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Jean-Pierre Mocky : « On peut faire un très beau film pour deux millions d’euros »

Jean-Pierre Mocky[Capture d'écran Youtube]

«Vos gueules, je tourne !» Le titre de ce chapitre, extrait de son livre Cette fois je flingue, résume le combat de Jean-Pierre Mocky, d’un cinéaste unique, libre et grande gueule, auteur de plus 60 films en 50 ans.

 

Archives – Article publié le mardi 20 février 2007

 

Jean-Paul Mokiejewski est né le 6 juillet 1929 à Nice, à moins que cela ne soit en 1933. Sa date de naissance a été modifiée par son oncle pour le sauver de la déportation. Il choisit alors de s’appeler «Mocky», du nom de la perceuse de tranchée inventée par son grand-père. Il a ajouté un «c», une 5e lettre, en guise de porte-bonheur.

Ce n’est qu’après la guerre que Jean-Paul devint Jean-Pierre : « Je ressemblais à Gérard Philipe, en moins beau (...) Jean- Paul Belmondo était mon camarade de Conservatoire dans la classe d’Annie Girardot, de Claude Rich et de Philippe Noiret. C’est pour ça que j’ai choisi de ne plus m’appeler Jean-Paul mais Jean-Pierre. Il ne pouvait pas y avoir deux Jean-Paul !»

Jean-Pierre Mocky est réalisateur, chef monteur, dialoguiste, producteur et scénariste de ses films (plus de soixante). Il lui arrive aussi d’être comédien. Il est aussi le propriétaire d’un cinéma, Le Desperado (anciennement Action Écoles), qui lui permet de distribuer ses films en toute tranquillité. Il tourne vite, bien et avec peu de moyens, s’entourant d’une troupe de fidèles : Bourvil (quatre films dont Un drôle de paroissien), Michel Serrault (douze film dont Le Miraculé) et Francis Blanche (cinq films dont La Cité de l’indicible peur).

 

Mocky restera-t-il dans l’histoire du cinéma ?

Jean-Pierre Mocky : Nous sommes pas mal de confrères, y compris les plus grands, comme Renoir ou Becker, à avoir fait des films qui n’ont pas marché et sont maintenant considérés comme des classiques. Je crois que lorsqu’un film marche, c’est qu’il n’est pas bon. C’est un peu con de dire ça, c’est probablement par jalousie. Mais le public ne peut pas adhérer à un film nouveau qui traite d’un sujet différent des films actuels. Prenez Bonsoir, par exemple. Après vingt-trois passages à la télé, il est passé d’une à trois étoiles dans les magazines. Un film sans style se détériore au fil des années et devient un film jetable.

 

Vidéo : Un Drôle de paroissien, avec Bourvil, Francis Blanche et Jean Poiret

 

 

A l’origine, vous vouliez appeler votre livre J’accuse (titre d’un article publié par Zola dans L’Aurore du 13 janvier 1898, en faveur de Dreyfus, ndlr). Pourquoi ?

J.-P. M. : Zola est un grand bonhomme. C’est le premier à avoir pris parti pour le capitaine Dreyfus. C’est un type qui avait une paire de c..., contrairement à Flaubert ou Balzac, qui écrivaient des choses très bien, mais qui étaient moins combatifs.

 

Vous êtes connu pour votre franc-parler. Avez-vous le sentiment que l’on peut s’exprimer librement en France ?

J.-P. M. : En cinquante ans de métier, j’ai lutté contre la censure. Certains de mes derniers films sont des films de combat. Par exemple, j’ai traité le problème des bénévoles qui ont fait un procès après qu’on leur ait fait ramasser des galettes de pétrole sans protection. Le film a été interdit. Ensuite, j’ai parlé des réseaux de pédophiles. Mon film parlait des notables qui s’organisent. Je ne visais aucune profession en particulier mais j’ai fait figurer un député. Et encore une fois, le film a été interdit.

 

Vidéo : A mort l’arbitre avec Michel Serrault

 

 

L’argent est-il votre premier combat ?

J.-P. M. : Dans mon livre, je reproduis une lettre de 40 pages qu’un jeune cinéaste m’a écrite. Il me demande comment j’ai pu faire 50 films sans un rond, sans appartenir à un parti politique, sans avoir épousé une femme très riche, comme beaucoup de mes confrères... Le cinéma français est en train de mourir. Avant, Jean Vigo, Renoir travaillaient dans des ateliers d’artistes. Aujourd’hui, on tourne Astérix pour 78 millions d’euros, alors qu’on peut faire un très beau film pour deux millions.

 

Comment réussissez-vous à faire tourner des stars sans les payer ?

J.-P. M. : J’ai terminé il y a deux jours un film avec Thierry Frémont, Tom Novembre et Bruno Solo. J’avais récupéré Berling dans Grabuge, Villeret dans Le furet. Nous arrivons à faire venir des artistes qui acceptent pendant quelques jours de tourner «en participation».

 

Vidéo : Le Miraculé avec Michel Serrault

 

 

A propos de stars, Clint Eastwood est de passage en France et son dernier film, Lettre d’Iwo Jima, sort en salle demain.

J.-P. M. : Clint Eastwood était mon ami. C’est un type merveilleux. Sa carrière est exceptionnelle car au départ c’était un peintre qui ne voulait pas forcément devenir acteur et puis il a remplacé Gary Cooper en faisant le cow-boy. Il a eu une carrière que j’envie. J’ai la chance de le connaître. Je suis très content qu’il ait reçu la Légion d’honneur, d’ailleurs Chirac lui a fait les honneurs, d’habitude c’est le ministre de la Culture qui fait la bise.

 

Pourquoi écrivez-vous qu’«il n’y a rien de si beau que ce qui n’est pas encore tourné» ?

J.-P. M. : Nous avons beaucoup de projets. Tenez, je m’apprête à tourner un film sur les indemnisations avec Thierry Frémont et Jean Dujardin. Des milliers de gens attendent d’être indemnisés et les assurances bloquent le processus dans le seul but de faire baisser le prix de ces indemnisations.

 

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