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Littérature : suspens, frisson, anticipation... 4 thrillers à lire d'urgence

«American Predator», «Jusqu’en enfer»...[©Sonatine, Le Cherche Midi, Fleuve Noir, Actes Sud]

Meurtres sanglants, histoire glaçante, enquête haletante... Voici une sélection de thrillers à suspens à lire cet automne pour frissonner et cogiter.

LE PLUS GLAÇANT : «AMERICAN PREDATOR», DE MAUREEN CALLAHAN

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©Sonatine

Ce récit criminel fait froid dans le dos. «American Predator» (éd. Sonatine), de Maureen Callahan, restitue le véritable parcours d’Israel Keyes, un des tueurs en série les plus terrifiants des Etats-Unis, et qui a sévi durant des années sur le territoire. L’écrivaine, également journaliste d'investigation, décrit avec une minutie chirurgicale le travail de recherche de la police locale et du FBI pour retrouver la trace de ce prédateur, marié et père d'une petite fille, exécuté en 1989 pour avoir assassiné de nombreuses femmes, qui semblait pourtant au-dessus de tout soupçon.

Une chasse à l’homme qui a commencé en février 2021, après qu’une jeune femme de dix-huit ans, Samantha Koenig, a disparu à Anchorage, en Alaska, après son service dans le stand de café. Maureen Callahan raconte aussi en détail la froide mécanique de ce tueur et violeur, qui s’est suicidé en 2012 dans sa cellule de prison en attendant son jugement, et a emporté dans sa tombe beaucoup de secrets, dont le nombre de ses victimes. Couronné du Grand prix de la littérature policière 2022, ce thriller réaliste ne décevra pas les passionnés de psychologie criminelle.

«American Predator», de Maureen Callahan, éd. Sonatine.

Le plus désopilant : «Des meurtres qui font du bien», de Karten Dusse

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©Le Cherche Midi

Au rayon premiers romans, c’est l’ouvrage de Karsten Dusse qui a retenu notre attention, à commencer par son titre : «Des meurtres qui font du bien» (éd. Le Cherche Midi). L’auteur allemand, avocat de profession, signe un livre à mi-chemin entre le thriller et le développement personnel. Un mélange audacieux, mais qui fonctionne. On suit Born Diemel, avocat du crime organisé, qui pour apaiser ses tensions et tenter de sauver son mariage décide de consulter un coach. Ce dernier va alors l’orienter vers la pleine conscience, «l’attention neutre entière portée à l’instant présent», et lui prodiguer des conseils pour retrouver sa paix inférieure, que le lecteur peut lui aussi appliquer au quotidien.

Mais Born Diemel doit défendre un mafieux dangereux, qui de surcroît va lui causer quelques problèmes, et peine à lâcher prise. Il va alors prendre une décision radicale : éliminer tout ce qui entrave sa sérénité, mais au sens propre. Découpé en 37 chapitres - «respirer», «déconnecter»…- ce thriller se révèle surprenant, et souvent désopilant. Et le ton est donné dès la première phrase : «Je ne suis pas quelqu'un de violent. Au contraire. Je ne me suis jamais battu de ma vie, par exemple. Et je n'ai tué mon premier homme qu'à quarante-deux ans. Ce qui, dans mon milieu professionnel actuel, est plutôt tardif. Bon, il est vrai qu'une semaine après, j'en étais déjà à presque six meurtres».

«Des meurtres qui font du bien», Karten Dusse, éd. Le Cherche Midi.

Le plus visionnaire : «jusqu'en enfer», de stephane marchand

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©Fleuve Noir

Après «Face Mort», l’écrivain Stéphane Marchand publie «Jusqu’en enfer» (éd. Fleuve noir), un thriller d’action, nerveux, bien ficelé et trépidant qui embarque le lecteur au cœur des services secrets français. L’auteur renoue avec son héroïne, Maxime Barelli, capitaine au sein des forces spéciales, qui force le respect. En mission en Syrie, cette dernière découvre que des terroristes consomment une nouvelle drogue surpuissante, une drogue de la sauvagerie. Pendant ce temps, à Paris, le lieutenant de police Yann Braque enquête sur la mort d’une femme dont le crâne a implosé alors qu’elle se livrait à un jeu sexuel en ligne avec un casque de réalité virtuelle.

On apprend ensuite qu’une unité de paras français est assassinée dans une forêt africaine. A priori rien ne semble relier ces événements, et pourtant. Maxime Barelli et Yann Braque vont unir leurs forces pour faire la lumière sur l’origine de cette violence et de cette haine qui déferlent sur le monde. L’auteur évite les clichés et tisse une intrigue tendue. Celle-ci nous invite à questionner notre futur, la manipulation des cerveaux, le transhumanisme, ou encore le pouvoir des nouvelles technologies. Ce qui rend cet ouvrage d’autant plus terrifiant, c’est que l’on ne peut pas s’empêcher d’imaginer que ce scénario angoissant puisse devenir un jour réalité.

«Jusqu'en enfer», Stephane Marchand, éd. Fleuve noir.

le plus social : «Chien 51», de Laurent Gaudé

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© Actes Sud

Le temps où la littérature de genre, la Fantasy et la science-fiction avant tout, était considérée comme une distraction de seconde zone, à peine portée par quelques grands noms, est désormais révolu. Avec son nouveau roman Chien 51, paru chez Actes Sud, le prix Goncourt 2004 (Le soleil des Scorta) Laurent Gaudé en apporte une preuve supplémentaire. Première incursion pour ce féru de théâtre dans le roman d’anticipation, son récit plonge le lecteur dans un futur qu’on devine proche, alors que la planète est désormais sous la coupe de consortiums surpuissants qui se partagent les nations en faillite comme on se jette sur une proie affaiblie.

Un symbole, c’est sur le lieu de naissance de la démocratie, dans sa Grèce natale, que le héros Zem Sparak va expérimenter la violence et l’oppression de ces corporations devenues plus puissantes que les Etats. Sous ses yeux, Athènes se transformera en bain de sang à l’heure de son rachat par l’une d’entre elles, Goldtex. Désormais exilé dans une cité tentaculaire baptisée Magnapole, divisée en 3 zones imperméables reproduisant les inégalités, Zem Sparak n’a plus que ses séances sous hypnose chimique pour se rappeler aux bons souvenirs du pays de sa jeunesse. Vivotant entre quatre murs bardés d’une technologie aussi inutile qu’oppressante, ce policier déclassé est désormais le «chien 51», limier de la Zone 3 de la ville chargé de faire la jonction entre les forces de l’ordre et le bas peuple qui tente de survivre, entre pluies acides, chaleur écrasante et trafics en tous genres.

Quand il va être appelé à collaborer avec Salia Malberg, inspectrice de la zone 2, pour enquêter sur un corps découpé et abandonné, ses idéaux de justice et de liberté trop longtemps enfouis vont refaire surface. Pourquoi ce cadavre a-t-il été dépecé de ses implants technologiques, rarissimes et capables de prolonger la vie ? Pourquoi l’élite de la zone 1 voit d’un mauvais œil ce tandem travailler main dans la main ?

Pour son premier roman noir d’anticipation, Laurent Gaudé coche touts les cases du genre : critique sociale, vision d’un futur déjà à l’œuvre actuellement, technologie moins libératrice qu’il n’y parait, et héros écorchés et attachants en lutte contre une élite qui utilise les petits pour ses luttes de pouvoirs. Avec ses phrases courtes qui poussent le lecteur à dévorer le livre, l’auteur nous plonge dans une ambiance proche de Blade Runner et son univers usé, individualiste, corrompu et saturé de mensonges. Un solide récit qui se lit d’une traite, et ou l’intérêt de l’intrigue le cède à celui du contexte. Mêlant habilement ce qui est et ce qui va arriver, il dresse un constat glaçant de l’avenir de nos sociétés, dont certains rouages néfastes sont déjà à l’œuvre.

«Chien 51», Laurent Gaudé, Ed. Actes Sud

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