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Capitaliste, écologiste, anarchiste… De quel bord politique sont les super-héros ?

Au-delà de leurs pouvoirs et gadgets, Captain America, Thor ou Iron Man ont aussi une âme politique. Au-delà de leurs pouvoirs et gadgets, Captain America, Thor ou Iron Man ont aussi une âme politique. [© capture Disney/Marvel]

Loin d’être de simples produits de divertissement qui distribuent des baffes, les super-héros, dont certains ont fait leur retour en salles dans Avengers 4, ont été pensés dès leur origine comme des outils politiques incarnant différentes valeurs occidentales, sur fond de patriotisme affiché.

Du capitalisme des uns à l'écologisme des autres, en passant par le nihilisme, le féminisme ou l’anticolonialisme de certains, quelles sont les grandes idéologies politiques (américaines, rappelons-le) qui se cachent derrière le masque des justiciers surhumains ?

Les capitalistes, les légalistes

Multi-milliardaires mondains, héritiers et capitaines d'industries, férus d'armes technologiques ultrasophistiquées, coureurs de jupons et porteurs de costumes sur mesure, Iron Man et Batman sont sans doute les deux super-héros les plus capitalistes de l'univers des comics.

«Iron Man a été créé dans un contexte anti-communiste. C'est l'image du héros qui met à disposition son complexe militaro-industriel pour aider les Etats-Unis à lutter contre le communisme», explique l'historien William Blanc, auteur de «Super-héros, une histoire politique» (éd. Libertalia, 2018). Et d'ajouter : «Comme Iron Man, Batman est le modèle de l'entrepreneur qui va intervenir directement dans le champ politique. Les deux sont des inventeurs de génie, deviennent immensément riches et finissent par aider leurs prochains dans un élan philantrope.» 

Capitalistes un brin repentis, mais capitalistes quand même, les hommes d'acier et chauve-souris ont également une vision légaliste particulièrement développée. L'aristocrate Batman s'allie à la police pour capturer les malfrats, quitte à lutter contre des méchants très plébéiens, à l'image de Bane dans The Dark Knight Rises qui veut rendre le pouvoir de décision au peuple, couler la Bourse et partager équitablement les richesses. De son côté, Iron Man plaide, dans Civil War, pour le contrôle des Avengers par un gouvernement central fort lié à l'Onu, n'hésitant pas à se battre contre un Captain America à tendance plutôt libertaire.

En France, les deux super-héros seraient probablement encartés aux Républicains, de préférence conservateurs mais pas identitaires.

Les libéraux, les progressistes

Un des rares super-héros né comme tel, Superman a été imaginé dans les années 1930 par deux auteurs juifs comme un opposant à Adolf Hitler, avant même l'entrée en guerre des Etats-Unis. Originaire de la planète Krypton, il incarne l'immigré ultime. S'il a l'image du patriote convaincu, il devient «citoyen du monde» dans le 900e numéro de la bande dessinée. Sa morale est aussi inoxydable que son épiderme. «Libéral au sens américain, c'est un progressiste qui va interroger les politiques américaines. Il y a un discours social très fort dans les comics. Par exemple, dans une de ses premières aventures, Superman séquestre un patron dans une mine pour qu'il respecte les conditions de sécurité de ses salariés», souligne William Blanc.

Même combat pour Captain America, «archétype du héros à la fois mythologique et moderne». Eminemment patriote mais soucieux de liberté – à l'américaine –, c'est lui qui s'oppose, dans Civil War, à la volonté de l'Etat de chapeauter les escapades de la bande de super-héros, quitte à devenir un hors-la-loi. Selon le spécialiste, «il y a l'idée qu'avec ces personnages, le futur sera meilleur, notamment grâce à la science. Ils ont été créés à une époque avec la crise économique d'un côté et la montée du fascisme de l'autre. Finalement, Superman et Captain America 'répondent' à ces problématiques».

Dans le paysage politique tricolore, ce sont probablement LREM, les centristes ou ce qui reste du PS qui séduiraient les deux héros bodybuildés.

Les nihilistes, les anarchistes

Avec ses monologues cool-trash, son humour macabre survolté et ses actes de violence gratuite, Deadpool est sans doute l'(anti) super-héros le plus décalé de tous les temps. Ancien militaire des Forces spéciales devenu mercenaire, il vient en aide à la veuve et l'orphelin, mais il ne répond plus de rien et ne s'encombre d'aucun fardeau moral. «Deadpool n'en a rien à faire, de tout et de tout le monde. On est dans le nihilisme, pas dans la pensée politique. Il ne fait que créer des problèmes et les résout en en créant d'autres. Il est là pour interroger les limites du cinéma», relève William Blanc.

De par son refus de l'autorité, son code d'honneur ultra-développé et son agressivité à l'égard de l'injustice, Wolverine est un super-héros à tendance plus anarchiste – un peu comme The Punisher, qui ne respecte plus rien. Même s'il évolue au sein de l'équipe des X-Men, il reste un électron libre qui n'en a fait qu'à ses griffes. Plus ou moins immortel grâce à sa capacité regénératrice, il pourrait avoir comme mantra «Ni dieu ni maître ni Nick Fury» (le DRH des Avengers). «C'est un personnage ultra-violent, qui préfèrerait ne pas l'être. Il est moins boy-scout que d'autres : quand Captain America a un bouclier pour (se) défendre, Wolverine a des griffes d'acier pour tuer», rappelle l'historien.

C'est plutôt parmi les équipes du NPA, du Parti pirate ou de la Fédération anarchiste que les deux super-héros pourraient se sentir le mieux.

Les antiracistes

Fervent défenseur d'un royaume isolé du reste du monde, le Wakanda, Black Panther, premier super-héros noir de l'histoire, s'inscrit dans un double courant : souverainiste et protectionniste, car il est le dernier d'une lignée de monarques et entend bien préserver les secrets technologiques de son pays, tout en les partageant avec certains, mais aussi et surtout anticolonial et antiraciste.

«Créé comme tel en 1966, Black Panther est une forme d'hommage au mouvement des droits civiques aux Etats-Unis. Et c'est aussi un pied de nez à Tarzan : celui-ci est le héros blanc civilisé qui domine une Afrique perçue comme un territoire sauvage et animal, Black Panther est le héros africain noir qui règne sur un royaume bien plus avancé technologiquement que les Etats-Unis. C'est une inversion complète», note William Blanc.

Pléthore de partis politiques pourraient séduire le régent du Wakanda mais on parierait plutôt sur Place publique, Génération.s, Les Insoumis, voire le Parti des indigènes de la République.

LES FÉMINISTES

Pensée pour promouvoir l'émancipation des femmes, Wonder Woman est une des rares super-héroïnes des comics. «Son féminisme n'est pas un secret : son créateur l'était ouvertement. Wonder Woman est la première héroïne féministe progressiste. Elle ressemble à Superman : elle vient d'une planète étrangère, elle incarne le futur, le progrès, la science», note l'historien.

Nul doute que Catwoman ferait aussi partie du camp féministe : elle défend les prostituées dans son quartier, s'attaque aux proxénètes en tout genre et assume sa combinaison en cuir moulante. Difficile de prédire leurs choix, mais les deux super-héroïnes ne voteraient sûrement pas Marine Le Pen ou Christine Boutin, favorables à une remise en cause du droit à l'avortement.

Les écologistes

Aquaman est le premier des défenseurs de l'environnement. Il dort au cœur de la nuit des abysses sous-marines, nage plus vite qu'un espadon et parle aux algues. Résultat, il n'a besoin ni de voiture au diesel, ni de chauffage au nucléaire, ni de crédit à la consommation. On nous signale dans l'oreillette qu'il est aussi sûrement végétarien. «Dans sa dernière version [signée DC], Aquaman a été recréé comme un super-héros écolo, qui règne sur l'océan, vit avec les créatures sous-marines et les protège de la pollution et de la main de l'homme», selon William Blanc.

Chez les Verts, on pourrait également citer Ant-Man, qui peut devenir microscopique et ainsi laisser une empreinte écologique dérisoire, Groot (des Gardiens de la galaxie), qui est, par essence, un arbre fournisseur d'oxygène, ou encore Hulk, qui, outre son évidente couleur de peau, a mis en pièces suffisamment de véhicules (tanks, voitures, avions...) au cours de sa carrière pour être encarté à EELV ou au Parti animaliste. 

Et la liste est encore longue.

Entre Magnéto, féru d'eugénisme mutant, et Spider-Man, sensible à la cause animale (arachnéenne), en passant par Professeur X, qui veut rassembler les mutants comme le ferait un communiste avec les prolétaires, Docteur Strange, qui peut remonter le temps comme un réactionnaire, ou encore le super-vilain Thanos, l'écologiste radical aux délires malthusiens, les protagonistes politisés ne manquent pas. A quand un film Marvel sur un «énarque-man» ou un «super-zadiste» ?

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