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La bande dessinée documentaire, nouveau genre à succès

Marjane Satrapi, auteur notamment de "Persépolis", au Salon du livre de Francfort en octobre 2005[AFP/Archives]

De l'Afghanistan d'Emmanuel Guibert au Jérusalem de Guy Delisle, la bande dessinée documentaire se taille un succès croissant, ouvrant de nouvelles perspectives pour un neuvième art longtemps associé au divertissement.

"Ce genre de BD est devenu +bankable+ avec les énormes scores de Marjane Satrapi" pour Persépolis (2000-2003), récit de ses jeunes années en Iran, rappelle l'auteur québécois Guy Delisle, dont les "Chroniques de Jérusalem" ont remporté le "Fauve d'Or" du meilleur album au dernier festival d'Angoulême.

Depuis dix ou quinze ans, la bande dessinée inspirée du réel "est devenue une niche éditoriale assez importante", constate-t-il, invité à s'exprimer sur ce thème par le 7e Festival de bande dessinée de Lyon aux côtés de trois autres auteurs.

Parmi les oeuvres emblématiques, le "Photographe" d'Emmanuel Guibert et Didier Lefèvre, la peinture des campagnes françaises par Etienne Davodeau, de "Rural!" aux "Ignorants", le travail de Guy Delisle et celui du reporter de guerre Joe Sacco, de "Gorazde" à "Gaza 1956".

Même des auteurs plus radicaux, aux oeuvres très politisées, attirent désormais les éditeurs grand public: Philippe Squarzoni vient de faire paraître chez Delcourt sa "Saison Brune", consacrée au réchauffement climatique, et voit ses anciens ouvrages réédités.

Autre signe de l'intérêt des financeurs, une "Revue dessinée" dédiée "à la prépublication de BD de reportage" devrait paraître à partir de la rentrée, associant dessinateurs, historiens, économistes et journalistes sur un rythme trimestriel, selon la scénariste Virginie Ollagnier.

Ce projet inédit en France poursuivra le travail entrepris par la revue "XXI", qui intègre un récit en bande dessinée à chacun de ses numéros, témoignant en quatre ans et demi d'existence de la diversité des démarches des auteurs.

De Loft Story aux Maoris

Ainsi, s'ils se mettent tous deux en scène dans leurs livres, tout distingue un Guy Delisle "guidé par la curiosité", attentif aux infimes bizarreries de la vie quotidienne, d'un Philippe Squarzoni mû par "l'inquiétude", qui se documente abondamment et accumule les interviews.

"Tous mes bouquins fonctionnent sur la colère", confie de son côté le médecin et dessinateur Charles Masson, auteur du bouleversant "Droit du sol" sur un Mayotte brutal, néocolonial et refoulant les immigrés.

Scénariste de la série "Kia Ora", sur une famille maorie exhibée à travers le monde au début du XXe siècle, Virginie Ollagnier explique avoir été inspirée par l'émission "Loft Story", pionnière de la télé-réalité il y a plus de dix ans.

"Je me suis dit que je ressentais la même chose que les gens qui allaient dans des zoos humains, en me sentant plus intelligente et plus civilisée que ceux que j'observais. Alors j'ai voulu m'appuyer sur ce qui a existé pour parler du contemporain", poursuit-elle.

Dans la construction, chaque oeuvre utilise à sa manière les ressorts de la bande dessinée, alternant les rythmes, usant de personnages réels ou fictifs et cherchant une "progression du récit", souligne Guy Delisle.

Si le développement du documentaire témoigne de la maturation de la bande dessinée depuis les années 1990, avec un public adulte friand de productions d'auteur, Philippe Squarzoni met cependant en garde contre "une mode" entretenue par les éditeurs.

"Ils y trouvent leur compte en terme d'image, mais publient trop de choses. Un rééquilibrage finira sans doute par se faire en faveur de la BD de fiction", pronostique-t-il.

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