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«Les gens ont tapé sur les rappeurs mais n’ont pas écouté le fond», regrette Passi, artiste du 5e Hip Hop Symphonique

Passi participe à la 5e édition de Hip Hop Symphonique, à la maison de la radio. [Christophe Abramowitz / Radio France]

En 30 ans, ses paroles n’ont pas pris une ride. Pionnier de la scène rap française, Passi parle depuis ses débuts des difficultés dans les quartiers mais aussi de la joie de vivre. Il est ce samedi (18 heures) à l'affiche du 5e Hip Hop Symphonique en compagnie de quatre autres artistes issus de la musique urbaine.

Accompagné par un orchestre, sous la direction artistique d'Issam Krimi et de chansigneurs (Laëty et Adamo), le «Double S» prendra le micro notamment avec le Bisso Na Bisso. Pour CNEWS, l’artiste est revenu sur cet événement qui permet la rencontre de deux univers, non pas antagoniques, mais qui n’ont pas pour habitude de se cotoyer. Il aimerait que la France soit à l'image de ce concert : des milieux différents qui se cotoient pour avancer et proposer de belles choses.

L'événement sera diffusé en direct à partir de 18 heures sur Mouv' et sur ce lien. A la même heure, Passy sort d'ailleurs son nouveau clip Django sur sa chaîne YouTube. 

Il s’agit de votre première participation. Ce concept est-il une découverte pour vous ?  

Passi : J’étais venu voir les deux premières éditions et je trouvais ça super intéressant. J’ai toujours été parmi les artistes capables de s’ouvrir, j’adore ça. En ce moment c’est ma semaine symphonique. Là je viens de chanter avec Calogero pour enregistrer les émissions de fin d’année. On a fait Face à la mer en philarmonique. J’ai déjà fait des tournées avec lui, également avec un quatuor à corde, plus DJ, avec le Bisso N Bisso et on n’avait rajouté les musiciens plus tard.

Mais on n’avait jamais joué en philarmonique avec le Bisso na Bisso. C’est comme décliner son morceau de façon différente. On, l’emmène ailleurs et encore plus haut avec ces arrangements philarmoniques. Les Flammes du mal non plus je ne l’avais jamais fait en philarmonique. Donc c’est toujours un kif.

A l’époque, votre morceau avec Calogero avait surpris. Il y avait quelques sceptiques…

Certains étaient en arrière et bêtes. C’est comme avec le Bisso Na Bisso, les gens disaient «hey vous mettez de la musique africaine dans le rap !» Bah regarde aujourd’hui ! Tant pis pour ceux qui critiquent ! J’ai toujours aimé avancer et faire des choses. Et là, c’est une croix de plus. C’est comme si j’étais devant un tableau de chasse. Le Bisso en symphonique ça va être une tuerie.

Cette collaboration entre le Hip Hop et la musique classique peut-elle devenir courante ?  

J’avais fait la Boîte à musique (émission estivale de musique classique sur France 2) à l’époque. Il y a énormément d’artistes d’opéra qui n’attendent que ça : se mélanger et bosser sur un autre type de musique. Tous les orchestres philarmoniques sont super contents de jouer autre chose que le classique qu’ils ont l’habitude de faire. De mon côté, s’il y a une occasion d’en faire encore plus, je le ferai.

«Pour arrêter l’hémorragie, il faut s’écouter les uns et les autres»

En 1997, tu sortais Je Zappe et je matte, une critique de la société française à travers le prisme de la télévision. Cette chanson semble toujours d’actualité…  

Ouais, t’as juste à rajouter les chaines câblées (rires) ! Il y a plus de chaînes donc ça serait galère mais tu pourrais faire un album sur chaque chaîne. Même pour les Flammes du mal. On peut l’entendre lors de manifestations ou d’émeutes ou Sacrifice de poulets de Ministère A.M.E.R. On a chanté des problèmes il y a 30 ans et ces problèmes n’ont pas été résolus. Je pense que les gens ont tapé sur les rappeurs mais n’ont pas écouté le fond de ce qu’ils disaient. C’était quand même des signaux d’alarme qu’on tirait. Et, pour moi, aujourd’hui c’est pire qu’il y a 30 ans. La situation dans les quartiers, entre la police et les jeunes… On aurait dû nous prendre un petit plus au sérieux déjà à l’époque.

Comment désamorcer cette situation tendue ?

Je fais partie d’un collectif (Pour un monde meilleur) dans lequel on est plusieurs personnalités. On essaie de donner des idées et des choses pour faire avancer la situation. Je pense qu’il faut réussir à parler, à parler d’amour aussi. S’accepter les uns les autres. Se dire que la France n’est pas seulement comme ci ou comme ça. Il y a la France des villes, la France des villages, elle est variée. Pour vivre ensemble il faut arriver à s’écouter les uns les autres. Or, on est dans un système qui, depuis longtemps, n’écoute qu’une certaine classe de personnes. Les autres ne sont pas assez écoutés, pas assez représentés, pas assez considérés. Et c’est ce que la société française paie je pense.

En parles-tu dans tes chansons ?

Justement, je balance un titre ce samedi (18 heures). Il s’appelle Django et parle justement de cet esclavage de la société. Le titre est inspiré du film éponyme. On y parle du vivre-ensemble et du fait qu’on se sente comme Django : enchaînés mentalement dans une société. Ça fait longtemps que je n’avais pas sorti un album (2008). Là je me tâtais et je pense que Django correspond à la période actuelle. Ce n’est pas un single sur lequel on va danser mais il y a du fond dedans.

Les violences policières aux États-Unis ont provoqué une amplification des manifestations sur ce sujet en France. Y-a-t-il un lien entre les deux luttes ?

La différence entre les États-Unis et la France c’est que là-bas le mec est plus direct. Il vient et te tire dessus et ça se voit. Ces inégalités sont différentes en France. Elles sont intellectualisées. Ça fait des années que je dis que je ne vois jamais les politiques parler d’amour aux enfants des quartiers, dans le besoin. A les considérer en tant que Français.

Ça fait des années qu’il y a des bavures policières et qu’on ne règle pas le problème. Il y a plein de scandales mais on ne veut pas les regarder, on les cache un peu. Il peut arriver un moment où ça explose. Je ne suis pas d’accord avec ça, mais on voit des jeunes faire des dingueries sur des policiers, ils mettent le feu à une voiture de police. A force de ne pas considérer ces jeunes, ces êtres humains, les mecs pètent les plombs, tu sais que tu peux mourir d’une bavure policière bah tu te dis «je vais les faire morfler». Il y en a qui n’en ont rien à foutre. C’est triste mais on est dans ça. Pour arrêter l’hémorragie, il faut s’écouter les uns et les autres. On ne peut pas vivre dans un État sans loi, sans droit, sans policiers. Mais il faut considérer tous les types de Français.  

Vous pouvez suivre en direct le 5e Hip Hop Symphonique ICI

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