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Michel Bouquet, un talent au service des plus grands auteurs

Michel Bouquet à Grignan (Drôme France) pendant le 15° festival de la Correspondance 2010 le 07 juillet 2010.[CC/BéatriceLouise]

Michel Bouquet a depuis longtemps dépassé le statut de simple comédien. C’est une légende vivante. Retour sur la carrière d’un des plus grands acteurs français.

 

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Né le 6 novembre 1925, Michel Bouquet débute sur les planches à 17 ans, en 1944. Un soir de 1943, alors que sa mère le croit à la messe, il se rend chez Maurice Escande, administrateur général de la Comédie-Française. Ce dernier lui propose d’intégrer le Conservatoire d’art dramatique de Paris, pour suivre ses cours. Le jeune Michel y fait ses classes avec Gérard Philipe. Par la suite, sa carrière l’amènera à côtoyer les plus grands dramaturges. Ainsi, après avoir débuté en 1944 dans une pièce au nom prédisposé, La première étape, il joue au côté de son camarade de promotion dans Caligula, mis en scène par Albert Camus.

 

Vidéo : Michel Bouquet dans La Femme infidèle (Claude Chabrol, 1968)

 

 

Michel Bouquet décroche son premier rôle principal dans l’adaptation de Jean Anouilh de Roméo et Juliette, que met en scène André Barsacq au Théâtre de l’Atelier. Ensuite, il participe sous la direction de Jean Vilar à la première édition du Festival d’Avignon, avant de suivre ce dernier dans l’aventure du Théâtre national populaire (Villeurbanne). Il fait également quelques incursions au cinéma. Là aussi, les noms des réalisateurs avec lesquels il travaille sont impressionnants : Henri-Georges Clouzot (Manon), Abel Gance (La Tour de Nesle), Robert Siodmak (Katia), Claude Chabrol (La Femme infidèle, Juste avant la nuit et Poulet au vinaigre), François Truffaut (La Mariée était en noir et La Sirène du Mississippi), Yves Boisset (Un Condé et L’Attentat), Henri Verneuil (Le Serpent), Jacques Deray (Borsalino), Denys de la Patellière (La Fabuleuse aventure de Marco Polo) ou encore Michel Audiard (Bon baisers … à lundi). Les distinctions se font une fois encore attendre, mais il se verra décerner le césar du meilleur acteur à deux reprises : en 2002, pour le film Comment j’ai tué mon père, d’Anne Fontaine, et en 2006 pour son interprétation de François Mitterrand dans Le promeneur du Champ de Mars, de Robert Guédiguian.

 

Vidéo : Bande-annonce du Promeneur du Champ de Mars

 

 

Michel Bouquet est fidèle en amitié. Georges Werler le sait bien, lui qui connait le comédien depuis le début des années quatre-vingt. « C’était pour Le neveu de Rameau, de Diderot, en 1983. J’avais une grande “pétoche” à l’idée de le rencontrer, de parler avec lui », se souvient le metteur en scène. Le comédien est aussi attaché aux auteurs, et à Molière en particulier. Dans les années 1980, il donne d’ailleurs des cours au Conservatoire, assisté de George Werler. Disponible sur CD (Cours au conservatoire Anthologie 1986-1987, Frémaux et associés), sa méthode est quasiment une «philosophie du théâtre», que Michel Bouquet applique assidûment. «Il y a quatre points : d’abord la connaissance de l’auteur, puis celle de l’œuvre, ensuite de la pièce, et enfin, du personnage. Il est essentiel de se nourrir de l’auteur avant de connaître un personnage. Les comédiens qui se jettent à corps perdu dans un rôle ratent quelque chose, et se retrouvent souvent dans une impasse. Il faut donc savoir que dans Le malade imaginaire, la souffrance de Molière créait le grotesque. Lorsqu’il grimaçait de douleur, la foule riait », explique George Werler.

Malgré une carrière entamée au théâtre en 1944, et des premiers pas au cinéma trois plus tard, il aura dû attendre 1998 avant que les commentaires et critiques élogieux ne soient enfin concrétisés par un prix : un molière du meilleur comédien pour la pièce de Bertrand Blier, Les côtelettes. Avant cela, seule une nomination pour la même distinction avait salué une carrière pourtant pléthorique. C’était en 1987, pour Le malade imaginaire.

 

Vidéo : Michel Bouquet dans Le Malade imaginaire

 

 

Plus de vingt ans après, en 2008, Michel Bouquet remonte sur scène pour jouer à nouveau Le Malade Imaginaire. Le choix du rôle d’Argan, l’hypocondriaque le plus célèbre de notre culture, n’est pas anodin. « Il y a dans ce Malade, une euphorie que je n’avais pas vue la première fois, plus attiré par l’aspect métaphysique et poétique de l’œuvre. Cette dinguerie est l’astuce suprême pour aborder le thème de la dégradation du corps », a déclaré malicieusement Michel Bouquet. A 82 ans, Michel Bouquet n’a eu que très peu de temps pour préparer ce rôle. Lui et George Werler avaient dans un premier temps prévu de monter Le cardinal d’Espagne, de Montherlant, avant de se rendre compte que la pièce ne correspondait pas au cadre du théâtre. « On a donc dû mettre les bouchées doubles... Mais avec le recul, c’est plutôt une bonne chose. Même si j’imagine cette première la peur au ventre...»

En 1987, il avait déjà interprété le rôle d’Argan, mais Bouquet a souhaité modifier son jeu. « Ce personnage a été très compliqué à construire. Michel a beaucoup cherché, même erré. L’avoir joué il y a vingt ans, ça le gênait plutôt que ça ne l’aidait. Certains réflexes revenaient, mais il voulait s’en débarrasser. Retrouver une certaine innocence », raconte Georges Werler. Cette recherche était d’autant plus inévitable que les deux hommes ont redécouvert l’œuvre de Molière, sa dimension historique, son contexte. Quand Molière monte Le Malade imaginaire, en 1673, il est lui-même souffrant. Il mourra d’ailleurs peu après la quatrième représentation. « La mort plane : il s’agit quand même d’un homme malade qui fait le portrait d’un homme qui se croit malade ! », analyse le metteur en scène. Cette pièce, que George Werler croyait «construite à la hâte», se révèle d’une profondeur extrême. Molière voulait aussi envoyer un signal fort à Louis XIV, dont il espérait reconquérir les bonnes grâces, tout en glissant une critique acerbe de la cour du roi.

 

Vidéo : Michel Bouquet dans Le Roi se meurt

 

 

En 2010, Michel Bouquet joue dans une nouvelle version du Roi se meurt d’Eugène Ionesco. Il poursuit sa collaboration avec Georges Werler, déjà couronnée de succès avec L’avare, qui avait fait un triomphe en 2008 au théâtre de la Porte-Saint-Martin. Les deux compères avaient déjà monté la pièce de Ionesco avec succès en 2004 et 2005 au Théâtre Hébertot et le rôle du roi valu au comédien son second molière en 2005. Outre le metteur en scène Georges Werler, Bouquet y retrouve des comédiens qui lui sont chers, comme sa compagne Juliette Carré ou encore Jacques Echantillon. « Le théâtre d’Eugène Ionesco me fascine. J’ai envie de m’y frotter. Je l’ai beaucoup travaillé à différentes périodes de ma vie. Alors, quand je tombe sur un producteur – ici, Jean- Claude Camus – qui me dit : «Que voulez-vous jouer ? On va trouver un théâtre», et bien je saute sur l’occasion pour rejouer Le roi se meurt ».

 

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