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U2, les dieux du stade

U2 en 2009[CC/SteBo]

Ils sont quatre... Ils déchaînent les foules... Ils ont vendu près de 200 millions d’albums... Les places de leurs concerts se vendent régulièrement en moins d’une heure... Depuis plus de trente ans, les Irlandais de U2, sous l’égide de Bono et de The Edge, enflamment les salles de concert du monde entier.

 

(ARCHIVES)

 

L’aura de U2 est telle qu’elle se confond avec celle de ces illustres prédécesseurs, comme leurs voisins de Liverpool, les Beatles, avec lesquels ils partagent d’ailleurs une certaine forme d’engagement, et de Londres, les Rolling Stones, pour leur énergie et le goût de la démesure.

Le groupe U2 s’est formé – ou presque – sur les bancs du lycée, en 1976. D’après la légende, la naissance de U2 a lieu de la façon suivante: une annonce placardée dans les couloirs de la Mount Temple Comprehensive School de Dublin invite les candidats chanteurs à se présenter à une audition. Bono – le surnom de Paul David Hewson est déjà né à cette époque –, se rend au rendez-vous fixé au domicile de Larry Mullen, un batteur. Il a 16 ans. Il y rencontre Dave Evans, dit The Edge, guitariste, et enfin Adam Clayton, bassiste. Ils n’en attendaient plus qu’un. La légende du groupe fait de la cuisine des Mullen le point de départ de l’aventure U2. La formation, qui choisit d’abord le nom de Feedback puis de The Hype, réunit donc dès l’origine les membres qui composent encore aujourd’hui U2. Après un an de répétitions, les quatre adolescents commencent à se produire dans de petits concerts.

 

Rendez vous avec le succès

Au début, le groupe se fait les dents avec des reprises de leurs aînés. Beatles, Beach Boys, Rolling Stones... Leurs compositions personnelles sont largement inspirées par le conflit qui oppose l’Irlande et la couronne britannique. En mars 1978, U2 remporte un concours musical organisé par la chaîne CBS.               Le groupe gagne quelques heures de studio d’enregistrement et une prime de 500 livres. Paul McGuinness va dès lors les prendre sous son aile (il est à l’époque le manager des Stranglers). U2 va assurer la même année les premières parties du groupe, puis entreprendre une tournée solo assez conséquente pour un groupe à peine sortie de l’œuf.

Leur popularité grandissante sur scène contraste avec plusieurs revers essuyés auprès des maisons de disques mais après avoir enregistré sur le label CBS Irlande un EP de trois titres sorti en septembre 1979, U2 signe chez Island en avril 1980. L’histoire est en marche

 

Vidéo : Les débuts de U2 dans l’émission « Top of the Pops » (1979)

 

 

Le premier opus du groupe sort dans la foulée, à la fin de l’année 1980. Intitulé Boy, il sera défendu sur scène pendant une tournée d’un an, jusqu’à la sortie d’October. Au Royaume-Uni, les quatre «Dubliners» jouent déjà à guichets fermés, mais c’est leur troisième opus, War, qui leur apporte une notoriété internationale dans toute l’Europe, puis bientôt aux Etats-Unis. Sorti en 1983, War atteint directement la première place des charts anglais. Il consacre U2 aux Etats-Unis, qui devient alors un « groupe de stades ». L’album recèle quelques chansons aux allures d’hymnes générationnels, repris par la foule le poing levé, pleine de ferveur dans la voix. S’ouvrant sur le désormais classique « Sunday Bloody Sunday » faisant écho à la répression sanglante de manifestations à Belfas, « Two Hearts Beat As One » et « New Year’s Day », l’album est celui de la consécration. Confirmant les promesses qu’avaient laissé entrevoir ses deux prédécesseurs, Boy et October, il marque l’apogée du premier cycle du groupe, ainsi que la naissance du caractère engagé du groupe de Dublin.

 

Vidéo : « Sunday Bloody Sunday » (1983)

 

 

Cette année-là, U2 prend le chemin des compositions collectives. Pas de secret pour devenir incontournable : il faut des morceaux que tout le monde reprenne et des concerts qui marquent les esprits. En ce sens, les tournées au Japon, en Europe, aux Etats-Unis et en Australie sont gigantesques. Après la trilogie initiale, qui lui a permis de s’imposer en Europe, U2 entame un nouveau cycle et part à la conquête des Etats-Unis. Sa musique évolue, intégrant des sonorités plus blues et soul et culmine avec The Joshua Tree (1987), porté par les tubes « Where the Streets Have No Name », « I Still Haven’t Found What I’m Looking For » et « With Or Without You ». Enorme succès commercial, il se classe en tête des hit-parades de 23 pays, dont les Etats-Unis, où il est certifié platine 48h après sa sortie, devenant ainsi l’album le plus rapidement vendu de l’histoire. Désigné comme meilleur album de l’année 1986 aux Grammy Awards, Teh Joshua Tree permet d’établir définitivement U2 comme un groupe de renommée mondiale.

 

Vidéo : « With Or Without You » (1987)

 

 

Un autre album fera date : Achtung Baby (1991), qui sort après une retraite berlinoise. Enregistré à Berlin, introduit une nouvelle mutation musicale de la bande à Bono. L’apparition de quelques effets numériques et synthétiseurs discrets laisse présager de la forte coloration synthétique qui caractérisera l’album suivant, Zooropa. Considéré comme le chef-d’œuvre du groupe, aussi bien par les fans que les critiques, le disque culmine avec le titre « One », consacré tube planétaire depuis. Complétée par Pop, cette nouvelle trilogie inaugure aussi le passage aux tournées démesurées à travers les plus grands stades du monde.

 

Vidéo : « One » (1991)

 

 

Bono, pour un monde plus juste

A partir du milieu des années 1980, commence la sensibilisation à la détresse du tiers-monde. C’est un séjour en Ethiopie en 1985 avec sa femme qui a transformé Bono. A compter de ce moment-là, il n’a plus vu le monde de la même manière. Quelque chose pour lui a changé radicalement. Pourtant déjà engagé, il s’est découvert une véritable cause à servir. Il utilise désormais sa notoriété pour lutter contre les malheurs de l’Afrique. Pourquoi des stars comme Bono ressentent-elles le besoin de brandir un étendard ? Peut-être pour se détacher des trop nombreux succès qui les entourent et de l’amour qu’ils reçoivent, pour prendre de la distance par rapport à la réussite et à l’argent que cela génère. Pour le chanteur de U2, à en croire les déclarations de ses proches, son engagement pour l’annulation de la dette des pays du tiers-monde résulte d’une violente prise de conscience de la pauvreté des populations du continent africain.

 

Vidéo : « Ajibar » de Bono (1985)

 

 

Le déclic a eu lieu peu après le concert « Live Aid », un concert caritatif gigantesque organisé en faveur de l’Ethiopie par Bob Geldof, resté emblématique, en 1985.. Le chanteur de U2 s’y était rendu avec sa femme. A leur retour, Bono déclare sur MTV: « Nous avons vécu pendant quelque temps sous une petite tente. Le camping dans lequel nous restions était entouré de fils barbelés et je me souviens d’un matin où nous avons constaté que nous étions entourés de familles entières qui venaient mendier. C’était très touchant. Je m’en souviendrai toute ma vie... » De ce voyage naît la chanson « Ajibar », dont le titre est emprunté à cette ville du nord de l’Ethiopie où le couple a séjourné.

Il y aura aussi et surtout « Where the Streets Have No Name » qui ouvre leur meilleur album, The Joshua Tree. Un standard pour le groupe, un tube. Bono reste convaincu qu’il n’écrira pas de plus beaux textes. « Nous avons vu le désespoir au quotidien. Les gens nous laissaient leurs enfants enveloppés dans des tapis, certains étaient vivants, d’autres ne l’étaient plus ». « Where the Streets Have No Name », portée par une introduction étourdissante, est devenue leur chanson fétiche, jouée depuis à chaque concert du groupe.

 

Vidéo : U2 chante « Where The Streets Have No Name » en concert (1987)

 

 

Mais tout au long de la décennie suivante Bono se consacre à sa vie personnelle (ses quatre enfants naissent en 1989 et 2001) et au groupe, qui triomphe. Le début de l’engagement concret de Bono remonte au début des années 2000.

 

Sur tous les fronts

Bono fut l’ambassadeur du projet Jubilee 2000, la campagne internationale pour annuler de la dette des pays du tiers-monde, puis du NetAid, une initiative qui utilise Internet pour promouvoir le développement des pays pauvres. En 2002, il crée ainsi son organisation internationale, baptisée DATA (acronyme anglais pour Dette, sida et commerce avec l’Afrique) qui mène un combat pour l’annulation de la dette des pays du tiers-monde. DATA a fusionné avec One, une autre organisation «de campagne et de plaidoyer» cofondée par la rock star et soutenue par près de 2 millions de personnes. En 2005, à l’occasion du forum de Davos où il apparaît régulièrement, le chanteur de U2, en businessman averti, crée la fondation Red, qui se donne pour mission de lutter contre le sida sur le continent africain. Bono conclut des partenariats avec différentes firmes internationales comme Apple, Motorola ou Gap, pour vendre des produits estampillés «Red», dont les profits vont financer les actions de la fondation.

 

Vidéo : « Pride (In The Name Of Love) » (1984)

 

 

Les membres du groupe ont souvent raconté ce genre d’anecdote : Bono pendu au téléphone en pleine session d’enregistrement, avec, au bout du fil, Bill Clinton ou Nelson Mandela... Au cœur de l’échange, la pauvreté, la dette, le sida, les désastres climatiques. Difficile de faire raccrocher Bono lorsqu’il se lance dans un plaidoyer pour l’Afrique. En décembre 2005, on peut lire dans le magazine Rolling Stone : « C’est eux (les dirigeants politiques, ndlr) qui devraient avoir peur, parce qu’ils seront tenus pour responsable pour ce qui est arrivé de leur vivant. Je me positionne en tant que représentant des plus pauvres et des peuples les plus vulnérables. Je donne un coup-de-poing et le poing appartient aux peuples qui ne peuvent pas être là, je représente leur rage, leur colère, leur peine. Même si je me dois de faire attention à ce qui sort de ma bouche quand je rencontre le président Bush ». Pour Bono comme pour de nombreux autres, la dette qui continue de peser sur les pays pauvres est une forme d’oppression des pays riches à leur encontre. Cette dette est insolvable car, pour la plupart des pays, elle dépasse le produit intérieur brut. Une impasse qui sera au cœur des réflexions pendant la semaine mondiale pour l’annulation de la dette.

Devenu l’un des porte-voix du continent africain, Bono a plusieurs fois été récompensé pour son engagement humanitaire. Il a même été trois fois proposé pour le prix Nobel de la paix, avant de recevoir le titre d’« Homme de la paix » pour l’année 2008.

 

Vidéo : « Wild Honey » (2000)

 

 

U2 au XXIe siècle

En 1998 paraît un best of, événement qui correspond souvent au chant du cygne d’un groupe. Ce ne sera pas le cas pour U2, qui entame au tournant du millénaire une quatrième séquence artistique avec All That You Can Leave Behind, qui sera suivi de How To Dismantle An Atomic Bomb et, en 2009, de No Line On The Horizon

Pour ce 12e volet en studio, U2 a retrouvé les producteurs Brian Eno et Daniel Lanois, déjà présents sur Joshua Tree (1987). Pourtant, après trente ans de carrière, le quatuor fait dans l’expérimentation sonore. Le rock carré de How to Dismantle an Atomic Bomb, sorti il y a cinq ans, fait aujourd’hui place à un rock ouvert à des expériences synthétiques (nappes électro lounge sur « Unknown Caller et Moment of Surrender ») mêlées à des nimbes de guitares et quelques touches orientales (« Fez-Being Born »). Précédé par le single « Get on Your Boots », titre le plus musclé de l’album, No Line on the Horizon alterne tristes constats sur l’état du monde et notes d’espoir : « Chaque génération a une chance de changer le monde », lance le très engagé Bono sur la pop « I’ll Go Crazy if I Don’t Go Crazy Tonight ». Trois morceaux rock (« No Line on The Horizon », « Breathe » et un « Stand Up Comedy » qui exhorte à se battre pour l’amour, avec un riff de The Edge qui rappelle Led Zeppelin) y côtoient notamment un épique « Magnificent ». Côté larmes, le poignant « Cedars of Lebanon », où Bono se glisse dans la peau d’un reporter au Liban.

Si le succès populaire et commercial ne se dément toujours pas, fans de la première heure et critiques s’accordent à reconnaître que le U2 du XXIe siècle, bien qu’il reste efficace, a perdu en route un peu de son inspiration et de sa capacité à se réinventer constamment. A moins qu’il ne faille juste attendre la prochaine trilogie.

 

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