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Virginie Efira : «Avant le confinement, j'avais des préjugés de 'vieille conne'»

La compagne de Niels Schneider ne souhaite pas s'enfermer dans un registre. [© Yohan BONNET/AFP]

Avec «Adieu les cons», tragédie burlesque pour laquelle elle est nommée au César de la meilleure actrice en mars prochain, Virginie Efira a fait son entrée dans l'univers décalé et singulier d'Albert Dupontel. A 43 ans, l'actrice au talent indéniable ose et relève tous les défis, sans se prendre au sérieux. Rencontre avec l'une des comédiennes les plus prisées du cinéma francophone.

Il y a dix ans encore, personne - ou presque - n'aurait imaginé que cette jolie blonde drôle et pétillante, originaire de Bruxelles, puisse passer du petit au grand écran avec autant de succès. Et pourtant, Virginie Efira, que les téléspectateurs ont découvert comme animatrice de l'émission «Nouvelle Star» sur M6, et qui enfant rêvait d'être comédienne, peut aujourd'hui se targuer d'avoir réussi sa reconversion, et ne cesse de démontrer au fil de ses films qu'elle est à l'aise dans tous les registres.

Après «Police» d'Anne Fontaine, drame en septembre dernier dans lequel elle partage l'affiche avec Omar Sy et Grégory Gadebois, la compagne de l'acteur Niels Schneider crève l'écran dans «Adieu les cons». Elle y interprète une coiffeuse condamnée à mourir à force d'avoir trop inhalé de laques dans son salon. Alors qu'il ne lui reste plus que quelques jours à vivre, Suze Trappet - aussi glamour qu'émouvante - décide de retrouver son fils qu'elle a abandonné. Sur sa route, elle croisera le chemin de JB (Albert Dupontel), employé désabusé qui rate son suicide, et de Monsieur Blin, un archiviste aveugle fantaisiste et attachant.

Pourquoi avoir accepté le rôle de Suze Trappet ?

Cette femme a eu une vie avec beaucoup d’injonctions. Alors que le temps est compté pour elle, elle est prête à prendre tous les risques pour retrouver son enfant né sous X qu’elle a abandonné alors qu’elle n’avait que 15 ans. Il y a une forme d’insurrection en elle que j’aimais. On ressent de la force et du courage chez cette héroïne. Engoncée dans sa petite jupe trop serrée qui l’empêche de faire de grands pas, elle évolue dans un univers rappelant la BD et marqué par les couleurs.

Un univers qui vous a immédiatement séduit ?

Un film n’est intéressant que si le metteur en scène met un peu de sa personne. J’aime travailler avec des réalisateurs pour qui il y a un impératif à raconter des choses. Albert a un savoir-faire qui n’appartient qu’à lui. Si je ne suis pas une adepte de la fable, j’apprécie la poésie et l’humour parfois un peu dur qui se dégagent de ce film. J’ai découvert le cinéma d’Albert pour la première fois avec «Le Créateur» (1999), puis «9 mois ferme» (2013), comédie dans laquelle Sandrine Kiberlain est terriblement drôle. Moi, je le suis beaucoup moins dans «Adieu les cons».

Vous donnez la réplique à Albert Dupontel qui est donc devant et derrière la caméra. Avez-vous ressenti une pression supplémentaire ?

La pression, je l’oublie. Un acteur ne doit pas jouer un morceau de Chopin seul au piano devant une foule d’inconnus. Il n’y a pas une bonne ou une mauvaise façon de jouer. Votre jeu plaira ou déplaira aux gens. Il faut simplement essayer de comprendre ce que souhaite le réalisateur, et s’approprier les choses pour que tout cela devienne vivant. Albert est quelqu’un de hautement exigeant avec lui-même, et donc avec les autres. Ce n’est pas la grande décontraction sur le plateau. A chacune des prises, il fallait se replonger dans son univers en apnée.  

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© Jérôme Prébois – ADCB Films

«Adieu les cons» égratigne la société et épingle notamment une administration numérisée qui délaisse ceux qui sont en marge. Et vous, qu’est-ce qui vous met en colère ?

Tout ce que la peur peut engendrer, à savoir le repli sur soi ou l’absence de lien social. Si on devait généraliser toutes les colères, ce serait une rupture et une crise du lien qui nous fait perdre cet esprit de solidarité, la collectivité. Je trouve aussi parfois mon inertie lamentable.

Dans votre vie professionnelle ou affective, fonctionnez-vous à l’instinct ?

Bien sûr. L’instinct est comme une réflexion accélérée qui ne passe par aucun filtre. On sait qu’il y a une direction à prendre sans forcément pouvoir l’expliquer. L’instinct peut aussi vous dire de ne pas y aller. Quand on le suit, on ne peut pas se tromper… et cela, même si on rate ce que l’on croyait devoir faire.

Je ne veux pas vivre dans un monde où le cinéma d'auteur n'existerait plus.

Depuis dix ans, vous enchaînez les rôles, passant de la comédie au drame, et vous êtes devenue l’une des actrices les plus en vogue du 7e art. Vous sentez-vous plus légitime qu’à vos débuts ?

Après le succès de «Victoria» de Justine Triet, comédie dramatique où je jouais une avocate pénaliste en mal d’amour et de stabilité, les rôles que l’on m’a proposée sont devenus plus diversifiés, plus complexes, moins légers. Je suis passée de la fille qui allait bien à la femme un peu tarée et beaucoup moins drôle (rires). Avant ce film, certains devaient sans doute penser que j'étais dénuée de toute mélancolie. Ma morphologie, mes années passées à animer des émissions à la télévision, pouvaient peut-être leur donner l’impression que je n'étais pas capable d'endosser des rôles dramatiques. Aujourd’hui, la question de la légitimité ne se pose plus. Ce n’est pas une carte que l’on finit par vous donner si vous faites bien votre travail. Il faut arrêter d’être autocentrée, se demander si l'on a ou non quelque chose à partager sur un plateau avec une équipe, et ne plus s’excuser d’être là où l’on est. Cela n’empêche pas d’avoir parfois peur comme quand Paul Verhoeven m’a proposée de jouer une nonne lesbienne dans «Benedetta» (le film devrait sortir en juillet 2021, ndlr).

En raison de la pandémie, la VOD connaît un essor sans précédent alors que le cinéma voit la fréquentation de ses salles en berne. Que pensez-vous des plates-formes de téléchargement ?

Je n’aime pas tous ces discours qui opposent les plates-formes de VOD au cinéma. Il faut trouver une manière pour que ces deux secteurs cohabitent, tout en protégeant le modèle économique français. Ce qui serait terrifiant, c’est que l’on ne puisse plus tourner des films d’auteur, qu’un metteur en scène ne puisse plus raconter quelque chose de terriblement intime par le biais du cinéma. Ce genre ne peut pas disparaître à cause d’un grand lavage capitaliste où toutes les œuvres se ressembleraient et seraient réalisées pour plaire au plus grand nombre, avec le profit comme idéal. Je ne veux pas vivre dans un monde comme celui-là. En France, on a la possibilité de se lancer dans des projets qui misent avant tout sur la beauté et la poésie, en reléguant les gains au second plan. Le cinéma continuera à exister. Tout ce qui se passe aujourd’hui était en germe avant le Covid-19. Les choses n’ont été que précipitées.

Le confinement a-t-il changé votre vision du monde ?

Du monde, je ne sais pas, mais des séries, oui ! Au cours des dîners, on n’arrêtait pas de me poser la question : «Et toi, tu regardes quoi en ce moment comme série ?». Cela m’exaspérait. Pour moi, c’était la mort du couple, de la sexualité, de la rencontre, de la sortie et du collectif. L’addiction à une série que l’on regarde parfois jusqu’au bout sans même savoir si cela nous plaît était pour moi aussi désagréable que quand je mange un burger trop vite. Mais le confinement a mis à mal les préjugés de «vieille conne» que j'avais en la matière. Alors que je n’avais vu que «Twin Peaks» en vingt ans, j’ai découvert des séries démentielles.

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