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Le harcèlement sexuel rayé du Code pénal

Le Conseil Constitutionnel[AFP/archives]

Le Conseil constitutionnel a décidé l'abrogation immédiate de la loi sur le harcèlement sexuel qu'il a jugée trop floue, créant de fait un vide juridique qualifié de catastrophique par les associations féministes.

Toutes les procédures en cours pour harcèlement sexuel sont annulées, ont déploré ces associations, criant à un "recul historique" des droits des femmes et appelant à un rassemblement samedi à 11H00 à Paris place Colette (Ier) pour "exiger une nouvelle loi".

François Hollande s'y "engage" s'il est élu président dimanche, a fait savoir son équipe de campagne.

Plusieurs partis (PCF, NPA, Parti de gauche) et syndicats ont également déploré cette abrogation "irresponsable", "scandaleuse", signe selon eux de "mépris pour les femmes" et de "banalisation du machisme".

La ministre des Solidarités Roselyne Bachelot a elle aussi estimé que l'Assemblée nationale issue des législatives de juin devrait se saisir "en urgence" du dossier.

Les "Sages" avaient été saisis d'une "question prioritaire de constitutionnalité" (QPC) soulevée en cassation par l'ancien député du Rhône Gérard Ducray, condamné en appel en 2011 pour harcèlement sexuel à trois mois de prison avec sursis et 5.000 euros d'amende.

Il considérait que le Code pénal ne définissait pas assez clairement ce délit et permettait donc "tous les débordements, toutes les interprétations".

L'article incriminé (222-33) stipulait: "Le fait de harceler autrui dans le but d'obtenir des faveurs de nature sexuelle est puni d'un an d'emprisonnement et de 15.000 euros d'amende".

Cette formulation très ouverte datait de 2002, alors que le harcèlement sexuel avait été introduit de manière plus précise en 1992 dans le Code pénal et impliquait alors un "abus d'autorité" de la part de la personne poursuivie.

Le Conseil constitutionnel a rappelé qu'en vertu du principe de "légalité des délits et des peines", le législateur devait "définir les crimes et délits en termes suffisamment clairs et précis". Il a constaté que l'article contesté ne répondait pas à cette exigence et l'a déclaré contraire à la Constitution.

- Priorité de la nouvelle Assemblée nationale -

Paradoxalement, l'Association européenne contre les violences faites aux femmes au travail (AVFT) s'était jointe à la procédure pour demander elle aussi l'abrogation de ce texte mais de manière différée, afin d'éviter tout vide juridique.

L'association disait faire "une analyse radicalement opposée à celle de Gérard Ducray". Alors que lui avançait le risque de répression par les tribunaux de la "drague admissible", elle déplorait "des classements sans suite quasi systématiques" et des renvois en justice pour harcèlement d'agissements relevant plus d'agressions sexuelles, voire de viols.

Mais les Sages ont estimé qu'une abrogation différée aurait été contraire au principe de non rétroactivité de la loi pénale.

"C'est absolument catastrophique pour toutes les victimes qui ont des procédures en cours (...) les personnes qu'elles ont mises en cause peuvent aller sabler le champagne", a réagi Marilyn Baldeck, déléguée générale de l'AVFT.

"Je suis très heureux" de cette décision, a en revanche réagi Gérard Ducray, se réjouissant d'un encadrement à venir plus net de la loi, alors qu'avec l'actuelle, "on laissait aux juges la liberté de l'interpréter".

Le ministère de la Justice a précisé que la qualification de "harcèlement sexuel" donnait lieu à environ 80 condamnations par an. Dans certains cas, a relevé son porte-parole, d'autres qualifications pourraient être retenues, telles que tentative d'agression sexuelle ou violence volontaire.

Dans l'immédiat, la Chancellerie étudie les conséquences de la décision de vendredi sur les procédures en cours et enverra "rapidement" aux parquets une circulaire pour leur préciser la marche à suivre.

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