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Les Kerguelen, des îles mythiques mais surtout stratégiques

Photo prise le 7 septembre 2012 de la base Port-aux-Français sur les îles Kerguelen [Sophie Lautier / AFP/Archives] Photo prise le 7 septembre 2012 de la base Port-aux-Français sur les îles Kerguelen [Sophie Lautier / AFP/Archives]

Kerguelen. Cet archipel mythique frôlant les 50èmes rugissants, une des rares terres émergées des confins de l'océan indien, assure à la France une position stratégique pour le suivi des satellites, la mise en place de Galileo et la traque des essais nucléaires clandestins.

"On peut suivre tout un tas de satellites qui évoluent en orbite polaire: nous effectuons de 15 à 20 suivis chaque jour, soit environ 600 passages par mois", calcule Sébastien Lacour, responsable de la station 2GHz du Cnes, l'agence spatiale française.

La station en question, c'est un long bâtiment blanc, au bout de la route 66 de Kerguelen et de ses quatre kilomètres de nids de poule balayés par des vents souvent violents.

L'antenne du Cnes, 10 mètres de diamètre, a été mise en service en 1995 pour la poursuite de satellites militaires français et européens, un champ étendu aux satellites civils et notamment scientifiques.

Les satellites suivis par Kerguelen sont dits à orbite basse, c'est-à-dire qu'ils se déplacent à des vitesses de 27.000 km/h, à environ 800 km d'altitude et tournent autour de la Terre en survolant ses deux pôles.

"Un passage normal au-dessus de la tête des hivernants de Port-aux-Français ne dure donc pas plus de 15 minutes... mais cela peut ne pas être suffisant pour le centre de contrôle. C'est pour cela que la station de Kerguelen appartient à un réseau mondial géré par le Cnes", poursuit M. Lacour.

Vue aérienne montrant une partie de l'archipel des îles Kerguelen, le 5 septembre 2012 [Sophie Lautier / AFP/Archives]
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Vue aérienne montrant une partie de l'archipel des îles Kerguelen, le 5 septembre 2012
 

Les stations de Kerguelen, Hartebeesthoek en Afrique du Sud, Toulouse, et Kiruna en Suède, alignées en longitude, "ont la possibilité de prendre le relais les unes des autres dans le suivi des satellites notamment lors de phases critiques", détaille le responsable.

Corot qui traque les exoplanètes, Smos qui analyse l'humidité des sols et la salinité des océans, Helios qui fait du renseignement ou encore Pléiades qui réalise des images en très haute résolution de la Terre font partie des satellites que Sébastien Lacour et son unique collègue suivent au jour le jour.

La station intervient également lors d'un des moments le plus critiques de la vie d'un satellite: que ce soit pour certains tirs d'Ariane ou de Soyouz depuis Kourou (Guyane) ou pour certains lancements de Baïkonour (Kazakhstan), "le moment où la fusée injecte le satellite sur son orbite définitive se passe au-dessus de Kerguelen et c'est donc notre antenne qui réceptionne en premier la télémesure du satellite fraîchement autonome dans l'espace", décrit M. Lacour.

C'est ce qui s'est passé le 17 septembre lors du lancement de Metop-B, satellite européen de météorologie, dont les mesures seront essentielles aux prévisions météo et à la surveillance du climat.

Galileo, le futur concurrent européen du GPS américain, s'est aussi implanté à Kerguelen. "La performance de Galileo dépend au début du nombre de satellites et du nombre de stations", explique Sylvain Loddo, responsable des stations au sol du projet Galileo à l'Agence spatiale européenne (ESA).

L'antenne du CNES , le 6 septembre 2012 sur la base de Port-aux-Français sur les îles Kerguelen [Sophie Lautier / AFP/Archives]
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L'antenne du CNES , le 6 septembre 2012 sur la base de Port-aux-Français sur les îles Kerguelen
 

Or "pour des raisons de sécurité, il faut implanter ces stations sur des territoires à la fois européens et distribués sur le globe: les îles perdues comme Kerguelen sont alors très intéressantes", fait-il valoir.

"La station de collecte est déjà en cours de validation, elle sera utilisée pour le démarrage effectif de Galileo", dont les premiers tests de messages de navigation sont prévus à partir de mars 2013, affirme M. Loddo.

Si les radômes blancs protégeant les différentes antennes égaient la vastitude du Plateau Courbet comme autant de champignons géants, les installations du Commissariat à l'énergie atomique (CEA) sont, elles, rassemblées dans un petit bâtiment discret.

"On est une des stations du réseau international de surveillance des essais nucléaires", expose Michael Pacaud, technicien télécoms dans l'armée de l'air, qui s'y est rendu tous les jours de ses 12 mois d'hivernage, "sans faute, à la même heure", pour relever les données collectées par les différents appareils.

Ces derniers pompent l'air, le filtrent et traquent soit des particules suspectes soit des traces de xénon, ce gaz caractéristique des essais nucléaires. En outre, un système d'infrasons, entièrement automatique, mesure les vibrations de la terre et de l'air qui pourraient être des indices d'un essai sous-terrain ou en haute altitude.

"Nous vérifions que le système fonctionne et on change les filtres manuellement, mais toutes les données sont envoyées automatiquement à Paris et à Vienne", siège de l'Organisation du Traité pour l'interdiction des essais nucléaires (CTBTO), explique M. Pacaud.

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