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Annulations, maintiens... Comment les organisateurs de concerts gèrent les nouvelles mesures ?

Les professionnels déplorent ces restrictions, se sentant « punis » malgré le respect total des mesures © THOMAS COEX / AFP

« Nos salles de spectacle ont été anesthésiées. » Arnaud Monnier, le directeur de l’EMB Sannois, est catégorique. Sa réaction intervient alors que les concerts debout sont à nouveau interdits depuis ce 3 janvier.

Face au raz-de-marée de contaminations au variant Omicron, c’est ce qu’a annoncé le gouvernement le 27 décembre dernier. Concernant les concerts assis, une jauge de 2000 personnes est à respecter. « Nos salles de spectacle sont par essence des lieux vivants. En concert le public est libre de réagir comme il l’entend. Le contraindre est un non-sens », rajoute le directeur.

Les professionnels du secteur – qu'ils soient programmateurs de concerts, directeurs de lieux, tourneurs, éditeurs ou encore attachés de presse – ont dû s’adapter une nouvelle fois. « Nous sommes dans une obligation de réactivité permanente », affirme Arnaud Monnier. Fermeture totale ou partielle, adaptation en jauge assise, télétravail des équipes, annulations et reports des concerts et résidences, remboursement des billets... Les mesures ont été nombreuses et successives depuis la première vague de Covid. L’EMB, « comme toutes les salles de spectacle, a subi de plein fouet toutes ces vagues de décisions gouvernementales », et elle n’est pas la seule. Toutes ont dû s’adapter dans l’urgence, quel que soit le type de structure.  

80 % des dates annulées 

Malgré la meilleure réactivité possible, de nombreux concerts ont été reportés ou annulés au fil des mois. Les chiffres évoqués par Aurélien Jobard, programmateur du Supersonic (salle de concert située à Bastille, ndlr) depuis 2016, parlent d’eux-mêmes : « 80% des dates programmées ont été annulées et seulement 20% reportées. Le problème c'est qu'il y a des dates déjà reportées quatre fois, et aujourd'hui on ne sait même pas si elles pourront avoir lieu. » Si le Supersonic a la spécificité d’avoir « une force de réaction ultra rapide, vu que l'entrée est gratuite, et un gros public qui suit », c'est un cas relativement unique dans le monde du spectacle. En effet, la majorité des salles fonctionnent sur un système de billetterie, exigeant une logistique rodée et une temporalité particulière. « Le principal problème c'est l'embouteillage... Par exemple le Supersonic est plein de mars à juin. Les groupes et tourneurs me demandent des disponibilités sur ces mois-là mais c'est complet de chez complet donc on regarde plutôt sur la rentrée de septembre 2022. Paradoxalement, je n'ai jamais eu autant de dates programmées à l'avance. » 

Aurore Voisin, tourneuse chez W Spectacle, a également pleinement fait face à ces difficultés. « Pendant un an et demi, on a fait un travail qui n’a été qu’un travail d’annulation et de reports, sans aucune visibilité sur le moment où l’activité allait pouvoir reprendre. » Un flou particulièrement dur pour les artistes dont elle gérait les tournées : « C’est assez terrible de stopper une activité live pendant aussi longtemps. On met beaucoup de sens dans la manière de construire les choses, on a des stratégies, des manières de positionner les artistes sur telle ou telle scène à tel moment, et là comme tout a été bousculé il y avait des incohérences. Reporter trois mois après à la rigueur, mais un an et demi après on en vient à annuler, et c’est forcément très triste. »  

Une autre principale difficulté est la perte de confiance des publics. « Ça ne crée par un climat de confiance pour le public, les gens achètent des billets mais ne savent plus où ils en sont, développe Christian Allex, programmateur indépendant depuis 2010 et directeur de la boîte Timon Samplar. On avait commencé à regagner la confiance du public, depuis l'automne, les gens avaient leurs masques mais il y avait une super ambiance, puis ça repart... »  

La Culture, particulièrement défavorisée ? 

Les professionnels déplorent ces restrictions, se sentant « punis » malgré le respect total des mesures et les adaptations nombreuses. Christian Allex affirme : « Cette nouvelle mesure, je la trouve un peu délétère et injuste. On a des pratiques rodées maintenant, on a bien bossé depuis 2020, pour sécuriser l'accès des publics et des groupes. Les gens jouent le jeu, et là on rajoute une source d'angoisse. Parce que dès qu'on commence à fermer des salles, ça allume une lumière rouge dans la tête des gens qui sont déjà angoissés par la situation. » Un avis partagé par Aurore Voisin : « On a suivi à la lettre tout ce qui nous a été demandé, tous les efforts, et c’est toujours un peu révoltant de faire en sorte que tout se passe bien et qu’au final tu restes en galère. »  

De plus, le secteur culturel serait une nouvelle fois défavorisé. Arnaud Monnier, de l’EMB Sannois, trouve la situation injuste. « Pourquoi les rassemblements au sein des lieux de culte et des meetings politiques restent autorisés ? Les gens sont pourtant regroupés et se lèvent dans ces espaces collectifs alors que les autorités imposent une jauge assise au sein des salles de concert ! Ces décisions sont discriminantes pour les lieux culturels. » Un avis partagé par Aurélien Jobard, pour qui la définition même de Culture pose problème chez le gouvernement. « Pour eux, la culture ça serait le cinéma, le théâtre, les musées, la musique classique... Mais ce n'est jamais les concerts de musiques actuelles. On a l'impression d'être les mauvais élèves et d'être en permanence montrés du doigt, alors qu'on représente au final une micro marge de la société. Mais a priori, les meilleurs copains du covid seraient les boîtes de nuit, la fête et les concerts... » 

Désabusés mais optimistes

Néanmoins, tous essayent de rester optimistes quant à la reprise de l’activité. « J’imagine qu’on sera très nombreux à être triplement vaccinés d’ici février-mars donc j’ose espérer que ça continue à nous protéger », espère Aurore Voisin. « À mon avis le gouvernement va attendre que les chiffres de contaminations par jour baissent pour relâcher un peu la pression sur nos salles, et janvier et février seront relativement gâchés, rajoute Christian Allex. Mais on refera la fête en mars! » Le rendez-vous est donné.  

 

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