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Accusations de couverture d'abus sexuels: le pape refuse de commenter

Le pape François (G), à côté du chef du service de presse du Vatican, Greg Burke, parle aux journalistes dans l'avion qui le ramène de Dublin le 26 août 2018 [Gregorio BORGIA / POOL/AFP] Le pape François (G), à côté du chef du service de presse du Vatican, Greg Burke, parle aux journalistes dans l'avion qui le ramène de Dublin le 26 août 2018 [Gregorio BORGIA / POOL/AFP]

Le pape François, accusé d'avoir sciemment couvert durant cinq ans le célèbre cardinal américain Theodore McCarrick soupçonné d'abus sexuels, a refusé de commenter les allégations d'un prélat conservateur italien qui faisaient lundi les manchettes internationales.

Un ex-ambassadeur du Vatican à Washington, l'archevêque Carlo Maria Vigano, l'accuse dans un texte de onze pages d'avoir sciemment ignoré durant son pontificat tous les signalements sur les agissements du cardinal américain présenté comme un prédateur sexuel notoire jetant son dévolu sur des jeunes séminaristes et prêtres.

"Je ne dirai pas un mot là-dessus. Je pense que le communiqué parle de lui-même", a dit le souverain pontife, interrogé dimanche soir par des journalistes dans l'avion qui le ramenait à Rome.

L'affaire a éclaté dimanche au second jour de son voyage en Irlande, déjà presque entièrement focalisé sur les nombreux abus sexuels passés du clergé dans ce pays.

"La corruption a atteint le sommet de la hiérarchie de l'Eglise", affirme Mgr Vigano en énumérant une longue liste nominale au sommet du Vatican.

"En cohérence avec le principe proclamé de tolérance zéro, le pape François devrait être le premier à donner le bon exemple aux cardinaux et évêques qui ont couvert les abus de McCarrick et démissionner avec eux", estime l'archevêque italien.

Le texte dénonce non seulement "la culture du secret" dans l'Eglise mais aussi "le courant homosexuel" qui prévaudrait dans les plus hautes instances du Vatican.

"Les réseaux homosexuels présents dans l'Eglise doivent être éradiqués" car "ils étranglent des victimes innocentes et des vocations sacerdotales", écrit Mgr Vigano.

Chez les catholiques ultra-conservateurs, le pape est vu comme un dangereux progressiste s'intéressant davantage au social qu'aux questions traditionnelles de l'Eglise.

Ils sont notamment hérissés par son appel à accueillir avec miséricorde les gays et transgenres dans les paroisses. Même si François reste parfaitement en ligne avec le dogme de l'Eglise sur les questions de sexualité et de mariage hétérosexuel et n'a pas changé le catéchisme officiel, qui qualifie l'homosexualité d'acte "désordonné".

Ses déclarations de dimanche soir sur l'homosexualité ont d'ailleurs suscité les attaques des associations de défense des droits LGBT en France, qui ont dénoncé ses propos "irresponsables".

- Homosexualité et psychiatrie -

Interrogé sur ce qu'il dirait à des parents constatant des orientations homosexuelles chez leurs enfants, le pape a évoqué un recours à "la psychiatrie".

"Quand cela se manifeste dès l'enfance, il y a beaucoup de choses à faire, par la psychiatrie, pour voir comment sont les choses. C'est autre chose quand cela se manifeste après vingt ans", a-t-il estimé.

Le Vatican a retiré lundi cette référence à la "psychiatrie" dans le compte-rendu officiel de la conférence de presse du pape.

"Pour ne pas altérer la pensée du pape", a expliqué à l'AFP une porte-parole du Vatican. "Il n'avait pas l'intention de dire qu'il s'agissait d'une maladie psychiatrique, mais que peut-être il fallait voir comment sont les choses au niveau psychologique", a-t-elle ajouté.

Mgr Vigano, 77 ans, qui fut nonce à Washington entre 2011 et 2016, affirme que Benoît XVI avait imposé des sanctions canoniques au cardinal McCarrick vers 2009-2010 après des années de rapports alarmants. McCarrick devait quitter le séminaire où il vivait, éviter tout contact public et vivre une vie de pénitence, affirme-t-il.

L'archevêque raconte avoir été interrogé par le nouveau pape François peu après sa prise de fonction, en juin 2013, sur la personnalité de McCarrick.

"Saint-Père, je ne sais pas si vous connaissez le cardinal McCarrick, mais si vous demandez à la Congrégation pour les évêques, il y a un dossier grand comme ça sur lui. Il a corrompu des générations de séminaristes et de prêtres et le pape Benoît lui a imposé de se retirer (pour se consacrer) à une vie de prière et de pénitence", a répondu Mgr Vigano, selon ses dires.

Il estime que le pape a annulé de fait les sanctions de son prédécesseur, prenant notamment le prélat américain comme conseiller sur des nominations de cardinaux.

Plusieurs cardinaux américains se sont défendus lundi face aux accusations de Mgr Vigano. Parmi eux, le cardinal Donald Wuerl de Washington, ex-évêque de Pennsylvanie, a affirmé dans un communiqué qu'il n'avait jamais été informé de sanctions qu'aurait prises Benoît XVI contre le cardinal McCarrick.

Le président de la conférence des évêques américains, le cardinal Daniel DiNardo de Houston, a déclaré que les accusations de Mgr Vigano renforçaient la nécessité d'un examen "rapide et complet" sur les raisons pour lesquelles "les graves erreurs morales d'un frère évêque (McCarrick, ndlr) avaient pu être tolérées pendant si longtemps et ne pas entraver son avancement".

Le cardinal McCarrick, 88 ans, a été accusé fin juillet d'abus sexuels et il lui a été interdit d'exercer son ministère, un scandale qui a ébranlé la hiérarchie de l'Eglise catholique américaine. Le pape a aussi accepté sa démission de son poste de cardinal, un fait quasi-inédit dans l'histoire de l'Eglise. Le vieil homme devra rester reclus dans une maison pour mener une vie de prière et de repentance.

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