En direct
A suivre

Le chanteur Christophe est mort à l'âge de 74 ans

Après avoir été hospitalisé à Paris en raison d'une insuffisance respiratoire, puis transféré en réanimation à Brest, le chanteur Christophe, atteint d'un emphysème, maladie pulmonaire, est mort jeudi soir. L'auteur d'«Aline» et des «Mots bleus» avait 74 ans.

«Je lui dirai les mots bleus/Ceux qui rendent les gens heureux/Je l'appellerai sans la nommer/Je suis peut-être démodé/Le vent d'hiver souffle en avril/J'aime le silence immobile», chantait-il en 1974. En apprenant la disparition de ce grand nom de la chanson française, ces paroles extraites du tube «Les mots bleus», résonnent aujourd'hui d'autant plus dans le cœur de ses proches et de ses fans.

Le 10 avril dernier, Véronique Bevilacqua, son épouse, avait publié un texte court dans lequel elle expliquait qu'après avoir été admis, le 26 mars, dans un hôpital parisien en raison d'une «insuffisance respiratoire», il avait été transféré dans un service de réanimation à Brest, et était «toujours intubé sous sédation profonde». Elle avait demandé «à la presse de ne pas déranger les équipes soignantes et de le respecter lui et sa famille, à savoir sa fille unique et (elle)-même». Ni elle, ni son producteur de spectacles Laurent Castanié, n'avait confirmé l'information selon laquelle Christophe, qui souffrait d'un emphysème (une maladie pulmonaire), «avait été testé positif au Covid-19».

Dans la nuit du jeudi 16 au vendredi 17 avril, la nouvelle tombe. «Christophe est parti. Malgré le dévouement sans faille des équipes soignantes, ses forces l'ont abandonné. Aujourd'hui, les mots se lézardent... et tous les longs discours sont bel et bien futiles», écrivent sa femme et sa fille Lucie, dans un communiqué bouleversant.

L'annonce de sa disparition a bouleversé le monde du spectacle, et ses proches ont fait part de leur tristesse de ne pouvoir lui rendre un dernier hommage en raison des mesures prises pour lutter contre l'épidémie de coronavirus. «À cause de ce putain de virus, on ne (pourra) lui dire au revoir», a déclaré son ami de longue date, le musicien Jean-Michel Jarre.

Un oiseau de nuit passionné et collectionneur

Ex-yéyé éternellement amoureux de cette «Aline» et musicien expérimental vénéré par la jeune garde, Christophe était un être à part, qui recevait les journalistes chez lui. Et à son heure. Lui préférait vivre la nuit quand la plupart des gens dormaient paisiblement. Il résidait à Paris, dans un imposant immeuble art déco, boulevard du Montparnasse. A un jet de pierre du jardin du Luxembourg où il aimait jouer aux boules. En y pénétrant, on plongeait avec fascination dans l'univers du «beau bizarre», le titre d'un de ses plus célèbres albums.

Dans la cuisine, à côté du frigo rouge, un portrait de Bowie. Dans le salon-studio, sous les volutes d'encens, des juke-boxes, des objets vintage, des synthétiseurs et des guitares. Sans oublier de nombreux tableaux, certains signés de sa main, un jeu d'échecs posé sur les cordes du piano ouvert et une vierge noire en bakélite. «La collection, c'est mon truc, je collectionne aussi les moments de hasard, les moments qui m'ont plu. La création, c'est ça, c'est l'inconnu, c'est savoir attraper», expliquait-il de sa voix si particulière. Christophe, il fallait le suivre. Ses conversations s'apparentaient souvent à un monologue rêveur.

Sa collaboration avec Jean-Michel Jarre

De son vrai nom Daniel Bevilacqua, ce fils d'un entrepreneur d'origine italienne et d'une mère couturière était né le 13 octobre 1945 à Juvisy-sur-Orge, dans l’Essonne. Adolescent, il traînait souvent à Paris et fut rapidement amoureux d'une Amérique fantasmée, qu'il voyait défiler sur les écrans de cinéma. La découverte d'Elvis et du blues de Johnny Lee Hooker, Sonny Boy Williamson ou Lightin' Hopkins, fut un choc pour cet admirateur de Brassens.

Au début des années 60, il a fondé son premier groupe, Danny Baby et les Hooligans, et enregistra son premier disque pour l'incontournable Golf Drouot. «Reviens Sophie» fut un flop. Son deuxième essai, en 1965, devint un coup de maître : «Aline», un des tout premiers slow de l'été. Mais le jeune homme qui voulait travailler chez Cardin se sentait à l'étroit dans le costume des yéyés.

Accompagné d'un jeune parolier du nom de Jean-Michel Jarre, arborant désormais moustache et cheveux longs, il publia en 1973, puis 1974, deux albums fondateurs : «Les paradis perdus» et «Les mots bleus». Sa voix aiguë commença à se poser sur ce qui deviendra l'instrument de prédilection de ce «kamikaze du son» : le synthétiseur. Une passion qui culminera en 1996 avec le très expérimental «Bevilacqua». Le chanteur a trouvé son style, entre dandy crooner et expérimentations inspirées du rock anglo-saxon. Il sera à son apogée en 1978 avec «Le beau bizarre», considéré comme son plus grand disque par la critique.

Une vie familiale compliquée

A partir des années 80, ce cinéphile épris de vitesse et de belles cylindrées - ce qui lui vaudra un retrait de permis - ralentit son rythme de travail. Il alterna longues éclipses et période de créativité musicale, comme hauts et bas dans sa vie personnelle.

La famille est en effet un sujet sensible pour ce fils de divorcé, qui a eu un fils, non reconnu, avec Michèle Torr, et une fille avec son épouse durant vingt-huit ans, Véronique. Rétif à toute notion de «carrière», il a déserté la scène pendant près de trente ans. Quand il y revient en 2002, dans la foulée de l'album «Comm' si la terre penchait», c'est avec un spectacle mêlant la musique, des chorégraphies signées Marie-Claude Pietragalla et des numéros de magie. Une esthétique à son image, à part.

Vénéré par la jeune garde

Chanteur populaire, aux bluettes à la limite du kitsch, il était aussi vénéré par la scène alternative, d'Alain Bashung («Alcaline» est un clin d'œil à «Aline»), à Camille ou Chris(tine & the Queens). Il restait toujours dans l'air du temps, comme le prouvaient ses récents albums «Christophe, etc», volumes 1 et 2, sortis en 2019, où il reprenait ses standards avec des interprètes de toutes générations.

Cet amateur de poker aimait avant tout jouer. En 2012, à 67 ans, il s'était lancé un nouveau défi : apprendre le piano pour une tournée et le plaisir de «faire des trucs incertains, perdus, ratés, beaux, j'espère». Il résumait ainsi sa carrière : «Je connais mes hauts et mes bas, j'ai eu des beaux bas».

L’auteur des «Mots Bleus» devait se produire les 28 et 29 avril sur la scène parisienne du Grand Rex, à Paris, dans le cadre de sa tournée. Mais les concerts avaient été annulés et reportés au mois de septembre, en raison de l'épidémie de coronavirus.

À suivre aussi

Ailleurs sur le web

Dernières actualités