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«Armageddon Time» : que vaut le nouveau film de James Gray ?

Avec «Armageddon Time», en salles ce mercredi 9 novembre, le réalisateur new-yorkais James Gray signe une œuvre intime et en grande partie autobiographique, dans le Queens de son enfance. Un récit brillamment interprété, qui dissèque l’Amérique et reprend les thèmes de prédilection du cinéaste.

Après s’être aventuré dans la jungle amazonienne pour «The Lost City of Z» et mis Brad Pitt en orbite dans «Ad Astra», James Gray voulait «rentrer à la maison», dans le but de «faire un film le plus personnel possible». C’est donc dans le quartier de Flushing, dans le Queens, que le réalisateur new-yorkais de 53 ans a posé sa caméra pour tourner son nouveau long-métrage, «Armageddon Time», sur les écrans ce mercredi 9 novembre. 

Nous sommes en 1980. L'Amérique s’apprête à basculer dans l’ère reaganienne. Et on y découvre Paul Graff qui fait sa rentrée en sixième dans une école publique du quartier. Plus enclin à faire rire ses camarades qu’à étudier, ce doux rêveur passionné de musique, de dessin et de cosmos, dénote avec l'éducation que souhaitent lui donner ses parents, juifs immigrés de la «middle-class», pour qui le travail et la méritocratie l’emportent sur les aspirations artistiques. Souffrant d’un complexe d’infériorité, ces derniers veulent à tout prix que leurs enfants fassent mieux qu’eux et s’élèvent socialement.

Pour échapper à son paternel, aimant mais mutique et violent, à sa mère dépassée par les événements, et à son frère aîné tyrannique, le jeune Paul trouve refuge auprès de son grand-père Aaron qui, au crépuscule de sa vie, l’encourage et valorise ses passions. Mémoire vivante de la Shoah, ce patriarche à la parole pleine de sagesse, n’hésite pas non plus à développer la conscience morale de son petit-fils. «Vise haut, sois bon, aies de la compassion, et n’oublie pas, tu es humain. N’essaie pas d’être parfait. Fais de ton mieux, mais n’accepte jamais l’intolérance et le racisme, et fais-toi entendre», lui rappelle-t-il.

la fin de l'insouciance et de l'innocence

Car Paul est témoin de l’injustice et du racisme ordinaire dont est victime son copain Johnny, avec qui il fait les 400 coups et qui n'aura jamais droit à une deuxième chance. Ce gamin afro-américain, qui vit seule avec sa grand-mère, est critiqué, pointé du doigt, mis à l’écart à cause de sa couleur de peau. Même les parents de Paul, qui revendiquent pourtant des valeurs progressistes et connaissent l’antisémitisme, tendent à penser qu’il y a «trop de Noirs» dans les écoles publiques. Ils iront même jusqu’à envoyer leur fils dans un établissement privé : la prestigieuse Kew-Forest School réservée aux élites et dont Fred Trump, père de Donald, fait partie du conseil d’administration. 

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Jaylin Webb et Banks Repeta (© 2022 Focus Features, LLC.)

Paul doit donc quitter Johnny. Cette séparation, il la vit comme «une fin du monde». Un «Armageddon» qui sonne la fin de l'innocence. «Le fait d’aller dans une nouvelle école, d’entendre le mot «nègre» proféré sans retenue, d’assister aux interventions de la famille Trump leur expliquant qu’ils n’avaient jamais été des privilégiés, quand c’est tout le contraire, tout ça le choque profondément», explique James Gray. Alors que les Américains vivent avec la peur d’une possible guerre nucléaire, Paul, lui, vit une révolution intérieure et prend conscience, selon le cinéaste, de «ce système construit sur l’illusion d’une société sans classes». 

Le rêve américain passé au scalpel

Avec «Armageddon Time», qui oscille entre récit initiatique, chronique sociale et drame politique, James Gray inscrit son histoire personnelle dans la grande Histoire des Etats-Unis, sur une bande-originale rythmée par Sugarhill Gang et The Clash. Le réalisateur égratigne le rêve américain et revisite ses thèmes de prédilection que sont le déterminisme social, le racisme, l’héritage familial et la perte du père.

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Anne Hathaway et Jeremy Strong (© 2022 Focus Features, LLC.)

Le tout dans une mise en scène s’inspirant d’«A la recherche du temps perdu», de Marcel Proust. «James voulait donner à son film cette impression (…) d’un lieu et de personnes qui ne sont plus, à travers la lumière et les mouvements de caméra. Il voulait que son film ait un peu l’air d’une histoire de fantômes», précise le directeur de la photographie, Darius Khondji. 

Ces fantômes sont remarquablement interprétés par Anne Hathaway, Jeremy Strong, révélé dans la série «Succession», et Anthony Hopkins, qui signe une performance magistrale après «The Father». Quant au jeune Banks Repeta, alter ego du réalisateur, et son acolyte Jaylin Webb, ils sont les révélations de ce drame sélectionné au 75e Festival de Cannes. 

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