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William Vollmann de Kaboul à Fukushima

L'écrivain américain William Vollmann le 2 juin 2012 à Lyon, dans le centre[AFP]

Il a publié des milliers de pages, en a écrit le double et pris tous les risques, des montagnes afghanes à sa dernière enquête à Fukushima: William Vollmann, de roman-fleuve en essai, s'affirme à 52 ans comme un ogre de la littérature américaine.

"Je suis vieux, enrobé et pas très en forme. Je risque une attaque cardiaque à n'importe quel moment, mais ça me rend libre de vivre comme je le veux et d'agir autant que d'écrire", plaide-t-il auprès de l'AFP, affable et placide, en marge des Assises internationales du roman à Lyon (centre-est).

Résolu dès l'enfance à devenir écrivain, le Californien veut "multiplier les expériences" et engloutit ses premières économies dans un voyage en Afghanistan en 1982, pensant "aider" les moudjahidines en accompagnant leur lutte contre les Russes.

De cette expédition "idiote et naïve", il tire un premier récit plein d'autodérision et garde l'habitude de se peindre sans complaisance dans tous ses reportages, de l'Asie du Sud-Est à la Somalie en passant par la Bosnie, l'Irak ou le Yémen.

Recruté comme informaticien "alors qu'il n'y connaît rien", au milieu des années 1980, il dort sous son bureau pour travailler le soir à son premier roman, "You Bright and Risen Angels", "guerre allégorique" entre insectes et monde moderne qui séduit la critique.

Suivent une vingtaine d'oeuvres qui défient le recensement, de la trilogie romanesque sur la prostitution (1991-2000) incluant "La famille royale", aux 3.000 pages du "Livre des violences" (2003), mêlant textes et photos, en passant par la fresque historique "Central Europe" (2005), couronnée du prestigieux "National Book Award".

Ultra-prolifique, Vollmann enchaîne par ailleurs les récits pour le New Yorker, Playboy, Esquire ou Spin Magazine, sillonnant les zones de conflit où il n'hésite pas à intervenir, "kidnappant" une fillette dans un bordel thaïlandais pour l'envoyer à l'école.

Fumeur de crack indifférent au danger

"C'est facile de voir les gens souffrir, d'écrire sur leur souffrance et de se faire un peu d'argent. J'essaie de faire mieux, même si ce n'est pas grand chose et pas très souvent", explique l'écrivain, toujours hanté par la noyade, à six ans, de sa petite soeur laissée sous sa surveillance.

En parallèle, pour nourrir son travail sur l'Amérique marginale, il fréquente assidûment les prostituées, se met à fumer du crack, qu'il décrit comme "du café vraiment fort", et se fait agresser par de jeunes qui lui brûlent les bras à la cigarette.

Le danger ? Il l'envisage avec détachement, assurant que "c'est plus facile quand on a dépassé les cinquante ans" et que "l'absence de prise de risques n'a jamais rendu immortel".

Minimisant volontiers sa propre bravoure, l'écrivain ne revendique qu'une démarche: "l'empathie", manifeste notamment dans "Fukushima, dans la zone interdite", sa dernière enquête réalisée dans le sillage du tsunami et publiée en 2012 chez Tristram.

"J'ai été sidéré, et ce serait inimaginable en Amérique, par la façon dont les gens voulaient avant tout reconstituer leur communauté et pensaient à leurs voisins pêcheurs ou agriculteurs, sans incriminer l'Etat ni l'entreprise responsable de leur malheur", souligne-t-il.

"C'est une attitude très noble, mais j'ai peur qu'ils n'en soient de nouveau victimes à l'avenir", ajoute-t-il, assurant n'avoir jamais cessé, en trente ans de vagabondages, d'être "surpris par la nature humaine et l'étendue de ses souffrances".

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