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Les meilleures BD de janvier 2021

Les bonnes BD se bousculent en librairie en ce mois de janvier 2021 Les bonnes BD se bousculent en librairie en ce mois de janvier 2021.[© DR]

Après une année 2020 marquée par le confinement et les reports de sorties de livres, 2021 débute fort côté BD avec un foisonnement de sorties en janvier. Sélection.

Le jardin, Paris

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© Gaëlle Geniller / éd.Delcourt

Années 1920, Paris. Un prestigieux cabaret parisien - «Le jardin» - fait danser tous les soirs de jeunes femmes aux surnoms de fleurs. A presque 18 ans, Rose, en réalité le fils de la dirigeante des lieux, monte pour la première fois sur scène. Succès immédiat pour le jeune homme qui crée grâce à sa prestation, un nouveau genre de spectacle.

Après ses «Fleurs de grand frère», la jeune Gaëlle Geniller s'empare à nouveau d'un sujet autour de la différence et sert une tendre histoire tout aussi inclassable que son jeune protagoniste. Avec une infinie douceur, l'autrice aborde la question du genre et de la sexualité en prenant soin de ne jamais faire de choix pour son héros aux allures d'héroïne. A travers un scénario jamais moralisateur ni surchargé de bons sentiments, et par le biais d'un graphisme flamboyant, ce «jardin» du début du siècle pourrait donner bien des leçons aux vieux grincheux. Et ça fait du bien.

Le jardin, Paris, de Gaëlle Geniller, éd. Delcourt, 224 p., 25,50€

Et l'homme créa les dieux

Un véritable défi : comment adapter un essai anthropologique en BD ? Le défi est encore plus grand lorsqu'il s'agit de celui signé par Pascal Boyer sur la question du rapport de l'Homme à la religion. «Et l'homme créa les dieux» est l'adaptation graphique par Behé de l'oeuvre éponyme de l'anthropologue français, chercheur au CNRS, paru en 2001. Le résultat est bluffant : après huit ans de travail, le dessinateur a saisi l'esprit du texte de Pascal Boyer en lui apportant son propre éclairage.

Basé sur des recherches en anthropologie, bien entendu, mais aussi en neuro-sciences, en ethnologie, en sociologie ou encore en psychologie, l'ouvrage se veut néanmoins très ancré dans des exemples concrets, inspirés par les mythes, l'Histoire ou encore par la littérature. Pas forcément l'ouvrage le plus aisé à lire, ces 350 pages interpellent pourtant profondément. Pourquoi les religions ? Quels sont nos rapports avec la mort, les dieux, les autres hommes ? Pourquoi le fanatisme existe-t-il ? Autant de questions passionnantes dans une somme documentaire au graphisme époustouflant. Déjà une référence en la matière.

Et l'homme créa les dieux, de Joseph Béhé, 368 p., éd. Futuropolis, 35 €

Les fiancées du califat

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© Trévidic / Matz / Liotti / éd. rue de Sèvres

Un groupe de cinq femmes fanatiques sont prêtes à passer à l'acte sur le sol français. Téléguidées par un ancien «cadre» de Daesh réfugié dans les montagnes du Waziristan, elles vont néanmoins tenter de s'affranchir de l'ascendance des hommes sur leurs actions terroristes. Alors que de graves tensions apparaissent entre elles, de l'autre côté, un juge antiterroriste va être saisi après un premier attentat suicide-test réussi.

Co-scénarisé par Marc Trévidic, ancien juge d'instruction au pôle antiterroriste du Tribunal de Grande Instance de Paris, et Matz, cet album dessiné par Giuseppe Liotti, montre le terrorisme islamiste comme on ne l'a jamais vu : depuis l'intérieur mais surtout à travers le point de vue de ses femmes. On aperçoit également les lenteurs d'une justice française toujours en quête de nouvelles manières d'opérer efficacement. 64 pages qui s'avalent d'une traite, fortes d'un suspense digne d'un polar haletant.

Les fiancées du califat, de Marc Trévidic, Matz, Giuseppe Liotti, 64 p., éd. Rue de Sèvres, 15 €

Chroniques de jeunesse

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© Guy Delisle / éd. Delcourt

Cette fois, Guy Delisle a choisi de ne pas partir à l'autre bout du monde et retourne au contraire au coeur de son Québec natal. Avant de devenir le célèbre auteur des Chroniques birmanes, ou du guide du mauvais père, Guy Delisle fut un lycéen puis un étudiant québécois ayant besoin de gagner sa croûte pendant les vacances d'été. Direction donc l'usine de papier de la ville qui l'embauche chaque été.

Du haut de l'existence d'un jeune homme sans aucune expérience, on retrouve ce qui fait le sel des récits de cet auteur unique en son genre : le talent à raconter des existences «ordinaires» qui en disent beaucoup sur les illusions et desillusions de chacun, mais aussi les angoisses d'un âge charnière entre école et monde du travail. On rit et on frissonne parfois. Guy Delisle n'a rien perdu de sa superbe et on en redemande.

Chroniques de jeunesse, de Guy Delisle, 136 p., éd. Delcourt, 15,50€

Pacific Palace

Un hôtel surranné, un lac endormi et un Spirou qui regrette d'avoir fait engager Fantasio pour travailler à ses côtés. Ce dernier, frustré de ne plus être journaliste, ne manque pas une occasion pour agacer monsieur Paul, leur supérieur. Alors qu'une tempête menace, un dictateur déchu venu de l'Est, vient s'y réfugier avec son escorte, et sa fille, la très jolie Elena.

Alors que le célèbre groom est atteint en plein coeur par les flèches de Cupidon, Fantasio souhaite percer quelques secrets bien gardés du tyran et de ses proches... Christian Durieux qui a fait ses armes dans la BD Jeunesse, s'illustre dans un registre plus adulte depuis une quinzaine d'années. Avec Pacific Palace, le dessinateur se hisse au sommet de son art avec cette aventure de Spirou unique en son genre : l'auteur livre tout à la fois une romance onirique et un thriller politique au réalisme sombre. Un exercice de funambule de haute volée où l'ambiance prime peut-être encore plus sur l'intrigue.

Pacific Palace, de Christian Durieux, éd. Dupuis, 16,50€

A coeur ouvert

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© Nicolas Keramidas / Dupuis

Non, la tetralogie de Fallot n'est pas une nouvelle série en quatre épisodes, mais une grave malformation cardiaque, appelée autrefois la «maladie bleue». Manque de chance, Nicolas Keramidas nait avec cette pathologie. Opéré à coeur ouvert à l'âge d'un an, il doit subir à nouveau une opération une fois adulte. Ce sont ces épreuves que raconte l'auteur dans un exercice très éloigné de ses créations «habituelles» : l'ancien animateur de chez Disney est notamment connu pour avoir donné vie à des séries telles que «Tykko des sables», «Raowl» en compagnie de Tebo ou encore des albums décalés adaptés de l'univers Disney comme «Mickey's craziest adventures» à partir d'un scénario de Lewis Trondheim.

Une oeuvre autobiographique très touchante et forte d'un sacré recul sur ces épreuves traversées. Sans perdre l'humour qui caractérise son dessin, l'auteur y dévoile sans pudeur sa condition de «malade» et sa vision crue de l'hôpital. Pouce levé.

A coeur ouvert, de Nicolas Keramidas, Dupuis, 208 p., 17,50€

Yellow cab

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Chabouté / éd. Glénat / Vent d'Ouest

Le cinéaste et écrivain Benoît Cohen se lance dans une aventure inédite : devenir chauffeur de taxi à New-York pour nourrir le scénario de son futur film sur le sujet. Finalement, le destin de cette expérience passera par plusieurs étapes : si le projet du film est encore présent aujourd'hui, il est un temps abandonné pour donner vie à «Yellow cab», un livre paru en 2017 chez Flammarion (et désormais chez J'ai lu), qui est devenu une BD signée Christophe Chabouté en ce mois de janvier 2021.

Est-il utile de préciser que le noir et blanc de Christophe Chabouté magnifie ces paysages ô combien reconnaissables des avenues newyorkaises ? Reste au lecteur à se laisser embarquer dans les vissicitudes de ce chauffeur de taxi qui donneraient presque envie de redécouvrir la ville assis à sa place, dans ces courtes rencontres que permet un trajet en taxi. En cette période où le lien humain est mis à mal par la pandémie, il est délicieux de redécouvrir l'être humain dans ce qu'il a de plus ou moins beau. Il faut dire qu'à l'arrière du taxi de Benoît Cohen/Christophe Chabouté, on se sent bien, de quoi prendre le temps d'admirer, simplement.

Yellow cab, de Chabouté, éd. vent d'ouest, 168 p., 22€

Un papa, une maman, une famille formidable (la mienne !)

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© Florence Cestac / éd. Dargaud

Tout commence par un coup de foudre entre une jeune femme élevée «au cul des vaches» et un fils de bonne famille issu de la bourgeoisie provinciale. Malgré les réticences de cette dernière, ils se marièrent et eurent beaucoup d'enfants, c'est-à-dire trois. Florence Cestac sera la deuxième. Son père tyrannise toute la fratrie, heureusement prise en main par leur mère, femme lumineuse et joyeuse qui saura égayer le quotidien du trio.

Avec cet album tout simplement éblouissant de drôlerie et de justesse, Florence Cestac clôt son aventure autobiographique avec autant de talent que d'habitude (doit-on revenir là dessus ?), entre coup de crayon vif et un sens de l'autodérision toujours aussi aigu. En soixante pages, le Grand Prix de la ville d'Angoulême (2000), se livre sur son rapport à cette famille profondément patriarcale et ce que cela a engendré chez elle. Depuis les débuts de son existence jusqu'à sa consécration artistique, le lecteur découvre la jeunesse de l'autrice : une pension tenue par des bonnes soeurs, le poids d'une éducation où la seule planche de salut d'une fille était le mariage, la chape de silence sur des évènements traumatisants, et enfin son échappée vers des études artistiques, ses copains hippies exécrés par un père rétrograde, ses débuts en couple avec Etienne Robial (avec qui elle fondera Futuropolis).

Sans jamais se départir de son sourire en coin, l'autrice de «Des salopes et des anges» (Dargaud, 2010) signe au final un vibrant plaidoyer pour l'humour et l'art qui ont su la sauver des carcans familiaux. Et si Daniel Pennac signe ici une préface - très touchante -, ce n'est certainement pas un hasard.

Un papa, une maman, une famille formidable (la mienne !), éd. Dargaud, 60 p., 14,50 €

Sur un air de fado

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© Barral / Dargaud

1968, Estoril. Salazar, le dictateur portugais vieillissant, est victime d'une lourde chute. Son régime et la terreur qu'il impose s'essouffle. Il faudra pourtant attendre six ans pour que la «révolution des oeillets» renversent le pouvoir en place. Pendant ce temps là, à Lisbonne, Fernando Pais, pratique son métier de médecin du mieux qu'il peut, soignant les hommes de la police comme les enfants de l'Alfama. Sa femme, elle, opposante à la dictature, est parvenue à s'exiler à Paris. C'est la rencontre avec un enfant insolent qui poussera le «doutor» à réveiller sa conscience.

Pour sa première bande dessinée en solo, le dessinateur Nicolas Barral («Dieu n'a pas réponse à tout», «Les ailes de plombs»...) ne choisit pas la facilité et plonge au plus profond du sentiment d'engagement dans cette période ô combien trouble de l'Histoire portugaise. Dans un style réaliste, l'auteur jongle avec les souvenirs du héros et son présent pour toucher de près au sentiment d'éveil. Autour du «doutor», évoluent des personnes plus ou moins résistantes, depuis celles qui sont paralysées par la peur à celles qui ont versé du côté de l'oppresseur. Pas de jugement, mais 160 pages dominées par les sens : on entend la musique nostalgique du fado, on y voit la lumière si particulière de Lisbonne, et on y ressent le désir, la peur ou encore la douleur de tous. Pour une première, Barral fait très fort. Vivement la deuxième.

Sur un air de fado, éd. Dargaud, 160 p., 22,50€

Le plongeon

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© Vidal / Pinel / Bamboo

Yvonne, 80 ans, vient de revendre sa maison. Son projet ? Intégrer un Ehpad pour y finir ses jours. Très réticente à l'idée de devoir quitter le lieu où elle a aimé, fondé une famille, regardé ses enfants grandir, et vu son mari s'éteindre, elle se résigne néanmoins. Dans ce lieu propice à la morosité et au laisser-aller, elle y rencontre néanmoins quelques personnages plus ou moins sympathiques, et notamment un homme qui lui fera renouer avec le désir et la tendresse.

Que ceux qui croient pouvoir pleurer sur le sort d'une vieille dame mignonne, passez votre chemin. Ici, il s'agit d'humains, dans toute leur diversité. Et ce n'est pas parce qu'on est vieux qu'on est seulement gentil, baveux, dément ou méchant. Auteure notamment pour la jeunesse, la scénariste Séverine Vidal se penche sur un cheminement : celui d'une femme qui décide de vivre jusqu'au bout tout en sachant qu'elle est là pour mourir. Un album plein de subtilité et d'empathie. Et en ce moment, on en a bien besoin.

Le plongeon, de Séverine Vidal et Victor Lorenzo Pinel, éd. Bamboo/Grand angle, 17,90€

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