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La difficile reconversion des prostituées

Une prostituée au Bois de Boulogne à Paris[AFP/Archives]

Abolir la prostitution, comme le propose la ministre des Droits des femmes Najat Vallaud-Belkacem, suppose de pouvoir offrir aux prostitué(e)s des alternatives, encore peu développées, soulignent partisans ou détracteurs du projet gouvernemental.

Des associations aident déjà les prostituées qui veulent changer d'activité. Et toutes évoquent un accompagnement qui peut être long, parfois de plusieurs années, et nécessite des moyens.

"Il y a d'abord un travail pour reprendre pied par rapport à l'estime de soi, au lien social, à l'image de son corps", explique Hélène de Rugy, déléguée générale de l'Amicale du Nid, pro-abolition.

Même constat pour le Mouvement du Nid (pro-abolition), qui accompagne des victimes de réseaux mafieux, sans papiers, qui ne peuvent rentrer dans leur pays par crainte des réseaux ou de leur famille.

Un gros travail administratif (demande de papiers, etc.), sanitaire et psychologique est nécessaire, explique Marcelle Provost, déléguée départementale à Orléans: "Parfois elles se sont enfuies avec rien".

Les associations dénoncent le manque de financements: "nous sommes gravement déficitaires parce que les budgets ont été coupés", déplore ainsi Mme de Rugy, dont l'association aide 4.000 personnes par an.

Il faut aussi que les prostituées aient "une volonté de fer", précise France Arnould, présidente des Amis du Bus des femmes. "Arrêter la prostitution, c'est changer complètement de vie" et surtout accepter des revenus plus faibles, dit-elle.

Pour Corinne, prostituée au Bois de Boulogne, "il est hors de question d'accepter des revenus minimum, surtout quand on est chargée de famille".

Et "vous recycler à 40 ans passés, c'est compliqué", insiste-t-elle, rappelant que les prostituées de rue sont une population vieillissante.

- un "blanc" sur leur CV -

Gabrielle Partenza, ancienne prostituée aujourd'hui présidente de l'association "A nos aînées", qui aide les plus âgées d'entre elles, en sait quelque chose: à 52 ans, quand elle a quitté la prostitution, elle a obtenu un diplôme de médiatrice de santé publique. "Mais quand j'ai envoyé des CV pour trouver du travail, on ne m'a même pas répondu".

A 62 ans, elle vit du RSA et s'en sort "difficilement", estimant que les politiques actuelles la "renvoient sur le trottoir".

Morgane Merteuil, vice-présidente du Syndicat des travailleurs du sexe (anti abolition), dénonce "la stigmatisation". "Les personnes qui ont exercé la prostitution pendant plusieurs années se retrouvent avec un trou sur leur CV, parce qu'on ne marque pas qu'on a été +pute+".

Ce "blanc" du CV, "on essaye de l'expliquer sans prononcer le mot prostitution: pas question de crier sur les toits leur passé. Ca demande une compréhension de la part du conseiller Pôle emploi", explique Mme de Rugy, affirmant que "l'employeur n'a pas à être au courant".

Les secteurs d'activité sont variés, assure-t-elle, citant l'exemple, rare, d'une ex-prostituée travaillant dans une préfecture.

"Il y a des tas de choses qu'elles peuvent faire dans l'écoute, la psychologie. Dans les métiers d'aide à la personne, notamment près des personnes âgées, elles sont très fortes", ajoute France Arnould.

On les trouve aussi dans le nettoyage, la vente, la santé (aide-soignante). Certaines sont devenues téléopératrices ou secrétaires, d'autres ont créé leur entreprise (création de bijoux, antiquaire, etc.).

Mais rien n'est jamais acquis, surtout quand un ancien client les reconnaît, explique Marcelle Provost. Une de ses protégées, vendeuse en restauration rapide, a ainsi été licenciée après avoir été dénoncée par un ancien client.

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