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Homicide : un amour détruit par Alzheimer

Une femme souffrant de la maladie d'Alzheimer et l'un de ses proches[AFP/Archives]

Ils "s'aimaient" mais la maladie "détruisait" leur couple: un retraité de 79 ans est jugé depuis mardi devant la cour d'assises du Val-de-Marne pour avoir frappé à mort son épouse, qui souffrait d' .

"Si je dois être condamné, je serai condamné, cela ne changera rien au problème. Ma femme est morte et je l'aimais", a lâché Gabriel Armandou dans un sanglot à la fin de la première journée de son procès.

"Il n'y a pas un jour où, assis dans mon fauteuil, je ne la revois pas par terre. Et c'est moi qui l'ai fait", a-t-il poursuivi.

Blouson noir et lunettes cerclées, cet homme trapu comparaît libre, pour violences volontaires ayant entraîné la mort de sa femme Paulette, qui avait alors 75 ans, le 13 septembre 2008, à leur domicile, à Fresnes (Val-de-Marne). Il encourt 20 ans de réclusion criminelle.

Le verdict est attendu mercredi.

Ce soir-là, les pompiers, appelés par le fils de l'accusé, découvrent la femme âgée, presque nue, sur le sol de la salle de séjour du domicile. Elle a le visage tuméfié, porte de nombreuses traces de coups sur tout le corps, en plus de nombreux pansements et hématomes. Un manche à balai portant des traces de sang est retrouvé sur les lieux.

Son mari avait alors reconnu avoir "craqué" et frappé celle qui était sa compagne depuis 48 ans, atteinte de la maladie d'Alzheimer depuis 2000. Incontinente, son état s'était beaucoup dégradé depuis trois mois.

La présidente a lu des extraits du cahier d'écolier où l'accusé rapportait les fugues quasi quotidiennes, les disputes et les moments de "paix". "Je suis à bout, l'envie de me suicider m'obsède", écrit-il dès 2003, évoquant "ce silence que je ne peux supporter et qui détruit notre ménage".

"Moi qui l'aime, moi qui la désire"

Les années suivantes, il continue à coucher ses difficultés sur le papier: "Je lui propose de faire la paix en l'embrassant, elle refuse net", "elle aime faire le mal et ne se soigne pas, probablement pour se venger", "elle n'est que haine et méchanceté, moi qui l'aime, moi qui la désire, elle n'a qu'une idée, se détruire".

"Je savais qu'elle était malade, mais (...) je ne me doutais pas qu'une personne pouvait en arriver à être comme ça", a soupiré Gabriel Armandou.

L'expert psychiatre, qui a décrit un homme "impulsif", "dépressif" mais "sincère", a évoqué "une sorte de pacte" entre les époux, qui avaient promis de ne pas s'abandonner. "Je crois qu'il a surestimé ses capacités", a-t-il avancé.

"On voulait se débrouiller seuls. Elle serait morte en prison", a confirmé son fils Jean-Philippe.

"Vous voulez dire en maison?", le reprend alors la présidente. Il confirme.

"Il avait fait la promesse à sa femme de la soutenir et de l'aider jusqu'à la fin (...) Il fait partie d'une génération où on ne sollicite pas d'aide extérieure", a déclaré à la presse son avocat, Me Arnaud Richard, réclamant "une vraie clémence" pour une affaire qui "dépasse le point de vue légal".

"On sait que les aidants familiaux sont à risque de se retrouver dans des situations d'épuisement qui peuvent aboutir à des situations dramatiques", met en garde Judith Mollard, experte psychologue auprès de France Alzheimer.

"Les conjoints sont 24/24H avec les malades. Personne n'est surhumain. Il ne faut pas rester seul, la qualité de la relation affective ne suffit pas", ajoute-t-elle, interrogée par l'AFP.

Selon l'association, sont atteintes de la maladie d'Alzheimer ou d'une maladie apparentée, mais seule la moitié des patients est identifiée. Elle estime qu'un proche consacre 06H30 par jour pour aider un membre de la famille touché par la maladie.

En janvier, un retraité s'était pendu à Chalandry-Elaire (Ardennes) après avoir tué de la même façon sa femme, qui souffrait de la maladie. Il a expliqué dans une lettre que sa maladie lui était devenue insupportable.

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