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Le Negresco, cent ans et une envie de jeunesse

Le palace Le Negresco, à Nice[AFP/Archives]

Le Negresco, l'emblématique palace de Nice (sud-est de la France), qui assume un extravagant mélange d'époques artistiques, tente de se donner un coup de jeune à l'occasion du démarrage des célébrations de son centenaire.

De jeunes blogueurs américains invités à goûter aux chambres Pompadour, un cocktail bourdonnant avec 500 invités sous la verrière dessinée par Gustave Eiffel, une exposition ouverte au public sur cent ans d'histoire: le cinq étoiles dominant la Promenade des Anglais était habitué à une ambiance plus feutrée.

A commencer par Jeanne Augier, la propriétaire de 89 ans qui règne sur les lieux depuis 55 ans: "je ne cherche pas les fréquentations", lance cette femme de caractère, qui vit au 6e étage sous la coupole rose en compagnie de ses chiens Lili et Lilou. Récemment, la reine du Negresco a suscité l'émoi des Niçois en plantant en façade un drapeau de sa Bretagne natale.

"Les cent ans du Negresco, c'est le résultat de toute une vie et la vie a beaucoup changé", dit-elle en fixant un regard critique sur le bras d'un client couvert de tatouages.

Le palace fut créé par un jeune immigré roumain ambitieux, Henry Negresco, fils d'aubergiste, achevé en 1912.

Inauguré en janvier 1913, il attire l'aristocratie de la vieille Europe et les grandes fortunes du nouveau monde, les Vanderbilt, les Singer.

Masi la guerre éclate et l'hôtel est transformé en hôpital militaire, poussant son fondateur à la ruine.

Il fut racheté en 1957 pour une bouchée de pain à des Belges par le père de Jeanne (un charcutier breton devenu promoteur). Les palaces Belle époque étaient alors en faillite, beaucoup furent découpés en appartements.

"Le Negresco est le dernier palace appartenant à une personne en France", observe Pierre Bord, son enjoué directeur général à l'allure vieille France.

Dans les annales mythiques, Richard Burton oublia dans le bar une parure destinée à Liz Taylor. Des clichés montrent Marlène Dietrich, Jean Marais, Grace Kelly, Salvador Dali ou Marc Chagall, parfois attablés avec la propriétaire.

"Ici on n'est pas dans un hôtel, c'est une maison, on est chez elle" (Jeanne Augier), estime Antoine Gauvin, responsable de communication arrivé voici un an dans un univers en vase clos.

Cet amateur d'art a opéré une mini-révolution en faisant appel à une agence parisienne pour vanter le palace.

Jeanne Augier lâche donc du lest. Depuis qu'un mauvais genou l'oblige à se déplacer en chaise roulante, elle est moins présente dans les couloirs de son fief, tout en restant pointilleuse.

Collectionneuse compulsive, elle continue à éplucher les catalogues des salles des ventes: "quand j'aime quelque chose, je l'achète". Son hôtel est le reflet de ses goûts éclectiques balayant cinq siècles, créant des ambiances uniques, parfois kitsch.

Grande admiratrice de Versailles, elle a accroché dans un salon le portrait de Louis XIV par Hyacinthe Rigaud (il en existe deux autres au musée du Louvre à Paris et au château de Versailles).

Des moquettes signées par le fils de Vasarely zigzaguent dans les étages sous des guéridons anciens et côtoient des tentures rouge et or frappées d'abeilles empire. Un étage est résolument XVIIIe, avec un tableau de Boucher, assorti d'une surprenante collection d'oeuvres représentant le coq gaulois.

Plus bas, c'est une ambiance années 70 avec des fauteuils coque plastique, près d'un immense tableau de Raymond Moretti consacré au jazzman Louis Armstrong, qui fut un habitué de l'hôtel.

Quelque 6.000 oeuvres, meubles et objets ont forgé l'identité du palace, jusque dans les chambres. Un fonds de dotation gérera ce patrimoine à la disparition de Jeanne. Les bénéfices iront au développement de l'hôtel, à la défense des animaux, aux handicapés et au "rayonnement de l'art français".

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