du roman !", conclut Marc Dugain.

("Avenue des géants" - Marc Dugain - Gallimard - 360 p. - 21,50 euros)

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