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Mel Gibson, explorateur de la violence universelle

Mel Gibson en 1990 à la première d'Air America[CC/Alan Light]

Par-delà les controverses, Mel Gibson revient sur le devant de la scène avec «Hors de contrôle». L’occasion de rappeler que le réalisateur multioscarisé reste un grand comédien et un personnage complexe, captivant et tourmenté.

 

(ARCHIVES)

 

Mel Gibson est issu d’une famille américaine de onze enfants qui s’est installée en Australie à la fin des années 60. Elevé suivant les principes catholiques traditionnels, il est père de sept enfants. Personnage complexe, attaché à ses racines et à ses valeurs, Mel Gibson révèle un tempérament parfois déchiré ou explosif.

En 1974, Mel Gibson entre au National Institute for Dramatic Art de Sidney et apprend le métier d’acteur. Ses débuts sont marqués, déjà, par la violence avec la série des Mad Max, de George Miller, qui connaissent un grand succès. Mel Gibson franchit le Pacifique et devient en 1987 une star aux Etats-Unis avec L’Arme fatale. Il joue un policier de Los Angeles, Martin Riggs, aux côtés de Danny Glover. Ce premier volet donnera lieu à trois suites : L’Arme fatale 2 (1989), L’Arme fatale 3 (1992) et L’Arme fatale 4 (1998). Parmi ses autres films marquants : Forever Young (1992), Payback (1999), ou The Patriot (2000). Révélé par les films d’action, il a aussi interprété des rôles plus nuancés.

 

Vidéo : Mel Gibson dans Mad Max 2

 

 

Un conteur de talent

Beaucoup d’acteurs ont tenté une carrière de réalisateur, mais peu ont réussi la transition avec autant de brio que Gibson. Mel Gibson est sans nul doute un des plus talentueux conteurs du cinéma contemporain. Chacune de ses réalisations a rencontré un grand succèsL’homme sans visage, en 1993, est un premier essai honorable. Dans une petite ville des Etats-Unis, Chuck, un jeune garçon, évite comme tous les enfants de s’approcher de la maison d’un homme craint et rejeté par tous, car horriblement défiguré. Un jour cependant, Chuck est contraint de se rendre dans le voisinage, et tombe nez à nez avec le «monstre»... 

Après ce premier essai, il s’impose sans discussion avec Braveheart (1995) dans lequel il incarne William Wallace, héros national écossais du XIIIe siècle. Le film remporte cinq oscars dont celui du meilleur film. Ce long métrage historique, dans lequel Sophie Marceau incarne la princesse Isabelle de France, rapporte plus de 200 millions de dollars et obtient cinq oscars en 1996, dont celui du meilleur réalisateur et meilleur film.

 

Vidéo : Bande-annonce de Braveheart de Mel Gibson

 

 

La sortie en 2004 de son film La Passion du Christ, qui met en scène les douze dernières heures du Christ, suscite une vive polémique. L’histoire est jugée par certains trop violente et teintée d’anciens préjugés antisémites. Pourtant, cette production est l’une des plus rentables dans l’histoire du cinéma américain et remporte plus de 600 millions de dollars au box office mondial. En 2007, lors de sa sortie en DVD, plus de 2,5 millions d’exemplaires sont vendus en une seule journée.

 

Vidéo : La Passion du Christ

 

 

Apocalypto : les raisons d’un succès

Fidèle à ses thèses, Mel Gibson décrypte dans Apocalypto les mécanismes de la violence des foules. Le voyage précolombien dans lequel nous entraîne Mel Gibson – entièrement tourné en langue maya – a pris la tête du box-office américain et a rapporté près de 120 millions de dollars. Servi par des acteurs inconnus, le scénario est simple : un jeune homme, issu d’une tribu pacifique, est enlevé par une horde belliqueuse qui le destine au sacrifice. Mais il leur échappe et fuit, au bout d’une course harassante au cœur de la jungle.

Quelles sont les raisons du succès annoncé d’Apocalypto, au-delà d’une réalisation impeccable et d’une esthétique certaine ? Le philosophe et académicien René Girard, plus connu aux Etats-Unis qu’en France, est sans doute le penseur le plus approprié pour analyser ce phénomène. Le cinéma de Mel Gibson s’inscrit, en effet, dans sa réflexion sur les mécanismes de la violence collective et du sacrifice. La violence est omniprésente dans ce film, comme elle l’était dans La passion du Christ (2003), ou certaines scènes de Braveheart (1996), mais il ne s’agit pas d’une violence ordinairement prisée par le cinéma. Celle explorée par le réalisateur nous habite tous et, lorsqu’elle est catalysée par les foules, devient ignoble et meurtrière. «Le propre d’une foule agitée, affolée, c’est de ne pas se calmer avant d’avoir assouvi son appétit de violence sur une victime dont l’identité souvent ne lui importe guère», estime René Girard. Un phénomène archaïque, fondateur de nos civilisations (comme peut l’illustrer le mythe d’Œdipe) que Mel Gibson a mis en images dans La passion du Christ, et maintenant dans Apocalypto.

 

Vidéo : Apocalypto

 

 

Pour pénétrer plus avant l’univers de Mel Gibson, on ne peut faire l’économie d’une réflexion sur sa foi catholique. René Girard, encore lui, rappelle que le judéo-christianisme est seul au monde à révéler (« apocalypse » signifie « dévoiler » en grec) ces mécanismes assassins, quand les autres civilisations se fondent sur une cécité complice. Ce travail de révélation déjà présent dans La passion du Christ, se retrouve sans ambiguïté dans Apocalypto. Si la violence déployée par Mel Gibson dans son œuvre peut choquer, on ne peut lui reprocher d’être gratuite. C’est sans doute son obscure familiarité qui la rend abjecte et fascinante. Et qui explique le succès de son film événement, intégralement tourné en langue Maya.

 

Les années noires

Personnalité paradoxale, ce passionné de récits épiques et de grands horizons, préoccupé du sens de l’existence et du destin de l’homme, s’est englué récemment dans quelques épisodes sordides. Arrêté en état d’ivresse en 2006, il avait insulté la police, puis proféré des propos antisémites. Depuis, il a publiquement regretté son comportement et présenté ses excuses.

En 2007, sa femme Robyn demande le divorce après sept enfants et presque trente ans de mariage. Un mois plus tard, les tabloïds révélaient que sa maîtresse, la chanteuse Oksana Grigorieva, était enceinte de trois mois. Un scandale difficile à assumer pour ce fervent catholique.

Depuis, Mel Gibson peine à revenir sur le devant de la scène. En 2010, il a fait son grand retour devant la caméra dans le polar Hors de contrôle, mais le film peine à convaincre les critiques et le public qui continue de le bouder. Depuis sa prestation dans Signes, de M. Night Shyamalan, en 2002, Mel Gibson n’avait pas endossé de rôle majeur. Lorsque nous l’avions rencontré, en 2010, il nous avait dévoilé que son retour devant la caméra était lié à un intense besoin de créer : « Au bout d’un moment, on ressent le besoin de créer, d’être de nouveau productif et surtout de raconter une histoire. Celle de ce père au bord du gouffre qui décide de venger sa fille m’a plu. J’ai toujours beaucoup aimé raconter et écrire des histoires. Mes enfants ont été le meilleur des auditoires. Les jeunes sont très critiques. Si ça les ennuie, ils s’en vont. Si vous réussissez à capter leur attention, c’est gagné ».

 

Vidéo : Bande-annonce Le Complexe du castor

 

 

En 2011, quinze ans après Week-end en famille, Jodie Foster repasse derrière la caméra et dirige dans Le Complexe du Castor, un drame teinté de comédie, son ami Mel Gibson, qu’elle retrouve près de 16 ans après Maverick de Richard Donner. L’actrice s’attaque au thème de la dépression et de ses conséquences sur l’entourage. Le héros de Braveheart campe Walter Black, un père de famille et chef d’entreprise qui a sombré dans la dépression. Au bord du gouffre, il trouve le chemin de la guérison grâce à une marionnette de castor. Une thérapie plutôt compliquée à assumer pour son entourage. « C’était un vrai défi cinématographique. Le film a un ton très spécial. On nage entre le comique du concept et le drame psychologique », confiait récemment Jodie Foster. Repoussé trois fois, le film a bien failli ne pas voir le jour, chamboulé par les tempêtes médiatiques soulevées par son acteur principal, Mel Gibson. « C’est l’histoire d’un homme qui lutte pour devenir quelqu’un d’autre parce qu’il ne se supporte plus. On se reconnaît forcément dans le personnage. Et Mel a eu l’honnêteté de s‘y voir aussi », explique la réalisatrice.

 

Vidéo : Bande-annonce de Machete Kills (2013)

 

 

Ce film , ainsi que Kill the Gringo (2012) sont deux échecs.  Depuis des années, Mel Gibson travaille sur un film de Vikings. Devant être interprété par Leonardo DiCaprio, le projet a été compromis par le départ de la star de Titanic suite au scandale de violence conjugale dans lequel a été impliqué Mel Gibson. Malgré ces déconvenues, 2013 pourrait signer son grand retour au cinéma. Il s’apprête à endosser le rôle du méchant dans Machete Kills, la suite de Machete de Robert Rodriguez.

 

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