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Anne Parillaud : « On me reconnaît plus par ma voix que par mon visage»

L'actrice et désormais romancière était membre du jury du Prix de la création sonore cette année.[© YesICannes]

Anne Parillaud, l'inoubliable «Nikita» du film de Luc Besson, était cette année à Cannes, en qualité de membre du jury du «Prix de la création sonore». L'occasion de rencontrer l'actrice - et désormais romancière, avec la sortie de son livre «Les Abusés» (Robert Laffont).

De retour, en habituée, au Festival de Cannes, Anne Parillaud a cette fois endossé le costume de membre d'un jury, celui de la Meilleure création sonore, qui analyse et juge les films figurant dans la sélection «Un certain regard». Le prix a été décerné cette année le film «Corsage», de la réalisatrice autrichienne Marie Kreutzer. Un trophée qui permet, selon Anne Parillaud, de promouvoir l'aspect d'un long métrage que l'on ne remarque trop souvent que quand il est défaillant. 

Vous avez accepté d’être membre du jury du prix de la création sonore 2022. Est-ce, entre autre, parce que vous avez un timbre de voix identifiable entre mille ?

Pas vraiment. Cependant, c'est exact qu’on me reconnaît par ma voix, plus que par mon visage… Pendant très longtemps, je n’ai pas aimé cette voix, alors que maintenant je sais que c’est une marque de reconnaissance que les gens aiment. J’ai souvent eu l’impression qu’elle me trahissait. Je la souhaitais avec une certaine profondeur, alors que c’était plutôt une voix de tête, aiguë, qui ne correspondait pas du tout à ce que j’étais. D’une certaine manière je lui en ai voulu. Aujourd'hui, à force d’être associée à elle, je l’assume.

Pouvez-vous nous en dire plus sur ce prix, présidé cette année par Christophe Barratier? En tant qu’actrice, avez-vous une appétence pour déceler la qualité du son dans un film, au-delà de la musique?

Comme beaucoup d’autres choses au cinéma, on ne réalise pas vraiment la qualité de cet élément. On ne s’en rend compte que s’il est défaillant. Si un son n’est pas dans l'exactitude de l’émotion que la scène vous propose, on va le remarquer. Le son est fondamental. On peut regarder un film et en être ému malgré une image un peu médiocre ou peu travaillée. À l’inverse, un mauvais son dissipe totalement la concentration. Une musique trop présente, trop puissante, des sons trop agressifs, des timbres de voix qui détonnent peuvent faire décrocher le spectateur. 

Le prix que l’on a remis au film «Corsage» englobe tout ça. Son approche sonore est d’un rare équilibre, restituant la qualité des timbres de voix, l’atmosphère d’époque, le degré des respirations et des silences tout autant que les compositions musicales.

Dans cette édition 2022 du festival, tous les films étaient candidats à ce prix ?

Ce sont uniquement les films qui font partie de la sélection «Un Certain Regard». C’est une sélection particulière, car ce sont souvent des films plus audacieux, plus courageux, avec des thèmes plus lourds. Il y a des vraies mises en abîme, des prises de risque. Ce sont des œuvres qui questionnent et font réfléchir, en témoignant de l’état des lieux d’un monde. J’ai déjà été membre ou présidente de jury de festival où je pouvais regarder 3 ou 4 films à la suite ; Cannes c’est différent : la sélection y est puissante. Au bout de 2 films, on est chahuté.

Justement, quels souvenirs avez-vous de vos précédentes venues sur la Croisette ?

Je suis venue souvent à Cannes, à chaque fois avec une raison différente. L’idéal pour moi est d’y venir en étant membre d’un jury. On fait partie d’un protocole officiel, où tout est proposé, organisé, sans avoir à redouter les angoisses de la compétition ou d’un rejet éventuel… Le Graal étant de faire partie du jury de la compétition officielle. Ma première venue ? Je devais avoir 16 ans, au moment du film «L’Hôtel de la plage» de Michel Lang (1978). Récemment on m’a envoyé une photo de cette époque qui m’a replongée dans mes souvenirs. Puis j’ai été en compétition avec «Sex is comedy» de Catherine Breillat à la Quinzaine des Réalisateurs… J’ai également monté les marches en sélection officielle hors-compétition pour «L’Homme au masque de fer» avec Leonardo DiCaprio (1999), auparavant avec «Le Grand Bleu» ainsi qu'à diverses occasions... 

Il faut détecter l'essentiel pour se sentir vivant et être heureux de l'être.

Régulièrement, il y a un événement qui me ramène au festival. C’est la fête du cinéma, de la magie et de la folie. Il y a une émulation, un désir, une conscience du moment présent, d’autant plus avec ce contexte, entre Covid et guerre en Ukraine. Il faut profiter, détecter l’essentiel à chaque fois pour se sentir vivant et être heureux de l’être.

«L'Hôtel de la plage», c’est un des premiers émois de cinéma pour nombre d’adolescents à sa sortie ?

Je le découvre. Avec la sortie de mon roman «Les Abusés» (Robert Laffont), je suis invitée dans de nombreux salons littéraires où je rencontre les lecteurs comme les spectateurs. «L’Hôtel de la plage» a été marquant, comme un témoignage sur pellicule de la vie des Français à cette époque.

Dans «Nikita», vous avez interprété un rôle culte et iconique que toutes les actrices du monde rêveraient d'incarner. Vous avez tourné avec des réalisateurs de prestige et très divers, d'Ettore Scola à Catherine Breillat, de John Landis à Claude Lelouch, d'Amos Gitaï à Diane Kurys, d'Olivier Marchal à Alain Delon…On vous a aussi applaudie au théâtre, croisée à la télévision. Aujourd’hui enfin, on vous découvre romancière. A quand Anne Parillaud réalisatrice ?

Ça se précise ! Je ne fais les choses ni par plaisir ni par désir, mais par besoin. Je pense que la reconnaissance et le succès de mon livre m’ont permis de me sentir légitime pour une future réalisation et pour assumer le regard différent que j’ai d’un thème. J’avais besoin de me prouver cette capacité d’aller jusqu’au bout de mes idées et d’être reconnue pour ça. Mon désir est de réaliser mon premier film en incarnant ce roman et ce personnage.

Parlez-nous «des délices de l’écriture», cette formule singulière, presque gourmande que vous avez déjà évoquée en interview...

C’est autant une jouissance qu’une souffrance qui elle-même, peut très bien faire partie de ces délices ! L’écriture est un écartèlement entre les deux, c’est une introspection, une réflexion, un moment d’isolement profond, une rencontre avec soi-même. Ça ouvre des gouffres incroyables et inconnus, et en même temps ça en comble d’autres.

L'écriture permet de se positionner hors du monde réel.

Les délices de l’écriture sont une échappatoire, un moyen de vivre dans un monde parallèle, à la liberté totale qui comble un imaginaire. J’ai mis 6 ans à écrire ce roman, enfermée... Pourtant elles ont été des années d’une rare intensité, que j’ai envie de revivre. J’ai besoin d’écrire les choses, puis de les incarner, sinon j’ai l’impression de ne pas les avoir vécues jusqu’au bout. C’est très addictif.

Vous avez parlé de votre expérience, manipulatrice et rude, avec le réalisateur israélien Amos Gitaï, sur le film «Terre promise». Vous avez dit être prête malgré tout à tourner à nouveau avec lui ?

A l’instar d’un Claude Lelouch, qui laisse les acteurs dans un inconnu au niveau du scénario, pour retrouver la spontanéité, Amos Gitaï pousse ce procédé à son maximum. J’ai signé pour un personnage et un film, et personne ne m’a prévenue (lui en premier !), que rien n’existerait de ce que j’avais lu. Je lui en ai beaucoup voulu. C’est quelqu’un qui manipule l’acteur pour obtenir le résultat qu’il désire, alors que je pensais avoir suffisamment d’expérience pour pouvoir lui donner ce qu’il souhaitait. Je me suis sentie comme un objet plus que comme une artiste. Maintenant je comprends mieux ce processus, tandis que sur le tournage, ne me restait que la frustration. Mais j’ai apprécié Amos avant le tournage comme après... Aujourd’hui j’ai la clé de son fonctionnement. Tout comme un acteur, un réalisateur a parfois besoin de devenir ce qu’il filme. Dans mon parcours artistique, je considère que ce film, «Terre Promise» a été un palier, tout comme «Nikita» et «Sex is comedy». J’en sors aguerrie. 

Vous avez-tourné sur place, en Israël ?

Oui et j’ai pu découvrir ce pays, notamment grâce à la façon de procéder d’Amos, qui m’a laissée seule pendant un mois à Tel-Aviv sans travailler, sans voir personne, sans me prévenir qu'un chauffeur viendrait au bout de quelques semaines me faire visiter Jérusalem, le Mur des Lamentations, le Tombeau du Christ, le Mont des Oliviers… Tout un itinéraire touristique et historique, seule, jusqu’au moment où l'on est venu me chercher pour tourner de nuit dans le désert ! 

Des projets en tant que comédienne ?

Le théâtre est dans mes projets. Je suis cependant concentrée essentiellement sur l’adaptation de mon roman, qui va m’occuper pendant un long moment, de manière obsessionnelle. Je crois pouvoir être enfin mon propre Pygmalion - et avoir la confiance en moi nécessaire pour assumer ce que je sens et ce que je suis.  

(Propos recueillis par Laurent Gahnassia).

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