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Alexandre Tharaud : "Un hommage au public"

Alexandre Tharaud. [LAURENT FIEVET / AFP]

Sa discrétion est à la hauteur de son talent. Véritable touche-à-tout, le pianiste Alexandre Tharaud bénéficie d’une triple exposition en ce mois de novembre. Un disque Autograph, un domaine privé à la Cité de la musique et un livre d’entretiens sur son approche du métier. L’interprète de la musique du film Amour, de Michael Haneke, y apparaît comme un véritable électron libre, bien loin de la caricature du virtuose solitaire et inaccessible.

 

Vous êtes pianiste. Pourtant, vous n’avez pas d’instrument chez vous.

Je ne veux pas être esclave de mon instrument, il ne m’est pas indispensable pour vivre. C’est un objet que j’utilise pour parler en musique. Au fil du temps, je me suis constitué un réseau d’amis en possédant un chez eux. Quand ils ne sont pas là, je m’y installe pour répéter. C’est une sorte de rituel, et le changement d’instrument me permet de tirer le meilleur d’un morceau. Si je peux le jouer sur plusieurs pianos aux sonorités différentes, c’est que je l’ai totalement assimilé.

 

Vous semblez maitriser parfaitement votre carrière, que ce soit dans le choix des compositeurs abordés comme dans votre quotidien d’interprète.

C’est vrai que je suis un peu « électron libre ». Je n’ai pas connu un succès immédiat, et mes premiers disques ont été peu entendus. Ces années de vache maigre me permettent aujourd’hui de prendre du recul sur ma profession.  Je sais ce que je veux pour la vie d’artiste que je construis.

 

Votre carte blanche à la Cité de la musique met en lumière votre plaisir de mêler les genres.

Pour moi, la musique est une excellente raison de rencontrer les gens que j’aime, qu’ils viennent du classique ou de la chanson. Vendredi prochain, je serai sur scène avec Juliette, Bénabar, Dominique A et beaucoup d’autres, dont je ne veux pas dévoiler l’identité. Ca devrait être une nuit un peu folle. Des personnes que j’adore mais que les tournées m’empêchent de voir souvent. Ça me permet de rencontrer mes amis et de partager, sur scène, mes nombreuses passions avec eux.

Surtout, avec cette carte blanche, les organisateurs m’ont laissé une totale liberté de programmation. J’ai décidé de suivre le fil de ma discographie : Bach, Scarlatti, Chopin, Ravel, Beethoven, et bien sûr le répertoire début de siècle du Bœuf sur le toit.

 

Ce mois-ci, vous gratifiez le public d’un disque de «bis»

C’est un hommage au public, mais aussi au moment que le rappel représente. C’est l’après-concert, comme un dernier verre qu’on prend ensemble. C’est l’instant où le public comme l’interprète sont plus libres, surtout à l’écoute. Au bout de deux heures de concerts, il n’y a plus qu’une chose qui subsiste, le plaisir. C’est un moment privilégié, que j’aime, et qui est indispensable dans ma vie. C’est de cela dont je parle au travers de 23 pièces courtes qui balayent trois siècles de musique.

 

Votre rapport à l’enregistrement est très intense. Vous faites partie de la génération CD. Parlez-nous de ce lien...

Je vais très peu en concert, et je suis un grand consommateur de disques, que je dévorent chez moi.  Je suis très attaché au CD, qui devrait mourir dans quelques années, ce qui me rend bien triste. Jouer sur scène est un autre métier que d’enregistrer, pour des micros situés à un mètre de vous.

 

Cette mort du CD va-t-elle changer la façon de vivre la musique ?

Il y aura encore pendant des années des gens attachés à l’objet. Le CD ne va pas disparaître tout de suite. Avec le téléchargement, l’enregistrement de la musique se fera dans des formats différents.  Dans l’idéal, j’aimerai enregistrer des singles, ou au contraire de longues intégrales. Pour le reste, aucune major du disque ne peut vous dire ce qui va se passer dans l’univers du disque. On ne passe plus d’un support à un autre, mais d’un support à un autre.

 

Vous avez enregistré de nombreuses œuvres de compositeurs français, du baroque-Rameau, Couperin- au XXeme siècle-Ravel, Debussy,…Comment définissez-vous le style français, s’il existe ?

A l’heure actuelle, avec l’ouverture à l’internationale des écoles de musique, des compositeurs, il est difficile de retenir une spécificité. Si on regarde dans le passé, il y a un « esprit français ». C’est un équilibre très délicat entre l’esprit et les sens. Entre une musique parfois très intellectuelle, raffinée, détaillée, et en même temps une musique de la nature,  lyrique, qui demande un certain lâché prise. On retrouve chez Ravel (1875-1937) la meilleure illustration de cela.  C’est ce que j’ai voulu montrer dans le disque Le bœuf sur le toit.

 

Autograph, Erato, 20 €. Domaine privé, à la Cité de la musique, jusqu’au 22 novembre, Paris 19e. Piano intime, éd. Philippe Rey, 17 €.

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