En direct
A suivre

Marché du film du Festival de Cannes : « Nous sommes le premier marché au monde» constate son Directeur délégué

Jérôme Paillard, Directeur délégué du Marché du Film du Festival.[© DR]

Le Festival de Cannes, qui devait se tenir cette année jusqu'au 23 mai, a dû être annulé pour cause de pandémie. Son traditionnel pendant commercial, le Marché du Film, permet au secteur du 7eme art, du producteur au distributeur en passant par les créateurs de contenu, de développer les futurs films que le public pourra déguster sur grand écran. Cette année, le salon professionnel s'est déroulé de manière virtuelle et à distance, et se terminera ce 26 juin. L'occasion de faire le point avec son Directeur délégué Jérôme Paillard, sur une édition forcément inédite dans les circonstances de la pandémie.

On se souvient de la célèbre citation d’André Malraux : «Le cinéma est un art mais aussi une industrie». Le Marché du Film, c’est un peu «l’autre» Festival de Cannes ? 

Jérôme Paillard : Absolument ! Le Festival a deux versants en réalité. L’aspect culturel et artistique que tout le monde connait - avec une présentation, une offre et une sélection de prestige. Il existe aussi dans le même temps un versant économique avec le Marché du Film qui est un salon professionnel ou les vendeurs de films, les distributeurs et les producteurs viennent échanger, commercer et proposer des films terminés ou des projets à financer. Avec stands à l’appui et projections spéciales pour les distributeurs intéressés. La moitié des participants sont des producteurs qui cherchent à monter et financer des projets, trouver des lieux de tournages, des destinations où les conditions fiscales sont plus intéressantes, etc. Autour de cette thématique de la production, se pose aussi la question de tout ce qui constitue un film… Des tables rondes sont ainsi organisées avec des éditeurs, des compositeurs, des réalisateurs et producteurs.

Certaines célébrités sont-elles impliquées au Marché du Film ? On imagine aisément qu’un projet cinéma autour de Sophie Marceau, Timothée Chalamet ou Marion Cotillard a beaucoup plus de facilités à se financer ou se vendre ?

Tout à fait. Cette année précisément, j’ai moi-même été impliqué dans la promotion du documentaire dans lequel participe Marion Cotillard. Le vendeur du film a organisé une présentation destinée à des acheteurs sélectionnés, afin que la réalisatrice - et aussi Marion Cotillard tout comme une participante indonésienne du projet - puissent parler du film. Cela fait partie des moments forts du Marché.

Pour la première fois dans l’histoire du Marché, vous avez dû faire appel à un système virtuel inédit. Cela n’a-t-il pas été trop complexe à mettre en place et dans un délai relativement court ? 

Ça a été un vrai challenge. En l’occurrence, comme d'autres qui ont fonctionnées pendant cette période compliquée, nous avons utilisé l'application Match&Meet (by Talque), et nous avons dû recréer une plateforme : « le Marché du Film Online», qui a intégré tous ces outils. Plutôt que d’être un site internet classique, les visiteurs se retrouvent un peu à Cannes et se promènent entre les stands, les pavillons, les cinémas, les salles de conférence de manière fluide et presque ludique.

Le bilan est de 1200 projections, 25.000 visionnages, et 100 pays représentés

Cela permet aussi d’initier des rencontres entre professionnels qui ne se connaissaient pas toujours auparavant. Même si les gens ont parfois été un peu déroutés, il est impressionnant de constater que nous avons le même nombre d’inscrits que d’habitude (autour de 10 000 participants), 1200 projections, 25 000 visionnages, 50 000 entrées d’ici la fin de la semaine, environ 100 pays représentés et près de 200 conférences. Donc oui, nous sommes ravis. D’autant que l’absence de contraintes en matière de places permet d’atteindre lors d’ateliers-conférences jusqu’à 400 professionnels. Ce qui serait impossible au niveau matériel à Cannes même !

Ce marché virtuel représente-t-il au final un avantage certain en termes de fréquentation ?

La bonne réponse - et ce que nous envisagerons sans doute à l’avenir - c’est une solution un peu à mi-chemin, entre les deux. Les gens ont bien évidemment envie de se retrouver humainement à Cannes. En revanche on s’est aperçu que ce système a permis à des personnes (qui ne venaient pas habituellement pour des raisons techniques ou d’emploi du temps) de participer activement.

Dans les mois qui viennent nous allons réfléchir à cette façon de travailler pour mixer les deux : venir à Cannes pour tous ceux qui le souhaitent et permettre aux autres depuis chez eux de participer au business, aux conférences et à l’échange entre professionnels ; et permettre donc un accès pratique à tous. Nous ouvrons une brèche qui mérite d’être étudiée assurément.

Le Marché du Film de Cannes est-il le plus important d’Europe, voire du Monde ? 

Oui et d’assez loin. C’est le 1er marché au monde. L’American Film Market de Los Angeles et le Marché de Berlin le suivent mais restent moins importants.

«Pour être un bon acheteur/distributeur, il faut être capable de défendre aussi bien Fanny et Alexandre de Bergman que L’Hôtel de la Plage de Michel Lang» selon un professionnel il y a encore quelques années… Vous seriez d’accord ou vous nuanceriez ?

C’est même encore plus radical aujourd’hui ! Quand on est acheteur de films il faut savoir faire totalement abstraction de ses propres goûts. Vous n’achetez pas seulement pour vous faire plaisir mais avant tout, pour mettre des films dans des salles et trouver un public dans votre pays. Un distributeur se doit d’imaginer la meilleure façon de parler d’un film à la presse de son pays, aux exploitants, d’envisager comment conduire une campagne marketing qui donne envie au public de venir voir ce film en salles…

Quand on est acheteur de films, il faut savoir faire abstraction de ses propres goûts

La force d’un distributeur, c’est d’être capable de faire abstraction de l’environnement, des influences diverses ; transposer le film dans une culture nationale et imaginer comment positionner cette œuvre chez lui, quelle résonnance lui donner auprès des écoles ou des étudiants par exemple ; en écho à des évènements historiques ou sociaux également…

Le métier de distributeur semble passionnant tout en restant méconnu. Comment devient-on distributeur aujourd’hui ?

D’abord par passion du cinéma évidemment. Je pense qu’il y a aussi un don… Cela peut commencer par des stages en société de distribution ou des postes dans la partie financière.

Souvent, les responsables de boites aiment donner leurs chances à des jeunes en leur soumettant des scénarios à lire et en demandant leur avis… Puis progressivement, en 2, 3 ou 4 ans, des jeunes prennent un rôle de plus en plus majeur dans la programmation de la distribution.  

 

À suivre aussi

Ailleurs sur le web

Dernières actualités