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«Plan eau» : ce qu'il faut retenir des annonces d'Emmanuel Macron dans les Hautes-Alpes

Le président a dévoilé ses mesures pour «améliorer la gestion de l’eau». [Sebastien NOGIER / POOL / AFP]

Emmanuel Macron s’est rendu dans les Hautes-Alpes, ce jeudi 30 mars, pour présenter son plan national pour l’eau. Le président de la République a dévoilé plusieurs mesures, parmi lesquelles le lancement d’un grand «plan de sobriété» d’ici à l’été.

Alors qu’il n’avait plus quitté Paris depuis près de deux mois, Emmanuel Macron a choisi les Hautes-Alpes et la commune de Savines-le-Lac, pour présenter son grand plan national pour l’eau. Au sortir d’un hiver particulièrement sec et dans un contexte tendu autour de la question des «méga-bassines», le président de la République a détaillé un plan en cinq axes comportant une cinquantaine de mesures concrètes destinées à «améliorer la gestion de l'eau». 

Un grand plan de sobriété 

«Les études scientifiques montrent que le changement climatique pourrait nous priver de 30 à 40% de l’eau disponible dans notre pays. Tous les secteurs devront donc être mobilisés et adapter des pratiques plus économes en eau», a mis en avant Emmanuel Macron, en citant les secteurs de l’énergie, de l’industrie, du tourisme, des loisirs, et de l’agriculture, mais aussi les particuliers. 

À cet égard, «un plan de sobriété sur l'eau» sera demandé «à chaque secteur» d'«ici à l'été», a prévenu Emmanuel Macron appelant à la responsabilisation de chacun. Pour cela, le président a annoncé la mise en place d'un «EcoWatt de l'eau» sur le modèle de celui mis en place pour réduire la consommation d'électricité pendant l'hiver. Par ailleurs, d’autres programmes vont être mis en place pour aller vers une consommation plus restreinte, et notamment sur le nucléaire. «On doit adapter nos centrales nucléaires au changement climatique en engageant un vaste programme d’investissement pour faire des économies d’eau et permettre de fonctionner beaucoup plus en circuit fermé», a expliqué Emmanuel Macron.

Dans le secteur de l’industrie, «les ministres de la Transition écologique et de l’Industrie organiseront une réunion des 50 sites industriels qui ont le plus grand potentiel de baisse de consommation d’eau, pour travailler avec eux sur un plan d’investissement pour faire ces économies», a détaillé le chef de l’État. Il en ira de même pour tous les bâtiments publics qui seront équipés de systèmes de réutilisation des eaux usées «lorsque cela est possible», a aussi précisé Emmanuel Macron. 

La Réutilisation des eaux usées 

En plus du grand plan de sobriété pour la consommation d’eau, l’un des enjeux primordiaux pour limiter le gaspillage est la réutilisation des eaux usées. Pour l’heure, Elle n’est pratiquée que pour moins de 1% des volumes en France, contre 8% en Italie, 14% en Espagne et 85% en Israël. «Nous devons nous en inspirer», a reconnu Emmanuel Macron.

«Notre ambition est désormais de 10% d’ici à 2030», et ce grâce à «1.000 projets qui seront développés en cinq ans», a annoncé le président de la République. Cela représentera «300 millions de mètres cubes, soit trois piscines olympiques par commune», a-t-il détaillé. Les zones littorales et celles où les pressions sur la ressource en eau sont les plus fortes seront en première ligne.

Pour ce faire, le président de la République s’est engagé à «lever les verrous administratifs» pour amorcer un changement de législation qui va dans le sens de la limitation du gaspillage, afin d’atteindre les objectifs fixés pour 2030. 

Limiter le gaspillage et les fuites

Autre point crucial du plan eau : la limitation du gaspillage lié aux réseaux de distribution. Pour cela, Emmanuel Macron a annoncé la mobilisation de 180 millions d'euros par an, dès 2024, à destination des collectivités pour résorber «en urgence» les fuites d'eau en France dans les points les plus sensibles. Le plan précise toutefois que ces aides seront «conditionnées à des objectifs de performance de gestion de leur patrimoine».

En France, «un litre d'eau sur cinq est perdu en raison des fuites, c'est inacceptable», a rappelé le président, ajoutant que dans certaines zones «cela atteint même un litre sur deux». «C'est une situation aberrante qu'on doit corriger en urgence», a encore estimé le président, jugeant que cela est «le fruit d'un sous-investissement historique».

Des travaux de sécurisation seront également réalisés dans les 2.000 communes qui se sont retrouvées proches d'une situation de rupture d'approvisionnement en eau potable lors de la sécheresse de l'été dernier. Ces investissements visent plus globalement à moderniser les réseaux de transports de l'eau en France, qui pour la plupart «datent des années 50 ou 60», avec pour objectif «d'organiser la sobriété au plus près des territoires», a détaillé Emmanuel Macron.

En octobre 2022, une étude économique mandatée par l'Union des Industries de l'Eau (UIE) chiffrait à 4,6 milliards d'euros les besoins annuels supplémentaires pour moderniser et décarboner les infrastructures de l'eau, de l'assainissement et de la récupération des eaux de pluie. L'été dernier, un document de l'Observatoire des services publics d'eau et d'assainissement et de l'Office de la biodiversité (OFB) indiquait que plus de 937 millions de mètres cubes d'eau avait été perdus sur l'année 2020 en raison des fuites, soit «l'équivalent de la consommation annuelle d'environ 18 millions d'habitants».

Adapter l’usage de l'eau dans l’agriculture et le nucléaire 

Le président de la République l’a rappelé, selon les statistiques officielles, «l'agriculture est la première activité consommatrice d'eau avec 58% du total, devant l'eau potable (26%), le refroidissement des centrales électriques (12%), et les usages industriels (4%)» sur les 4,1 milliards de mètres cubes d’eau consommée, c’est-à-dire prélevée chaque année sans être rendue aux milieux aquatiques.

Ainsi, sur le sujet épineux des stockages artificiels d'eau pour les agriculteurs, le président a défendu l'utilité des «méga-bassines», du type de celle de Sainte-Soline (Deux-Sèvres) où des affrontements très violents ont eu lieu samedi. Ces retenues «pompent durant l'hiver l'eau des nappes phréatiques afin que les agriculteurs puissent arroser leurs cultures l'été», a expliqué Emmanuel Macron. 

Mais il a proposé que les prochaines retenues prennent mieux en compte la raréfaction de l'eau liée au changement climatique, et qu'elles soient conditionnées à des «changements de pratiques significatifs», à commencer par des économies d'eau et une réduction de l'usage des pesticides par les agriculteurs. «Il ne s'agit pas de privatiser l'eau. Ou de permettre à certains de se l'accaparer», a-t-il déclaré, en répétant que l'eau était «indispensable à notre souveraineté alimentaire».

Quant au nucléaire, Emmanuel Macron a annoncé un plan d'investissement - pas encore chiffré - pour adapter au réchauffement climatique les centrales nucléaires, troisièmes consommatrices d'eau du pays, qui vont désormais devoir fonctionner «beaucoup plus en circuit fermé» pour se refroidir.

«La production d'électricité est à l'origine de 51% des prélèvements d'eau en France, et de 12% de la consommation», a rappelé le président de la République. «On doit adapter nos centrales nucléaires au changement climatique en engageant un vaste programme d'investissement pour faire des économies d'eau et permettre de fonctionner beaucoup plus en circuit fermé», a-t-il détaillé.

Concernant le secteur hydro-électrique, et les barrages qui souffrent d'une baisse de leur niveau de remplissage avec les sécheresses, le président a souhaité que s'engage «un dialogue de territoire» pour «définir les règles les plus adaptées au partage du bien commun». Il a également cité les secteurs émergents des productions de batterie et d'hydrogène qui auront «besoin de quantités importantes d'eau». «Nous allons intégrer dans les stratégies d'investissement la sobriété en eau», a-t-il dit.

une Tarification progressive de l’eau

Enfin, le cinquième axe du «plan eau» d’Emmanuel Macron consiste à tendre vers une «tarification progressive et responsable» de l'eau qui puisse être «généralisée en France». «Les premiers mètres cubes sont facturés à un prix modeste, proche du prix coûtant» et «ensuite au-delà d'un certain niveau, le prix du mètre cube sera plus élevé», a-t-il expliqué.

Quant aux agences de l'eau, qui financent une large part des projets destinés à mieux gérer, préserver ou réutiliser la ressource en eau, il prévoit «d'augmenter de 500 millions d'euros» par an leur budget annuel, actuellement de 2,2 milliards d'euros.

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