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Confinement : les maisons d'édition surchargées par l'envoi de manuscrits

Les éditions Gallimard se sont fendues d'un tweet pour demander la suspension des envois de manuscrits. [© STEPHANE DE SAKUTIN / AFP]

Est-ce sous l'effet du confinement que les Français - déjà très portés sur la plume - se sont jetés corps et âme dans l'écriture ? Face à l'afflut de propositions, les maisons d'édition, en premier lieu Gallimard, se voient dans l'obligation de stopper leur prise en charge de nouveaux manuscrits à éditer.

Le célèbre éditeur de la collection Blanche a donc fait savoir sur Twitter que le flot de textes à lire devenait trop important pour pouvoir sérieusement les étudier, et déceler parmi eux l'éventuel futur prix Goncourt : «Compte tenu des circonstances exceptionnelles, nous vous demandons de surseoir à l'envoi des manuscrits. Prenez soin de vous et toujours bonnes lectures à tous.» a expliqué la maison de la rue Gallimard. 

Pourtant, années après années, le nombre de lecteurs en France diminue, lentement, mais inexorablement. Seuls les différents confinements et mesures de restrictions les ont poussé à tourner un peu plus les pages d'un roman que d'habitude, mais ont visiblement eu pour effet - sorte de catharsis ou d'occasion unique - de susciter l'envie d'écriture. 

Alors même que depuis mars 2020, les librairies - un temps considérées comme non essentielles - ont fermé à deux reprises, au printemps et à l'automne, et que les agendas de publication des éditeurs ont été très perturbés, à l'instar de ce qui se passe au cinéma. Obligeant ainsi à des reports de sorties, avec un embouteillage déjà en cours cette année. Du côté de chez Gallimard toujours, la collection Blanche affiche cinq premiers romans sortis en janvier, deux en mars, et deux en avril. Les places sont donc très chères pour devenir le prochain Houellebecq. 

Interrogé par l'AFP, l'éditrice de Gallimard Gabrielle Lécrivain a justifié ce message de temporisation par le volume quotidien de réception de manuscrits, qui a presque doublé : «Nous tenons à accorder la même attention à tous les manuscrits que nous recevons [...] C'est un travail considérable qui demande de la minutie et de la disponibilité d'esprit. C'est pour toutes ces raisons que nous avons demandé de suspendre, tout a fait momentanément, l'envoi des manuscrits», explique-t-elle.

Une occasion de renouveler le catalogue

Chez les autres éditeurs, le même son de cloche se fait entendre, même si tous ne stoppent les réceptions : «Nous et d'autres éditeurs, nous avions mis un message sur le site internet pour demander d'attendre avant d'envoyer un manuscrit. Je m'attendais à un tsunami quand on l'a enlevé pour le déconfinement. Il n'a pas eu lieu, mais il y a un certain rattrapage actuellement», a ainsi expliqué à l'AFP Laure Belloeuvre, du service des manuscrits du Seuil.

Alors que traditionnellement, le Seuil reçoit environ 3.500 manuscrits par an, il n'aura fallu que trois mois, entre janvier et mars, pour en réceptionner 1.200. Pour Laure Belloeuvre, toujours citée par l'AFP, cette hausse en volume, coronavirus ou pas, s'explique par la facilité d'accès aux outils d'écriture. Alors qu'auparavant, la passion de la lecture et de l'écriture étaient liées, ça n'est désormais plus le cas : «Maintenant que tout le monde sait se servir d'un ordinateur pour écrire, nous voyons des gens qui écrivent et dont nous sentons qu'ils ne lisent pas», précise-t-elle.

Tous ne voient pas ce phénomène d'un mauvais oeil. Pour Jeanne Grange, du service des manuscrits aux Editions de L'Olivier, «on dépassera les 2000 manuscrits cette année, au lieu de 1.500 d'habitude. A deux éditrices pour les éplucher, on ne peut pas tout lire en entier, c'est certain. Mais je ne dissuaderais jamais personne. La vitalité d'un éditeur se voit au renouvellement de son catalogue». 

Même philosophie du côté de chez Grasset : «nous, on ne coupe pas le robinet. On a des programmes ultrachargés, et on ne peut quasiment rien prendre qui vient de la Poste : un ou deux titres par an», explique Juliette Joste, éditrice chez Grasset.

Alors que le Salon du livre est annulé depuis deux saisons maintenant, comme beaucoup d'autres salons littéraires, il manquera surtout aux maisons d'édition les traditionnels rendez-vous qui permettent d'attirer les lecteurs, même occasionnels, à la rencontre des nouveaux auteurs qui seront nés pendant les confinements. 

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