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Le nouveau roman de Leïla Slimani nous plonge dans son univers d'écrivain

[© Lionel BONAVENTURE / AFP]

Leïla Slimani, prix Goncourt 2016 pour «Chanson douce», revient en ce début d'année avec son livre «Le parfum des fleurs la nuit» aux éditions Stock. Un récit intime dans lequel elle révèle ce qui l'anime en tant qu'auteure.

Que diable allait-elle faire dans cette galère ? C’est ce que pense Leïla Slimani, après avoir accepté la proposition d’une convaincante éditrice de passer la nuit, au milieu des collections d’art contemporain du musée de la Pointe de la Douane à Venise. Or l’art contemporain, elle n’en a que faire.

Reste l’expérience de l’enfermement, fantasme de la romancière. Car être écrivain, explique-t-elle, c’est renoncer aux autres, constamment et de manière déchirante. Il faut alors s’isoler, s’astreindre à une discipline ascétique. Garder les plaies ouvertes, les raviver parfois, pour créer un univers au bout duquel se trouve la liberté absolue. Celle d’être qui l’on veut, sans entrave, et de donner vie à ses personnages. Se retirer pour finalement embrasser le monde. Entre le dedans et le dehors, tout est affaire de balancement. 

ECRIRE POUR FAIRE VIVRE LES FANTÔMES DU PASSÉ

Mais quand même, dans les salles de ce musée, Leïla Slimani se souvient qu’elle est ici pour écrire un texte. Pas cliché, si possible.

Alors elle s’aventure, au milieu des œuvres, et découvre un sol recouvert de poudre pailletée ou un rideau en billes de plastique rouge. Et les souvenirs reviennent alors, ceux de son enfance à Rabat, au Maroc. L’épicerie dans laquelle elle achetait des caramels avec sa petite sœur était dotée d’un rideau semblable. Plus loin, l’odeur d’une plante exposée, le galant de nuit, « mesk el arabi », la ramène à celui qui trônait à l’entrée de la maison familiale : « Les voilà mes revenants ».

Il n’y a semble-t-il que l’écriture pour retrouver les sensations passées et faire corps avec ses fantômes, les incarnant à travers les mots.  

ECRIRE POUR RÉPARER LES INJUSTICES

Parmi ces fantômes, il en est un qui se rappelle sans cesse à elle : son père. Incarcéré après avoir été pris dans un scandale de détournement de fonds, il meurt en sortant de prison lorsque l’écrivaine a 21 ans.

Quelques années plus tard, il est reconnu innocent. « Souvent, je pense qu’il me faudrait remercier mon père d’être mort. En disparaissant, en s’effaçant de ma vie, il a ouvert des voies que, sans doute, je n’aurais jamais osé emprunter en sa présence. ». Celles de la rage née du sentiment d’injustice, du désir de vengeance.

Le besoin d'écrire se fait urgent pour réparer. Grâce à ses personnages aussi, qu’elle cherche continuellement à défendre, avec leurs failles, sans jugement. Les passages dans lesquels la romancière évoque l’absence de son père et leur relation inachevée figurent ainsi parmi les plus touchants. 

Dans cette « Nuit au musée », Leïla Slimani compose avec le manque et fait parler les silences. « Le parfum des fleurs la nuit » laisse une délicieuse sensation de volupté, à l’image de Venise, qu’au lever du jour, on quitte avec regret. 

Le parfum des fleurs la nuit, Leïla Slimani, 128 p., Editions Stock, 18€

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