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Tim Burton : « Les rêves exploitent des éléments de la réalité »

Tim Burton[CC/JJ Georges]

Après tant d’autres – célèbres et méconnus –, Tim Burton a réalisé à son tour une adaptation d’Alice au pays des merveilles et De l’autre côté du miroir. Depuis sa publication en 1865, le conte de Lewis Carroll, n’a cessé d’imprégner l’imaginaire de générations entières et, d’adaptations en adaptations, a fait l’objet d’une multitude d’interprétations, de la simple histoire féérique au récit psychanalytique. Dans cette adaptation sombre, Tim Burton a choisi de retranscrire l’ambivalence du conte en faisant d’Alice une héroïne dont la vie bascule dans l’âge adulte. Direct Matin l’avait rencontré.

 

Archives – Article publié le mercredi 24 mars 2010

 

Comment l’idée d’adapter Alice est-elle née ?

Tim Burton : Il y a quelques années, les studios Disney sont venus me voir en me disant simplement «Alice au pays des merveilles» et «3D». C’est comme cela que j’ai mis le doigt dans l’engrenage. Dans un passé pas si lointain, on m’aurait proposé d’adapter Alice, j’aurais probablement refusé, mais la 3D offrait quelque chose de tentant, de fascinant. Très vite, j’ai commencé à penser aux personnages, à élaborer leur personnalité et leur esthétique. J’ai repensé aux autres adaptations et réfléchi à la symbolique que représentait le conte dans l’imaginaire collectif. Cette réflexion m’a révélé la puissance de l’univers de Lewis Carroll. Il doit exister une vingtaine de versions différentes d’Alice (films, cartoons, téléfilms...) et il m’a semblé que toutes étaient toujours restées trop littérales, trop serviles. Même le dessin animé de Disney, qui date de 1951, a sans doute été l’un de leurs films qui a eu le moins de succès.

 

Votre univers est sombre, à l’inverse de celui de Disney...

T. B. : Je savais parfaitement que je m’engageais dans un Disney et que je n’allais pas tourner une version X d’Alice – de toute façon, il en existe déjà une ! En réalité, le scénario était déjà écrit lorsqu’on a commencé, ce qui a facilité les choses et évité tout désaccord. De plus, je ne voulais pas rendre l’histoire plus sombre qu’elle ne l’était déjà. Le conte est, à l’origine, assez étrange. Je voulais tenter d’atteindre ce que je pensais être l’esprit de Lewis Carroll.

 

Vidéo : Bande-annonce Alice au Pays des merveilles

 

 

En vous replongeant dans son œuvre, qu’avez-vous vu de nouveau ?

 T. B. : J’ai été frappé par le fait que je n’avais jamais aimé les précédentes versions. Dans celles-ci, les personnages sont simplement étranges : le Chapelier fou est bizarre, le Chat du Cheshire aussi, mais sans personnalité propre. Ce qui nous a intéressés était de leur construire un profil psychologique, de leur donner une dimension dramatique. On a insufflé de la tristesse au Chapelier fou, par exemple, qui est un personnage souffrant de personnalités multiples.

 

Quelle était votre vision pour le personnage d’Alice devenue adulte ?

T. B. : Alice est à un âge charnière. Elle explore le sentiment de celle qui ne se sent pas à l’aise dans son propre corps, qui est trop jeune ou trop vieux, vivant dans une société qui catégorise les individus. Les autres personnages sont aussi concernés par ces problèmes. Cette histoire raconte le voyage au bout duquel ils trouvent véritablement leur identité. C’est ce que j’ai aimé dans le scénario : il utilise le fait que les rêves servent pour faire face aux problèmes de la vie réelle. Il y a une ligne très fine entre rêve et réalité, qui peuvent s’entortiller. Les rêves peuvent sembler fous ; pourtant, ils exploitent des éléments de la réalité.

 

Vidéo : Making-of du film

 

 

Comment avez-vous découvert Mia Wasikowska, qui incarne Alice dans votre film ?

T. B. : Pour moi, l’essentiel était que l’actrice dégage le sentiment d’être une jeune personne possédant une âme vieille. Mia Wasikowska a une espèce de gravité, une force simple et tranquille, doublée d’une certaine tristesse. Quand je la regardais, je me disais qu’elle n’entrait dans aucune case et ça m’allait bien. Si l’on avait fait appel à une actrice plus connue, il aurait été difficile de passer outre sa notoriété.

 

Quelle a été la chose la plus difficile que vous ayez eu à faire sur ce film ?

T. B. : Travailler sans retour au jour le jour. Pour tous les films que j’ai faits jusqu’à présent, on tourne un jour et dès le lendemain, on a accès aux images. On peut donc se référer au travail déjà accompli pour avancer. Sur ce projet, on ne pouvait visionner le résultat que des mois, voire un an plus tard ! La bande originale et les effets sonores ont dû être réalisés sans les images. Il a fallu faire beaucoup de suppositions. C’est une façon très troublante de travailler.

 

Vidéo : Extrait Alice au pays des merveilles

 

 

C’est votre septième collaboration avec Johnny Depp...

T. B. : Il ne faut jamais être complaisant ni prendre les choses pour acquises. Il est important de garder en tête le but de ce que l’on fait. Je ne me dis pas : «Tiens, je fais un nouveau film, je vais demander à Johnny d’y participer.» Ce serait ennuyeux, et pour lui, et pour moi ! Il faut qu’un des personnages lui donne envie. La clé de notre collaboration réside dans cette fraîcheur qu’on réussit toujours à trouver dans chaque nouveau projet. Il ne faut pas qu’on se sente dans une démarche normale et logique.

 

En mai prochain, vous présidez le jury du Festival de Cannes. Comment envisagez-vous cette nouvelle expérience ?

T. B. : Je travaille depuis si longtemps sur Alice que je n’ai pas eu l’opportunité de voir beaucoup de films récemment. Je suis donc très impatient de vivre cette expérience de pur cinéma.

 

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