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Tokyo: de l'art de bien trier ses ordures

Si vous pensez que le tri sélectif des ordures ménagères est une véritable corvée, une semaine à Tokyo vous fera comprendre votre bonheur: ici il faut tout trier, absolument tout. Mais finalement ça paye du point de vue de l'environnement.[AFP] Si vous pensez que le tri sélectif des ordures ménagères est une véritable corvée, une semaine à Tokyo vous fera comprendre votre bonheur: ici il faut tout trier, absolument tout. Mais finalement ça paye du point de vue de l'environnement.[AFP]

Si vous pensez que le tri sélectif des ordures ménagères est une véritable corvée, une semaine à Tokyo vous fera comprendre votre bonheur: ici il faut tout trier, absolument tout. Mais finalement ça paye du point de vue de l'environnement.

Jugez-en: en 2000 la capitale, l'une des plus peuplées du monde, produisait 5,5 millions de tonnes d'ordures ménagères par an, dont seulement 930.000 étaient recyclées, soit 17%.

Dix ans plus tard (2010) Tokyo n'en générait plus qu'environ 4,34 millions de tonnes, dont 1,11 million étaient recyclées, soit 25,6%!.

L'homme qui donne ces chiffres à l'AFP est Toru Kaneko, le "Monsieur Recyclage" de la municipalité de Tokyo.

A titre de comparaison, en 2010 Paris recyclait 6% de ses ordures ménagères (verre excepté), New-York 15%, seul Londres faisait pratiquement jeu égal avec 25%.

"Au coeur de notre action, explique Toru Kaneko, il y a ce qu'on appelle les trois "R": réduire, réutiliser, recycler. Pour réduire la quantité de déchets, il faut donc trier soigneusement ce qui peut être recyclé ou réutilisé du reste".

Dit comme cela, c'est séduisant. Dans la pratique c'est un calvaire pour les étrangers, une contrainte pour les Japonais.

Un blogueur "gaijin" (étranger) témoigne: "Pour ce qui du ramassage des ordures, c'est une catastrophe et très honnêtement je n'y comprends rien, les japonais trient tellement que je ne sais jamais ce qu'il faut sortir et quel jour".

Il s'y fera après avoir digéré le guide du "parfait petit jeteur d'ordure" qui, avec un luxe de détails vous dit où jeter, comment jeter, quel jour jeter.

Plusieurs fois par semaine, le cérémonial se répète dans tous les foyers: il faut d'abord et avant tout méticuleusement séparer les déchets combustibles des non-combustibles.

Côté combustible, il y par exemple les papiers et les déchets organiques, essentiellement alimentaires. Pour ces derniers, mieux vaut ne pas rater LE jour hebdomadaire de collecte, surtout en été.

"Raffinement" supplémentaire: pour se débarrasser de l'huile de cuisson, il faut, dixit le manuel, soit l'absorber dans du papier ou des chiffons, soit la "solidifier avec un agent coagulant". De quoi vous dégoûter pour toujours des frites ou des "tempura" maison (beignets).

Côté non-combustible: cuir, verre cassé, céramique, flacons spray, plastiques alimentaires, plastiques chimiques (flacons de produit vaisselle ou détergents par exemple), etc. Le tout dans des sacs séparés. Eh oui! les plastiques ne vont pas tous au même cimetière.

Puis les recyclables: objets métalliques (boîtes de conserve, canettes, bouchons), cartons d'emballage (qu'il faut plier et ficeler), journaux (qu'il faut aussi ficeler) et prospectus de publicité (qui étouffent les boîtes aux lettres), bouteilles en verre (qu'il faut rincer, il est également recommandé d'enlever les étiquettes)...

Tout cela est emporté par une armada de petits camions-benne bleus scandaleusement propres.

Mais attention aux erreurs d'aiguillage: par exemple une bouteille plastique dans un sac inapproprié. Cela peut vous valoir diverses contrariétés: 1) votre sac ne sera pas ramassé, 2) l'éboueur-contrôleur y aura apposé un infamant avis en rouge, 3) vous pouvez essuyer un regard oblique de vos voisins de quartier, 4) dans les "cas graves" vous pouvez recevoir la visite d'un agent municipal...

Et comme les sacs à ordures sont transparents, le "malfaisant" est facilement repéré, surtout s'il est étranger, grâce à un journal en français par exemple.

Les habitants de Tokyo, poursuit M. Kaneko, ont commencé à prendre conscience de la gravité du problème dans les années 70, l'époque dite de "haute croissance" durant laquelle le Japon s'envolait économiquement, produisait et consommait à tout va, avec donc toujours plus d'ordures à la clé.

"Il y a eu dans le passé des +guerres des ordures+ entre quartiers, le habitants de l'un ne voulant pas recevoir et traiter celles des autres. Mais c'est fini. L'éducation aide beaucoup. On organise par exemple des visites d'écoliers dans les centres de traitement des ordures pour sensibiliser les enfants", explique Toru Kaneko.

Côté pédagogique, les tokyoïtes peuvent même télécharger la vidéo d'une chanson rythmée (http://youtu.be/M10Dxm-27bc) qui vante le tri sélectif intitulée "mottaïnaï", littéralement: ne pas gaspiller.

La municipalité compte aussi sur le sens civique des habitants, et la pression sociale sur les récalcitrants, les "non-sélectifs" en quelque sorte.

En tout cas, le résultat est là: malgré sa taille, Tokyo est une ville outrageusement propre... quand les corbeaux ne s'en mêlent pas.

Il y en a des dizaines de milliers, qui passent leur temps à éventrer les sacs sur les trottoirs pour festoyer. Seule parade: de grands et solides filets bleus qui recouvrent les tas.

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