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Johnny Depp, le pirate bien-aimé

Johnny Depp en juin 2013, lors de la promotion de son film The Lone Ranger[Capture d'écran youtube ]

Pirate déjanté, drogué hystérique, poète aux ciseaux ou doux marginal, Johnny Depp distille son grain de folie dans tous ses rôles. Considéré comme l’un des meilleurs acteurs d’aujourd’hui, il a tourné avec les plus grands metteurs en scène, de Jim Jarmusch à Roman Polanski en passant par Emir Kusturica, John Water, Terry Gilliam, Oliver Stone et Michael Mann. Sans oublié son complice de toujours, Tim Burton, avec qui il collabore régulièrement depuis plus de vingt ans. Gros plan sur cet acteur hors norme et imprévisible, au goût du risque affirmé.

 

(ARCHIVES)

 

Naissance d’une vocation

C’est avec une guitare que le petit Johnny découvre sa sensibilité artistique. Après un spectacle de gospel, organisé par son oncle pasteur, il prend goût à la musique et commence, comme de nombreux adolescents, à gratter l’instrument dans sa chambre. Rapidement, il rejoint un groupe local, d’abord baptisé The Flame. Fort d’une petite célébrité dans la région, le groupe est renommé The Kids, nom jugé plus vendeur, et participe à une tournée d’Iggy Pop, dont il assure la première partie. De quoi faire tourner la tête à ces ados de Floride.

Dès lors, Johnny Depp n’a plus trop la sienne aux études et rêve d’une carrière de rock-star. Deux ans plus tard, il part avec les membres de son groupe à Los Angeles, pour tenter de percer sur la scène californienne. Mais la réussite n’est pas encore au rendez- vous, et les musiciens en herbe doivent se rabattre sur des petits boulots alimentaires. A cette époque, John Christopher Depp est vendeur de stylos par correspondance. Il se marie brièvement à une maquilleuse, Lori Allison. Celle-ci lui présente l’acteur Nicolas Cage, qui à son tour organise une rencontre avec son agent. L’entrevue débouchera sur un petit rôle dans un long-métrage, en 1984. Déjà un carton, puisqu’il s’agit des Griffes de la nuit de Wes Craven, film culte du cinéma d’épouvante qui lança la série des Freddy.

 

Vidéo : Johnny Depp dans Les Griffes de la nuit

 

 

L’expérience est une révélation pour Johnny Depp, qui décide de s’inscrire au Loft Studio, à Los Angeles, pour y suivre des cours de comédie. La décision sera payante, puisque dès la sortie de l’école, il enchaîne les rôles secondaires, dont les cachets lui permettent de commencer à vivre correctement. En 1986, il participe notamment au tournage de Platoon, dirigé par Oliver Stone.

 

Sex-Symbol

Peu de temps après, Johnny Depp décroche son premier rôle principal, dans une série pour teenagers, 21 Jump Street. C’est dans cette série télévisée connue dans le monde entier, que l’Américain, fils d’un ingénieur et d’une ménagère, a appris son métier de comédien. Pendant trois saisons, il incarne l’inspecteur Tom Hanson, un jeune policier membre d’une unité spéciale, qui infiltre les campus pour enquêter sur des délits commis par des étudiants. La série va connaître un immense succès et propulser Johnny Depp au rang d’idole des jeunes filles. Son visage le dispute à celui de Tom Cruise sur les posters qui tapissent les chambres adolescentes.

 

Vidéo : En 2012, Johnny Depp reprend son rôle de Tom Hanson dans la version cinéma de 21 Jump Street

 

 

La case du beau ténébreux en blouson de cuir, du séducteur de bal de promo, semble trop étroite pour cet amateur de grands espaces et de vastes horizons. Et son nouveau statut de tombeur irrésistible, déclenchant l’hystérie de ses groupies à chaque apparition, commence à lui peser. C’est pourtant ce statut, et sa popularité grandissante, qui lui ouvrent les portes du cinéma. Le passage au grand écran d’un héros de série télévisée est toujours un exercice périlleux. Rares sont ceux qui parviennent à faire oublier le personnage qu’ils ont incarné pendant plusieurs années lorsqu’ils tentent l’aventure du long-métrage. Johnny Depp le sait et va dès son premier film affirmer une originalité et une curiosité artistique dont il se fera une règle.

 

Rencontre décisive

En 1990, Johnny Depp, qui est alors âgé de 27 ans fait deux choix majeurs. Il choisit de travailler avec John Waters, réalisateur singulier et iconoclaste, qui s’est fait remarquer avec les films kitschs et cultes Pink Flamingos et Hair Spray. Sous sa direction, Johnny Depp tient le premier rôle du très satirique Cry Baby, qui sort en 1990.

 

Vidéo : Johnny Depp dans Cry Baby de John Waters

 

 

La même année, il accepte le script d’Edward aux mains d’argent. Son interprétation, illuminée et poétique, d’un jeune monstre de la nature pourvu de ciseaux en guise de doigts, qui découvre l’amour, est unanimement saluée. Plus important, sur le plateau, Johnny Depp rencontre deux personnes qui joueront un grand drôle dans sa vie. D’abord, Winona Ryder, avec qui il partage l’affiche et à laquelle il se liera pendant plusieurs années. Et surtout le réalisateur Tim Burton, dont il deviendra l’acteur fétiche. C’est le début d’une collaboration fructueuse et d’une amitié fidèle. Ces deux films préfigurent ses choix futurs : des personnages tous plus ou moins loufoques, qui naviguent aux frontières du réel.

«Johnny-belle-gueule» se forge dès lors une solide filmographie, flirtant avec l’underground du cinéma américain. Jusqu’à aujourd’hui, tous ses rôles forment une œuvre cohérente. L’acteur n’a jamais été à l’aise dans les productions des studios hollywoodiens et préférera tourner des rôles plus complexes avec des réalisateurs exigeants comme Jim Jarmush (Dead man), Emir Kusturica (Arizona Dream) ou Roman Polanski (La neuvième porte).

 

Des rôles décalés

En 1993, Johnny Depp poursuit sa quête de rôles décalés en rejoignant Faye Dunaway et Jerry Lewis au casting d’Arizona Dream, une comédie signée Emir Kusturica. La même année, il incarne Gilbert Grape dans le film éponyme de Lasse Hallström, qui révèle un certain Leonardo DiCaprio. L’année suivante est marquée par son deuxième film avec Tim Burton, Ed Wood. Le tandem signera par la suite cinq autres films : Sleepy Hollow (1999), Charlie et la chocolaterie (2005), Sweeney Todd (2007), Alice au pays des merveilles (2010) et Dark Shadows (2012). Sans compter un film d’animation auquel l’acteur prêtera sa voix, Les noces funèbres (2005). Mais sa fidélité à Tim Burton ne l’empêche pas de travailler avec d’autres metteurs en scène, qui ont, sauf rares exceptions, en commun une œuvre très personnelle.

 

Vidéo : rétrospective de la collaboration entre Johnny Depp et Tim Burton

 

 

Le soir d’Halloween 1993, l’acteur River Phoenix meurt de surdose devant la boîte de nuit appartenant en partie à Johnny Depp. Celui-ci, qui a également eu des problèmes avec les stupéfiants, est accablé par la mort de son ami. D’autant que les médias cherchent à le rendre responsable du drame, l’accusant d’avoir fait de sa discothèque un repaire de drogués.

Dans Dead Man (Jim Jarmusch, 1995), il incarne Bill Blake, un homme traqué dans l’Amérique de la fin du XIXe siècle et recueilli par un Indien qui l’identifie au poète William Blake et dans Donnie Brasco (Mike Newell, 1999), Johnny Depp se mesure face à Al Pacino où il interprète un agent du FBI infiltré dans la mafia new-yorkaise à la fin des années 70. Le cadre d’un bon polar est posé, mais le jeu de Johnny Depp lui apporte une épaisseur psychologique qui permet de dépasser le périmètre du film noir classique.

Avec Las Vegas Parano (Terry Gilliam, 1998), Johnny Depp renoue avec les rôles hallucinés. Au sens propre : à coup de stupéfiants : LSD et mescaline. Il incarne Hunter S. Thompson, journaliste halluciné et schizophrène, chargé de couvrir une course cycliste.

 

Vidéo : Las Vegas Parano de Terri Gilliam

 

 

En 1997, Johnny Depp le touche-à-tout décide de passer derrière la caméra. Il réalise un long-métrage intitulé The Brave. Malgré la présence au casting de son ami Marlon Brando et sa présence en sélection officielle à Cannes, le film est un échec critique et public. Johnny Depp ne parvient pas depuis à trouver un distributeur en Amérique.

Johnny Depp joue également une seconde fois sous la direction de Lasse Hallström (Le chocolat, 2000) et continue son exploration de personnages décalés chez Julian Schnabel (Avant la nuit, 2000) ou encore chez Marc Forster (Neverland, 2004) pour qui il incarne James Barrie, l’auteur de Peter Pan.

 

Une star mondiale

Son allure de gitan, son charme ravageur et son travail minutieux pour interpréter des personnages décalés et hors normes lui vaudront un César d’honneur en 1999. Dans ce contexte, la carrière de Pirates des Caraïbes se joue des paradoxes : au succès attendu répond un triomphe planétaire.

Avec son personnage du capitaine Jack Sparrow, Johnny Depp retrouve le statut de star bankable qui l’avait poussé quinze auparavant a quitté la série 21 Jump Street. L’immense succès et popularité de la série (près de quatre milliards de recettes au box office mondial) le consacre comme l’un des monstres sacrés du cinéma contemporain. Un personnage sur mesure pour l’acteur américain, qui semble avoir pris depuis le début de sa carrière un malin plaisir à aller là où on ne l’attendait pas et à casser l’image de bellâtre pour midinette dans laquelle ses premiers rôles auraient pu l’enfermer.

Pour donner corps au capitaine du Black Pearl, Johnny Depp s’est inspiré du guitariste des Rolling Stones, Keith Richards, tant pour le style vestimentaire que pour son air ahuri et sa gestuelle théâtrale. Il a même poussé l’hommage au musicien jusqu’à l’inviter à jouer un petit rôle dans le troisième opus. Et pas n’importe quel rôle, puisque c’est le propre père de Jack Sparrow que campe Keith Richards. Une manière de jeter un pont entre les deux passions du comédien : le cinéma, bien sûr, et la musique.

 

Vidéo : Keith Richard dans Pirate des Caraïbes : jusqu’au bout du monde

 

 

En 2008, Johnny Depp retrouve son cinéaste fétiche, Tim Burton, dans une adaptation de la comédie musicale de Stephen Sondheim et Hugh Wheeler Sweeney Todd, le diabolique barbier de Fleet Street (1979). Inspirée du folklore anglais, la pièce raconte la vengeance de Benjamin Barker (Johnny Depp) contre l’infâme juge Turpin, qui, quinze ans plus tôt, l’avait condamné à tort afin de lui voler sa famille. Lorsqu’il apprend que sa femme s’est suicidée après avoir été violée par Turpin, il adopte le nom de Sweeney Todd et s’associe à Mme Lovett (Helena Bonham Carter), propriétaire de la boulangerie située sous l’échoppe du barbier. Tandis qu’il y assassinera désormais ses clients, sa complice cuisinera des tartes avec la chair de ses victimes. La vengeance macabre de Sweeney Todd prend forme, et les gorges tranchées se succèdent dans un ballet sanglant frénétique. Au sujet de leur collaboration, Johnny Depp ne cesse de complimenter son réalisateur fétiche : « Après dix-huit ans de collaboration [Ed Wood, Sleepy Hollow, Charlie et la chocolaterie, etc.], je suis toujours aussi émerveillé devant son talent et heureux de faire partie de ses créations ».

Rhum Express (2011) est l’occasion pour Johnny Depp, entre deux épisodes de Pirates des Caraïbes de se glisser à nouveau dans la peau de Hunter S. Thompson, ou plutôt d’un de ses avatars littéraires, dix ans après Las Vegas Parano. Il faut dire que l’acteur entretenait une relation privilégiée, dans la vie et à l’écran, avec ce journaliste et auteur disparu en 2005. « J’étais très proche de Hunter S. Thompson. J’ai même vécu avec lui dans un sous-sol, au milieu de ses écrits, quand je travaillais sur Las Vegas Parano. Je suis alors tombé sur une malle où il y avait un vieux manuscrit. Trente ans qu’il ne l’avait pas vu. Nous l’avons lu ensemble, et je lui ai dit que je voulais en faire un film. C’est un projet très personnel » se souvient l’acteur.

 

Vidéo : Bande-annonce Rhum-Express

 

 

Johnny Depp évoque en ces termes ce qui les fascine dans le père du « journalisme gonzo », une méthode d’investigation qui prône l’immersion et la subjectivité : « J’aime l’idée qu’il vienne de nulle part et qu’il ait trouvé une voie, dont il ne s’est jamais détourné. Il a vécu des expériences pour nous, il a inventé «le journalisme gonzo», il a été un témoin privilégié de la fin du rêve américain. C’est l’un des plus grands écrivains du XXe siècle. On peut penser qu’il est juste un drogué lunatique, mais non, c’était un vrai gentleman, intelligent et chevaleresque ».

En 2012, Johnny Depp retrouve Tim Burton après le succès mondial d’Alice au Pays des merveilles (plus d’un milliards de recettes) pour une adaptation du soap opéra des années soixante Dark Shadows. Johnny Depp troque sa panoplie de chapelier fou pour celle d’un vampire séducteur. Fidèle à l’intrigue de la série, Dark Shadows embarque les spectateurs en 1770, date à laquelle Barnabas Collins (Johnny Depp), un homme riche et puissant, règne en maître sur la ville de Collinsport. Lorsqu’il s’éprend de Josette (Bella Heathcote), il suscite la jalousie et la colère d’Angélique Bouchard (Eva Green), une sorcière. Pour se venger, celle-ci le transforme en vampire et le fait enterrer vivant. Mais deux siècles plus tard, Barnabas est libéré de sa tombe par inadvertance. En pleines seventies décadentes, il retrouve son manoir habité par ses descendants, Elizabeth (Michelle Pfeiffer), sa fille Carolyn (Chloë Moretz) et une psychiatre déjantée (Helena Bonham Carter). Ensemble, ils vont tenter de reprendre le contrôle de la ville, tombée aux mains d’Angie, une créature aussi superbe que dangereuse.

Preuve qu'il n'a pas fini de jouer les personnages haut en couleur, Johnny Depp s'apprête à jouer l'indien Tonto dans la nouvelle adaptation du feuilleton radiophonique des années trente The Lone Ranger et à retrouver le rôle de Jack Sparrow dans le cinquième volet de Pirates des Caraïbes.

 

Vidéo : Bande-annonce The Lone Ranger

 

 

Une insatiable curiosité

Sa filmographie en témoigne, Johnny Depp est un insatiable curieux. Que ce soit pour les cinéastes avec lesquels il travaille ou pour les rôles qu’il choisit, la préoccupation est toujours la même. La recherche de la singularité, d’une approche originale ou d’une démarche atypique. Il a su évoluer, passant des films d’auteur difficiles aux grosses productions populaires, en préservant son identité et confirmant son talent multiforme.

Une éthique de vie qu’il applique jusqu’à ses looks hétéroclites, passant du dandy mondain au cow-boy néo-hippie avec une élégance toujours aussi sûre. En affirmant depuis toujours sa personnalité sans compromis et son refus d’être catalogué dans un seul registre, il a permis au public de découvrir un artiste authentique et passionné. Cette personnalité complexe, loin de lui attirer la défiance de ses pairs ou le mépris du public, en a fait l’un des comédiens les plus attachants du cinéma américain.

 

Vidéo : Johnny Depp piétiné par un cheval

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