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Le radiophysicien d'Epinal bricolait-il les appareils ?

Le radiophysicien Joshua Anah (c), le 24 septembre 2012 à Paris [Mehdi Fedouach / AFP/Archives] Le radiophysicien Joshua Anah (c), le 24 septembre 2012 à Paris [Mehdi Fedouach / AFP/Archives]

Surcharge de travail, logiciel peu sûr, contrôles absents: le radiophysicien de l'hôpital d'Epinal, prévenu au procès des patients irradiés dans cet établissement, a contre-attaqué mercredi face au tribunal, effrayé par sa description d'un "bricolage" médical.

Passé sur le grill pour la première fois depuis l'ouverture des débats, le 24 septembre, Joshua Anah a défendu son travail au centre de radiothérapie d'Epinal où il était chargé, jusqu'en 2007, de régler les appareils dispensant les radiations.

En mai 2004, le protocole de radiothérapie est modifié au profit d'un logiciel qui permet de diminuer les rayons sur les organes proches de la prostate. Ce changement suppose d'adapter le paramétrage assurant le calcul d'intensité d'irradiation.

"La seule chose qui changeait, c'était une case à cocher", a relativisé M. Anah, 54 ans, qui comparaît pour homicides et blessures involontaires, ainsi que non-assistance à personne en danger.

Pour certains patients traités entre mai 2004 et août 2005, cette case ne sera pas cochée, entraînant des surirradiations aux conséquences ravageuses pour 24 d'entre eux. Le tribunal juge également un second dysfonctionnement qui a fait 424 victimes.

La formation de l'équipe de manipulatrices chargées de mettre en oeuvre ces paramètres est en cause. Seules deux d'entre elles semblent avoir été formées par Joshua Anah au nouveau logiciel. Normal selon ce dernier: "La politique du service était de ne pas former toute l'équipe en même temps, mais que les uns montrent aux autres."

"Sans filet"

Dès le premier patient traité avec le nouveau logiciel, les paramètres rentrés par la manipulatrice, guidée par le radiophysicien, sont faux. Pire, Joshua Anah ne relève pas l'erreur quand il vérifie la feuille de calculs: "Cela m'a échappé", explique-t-il au tribunal.

Mais il invoque aussitôt la difficulté de ses conditions de travail: "Depuis 2000, je répétais que je n'arrivais plus à m'en sortir seul, qu'il fallait un second physicien." Besoin confirmé à l'audience par le radiothérapeute Michel Aubertel, qui comparaît pour les mêmes chefs que Joshua Anah.

"Quand on est seul physicien, c'est difficile de s'évaluer soi-même (...) Vous n'avez plus le discernement nécessaire", a souligné Joshua Anah.

Le radiophysicien avait lui-même mis au point le nouveau logiciel, or "dans aucune industrie, c'est la même personne qui conçoit, valide et met en oeuvre une nouvelle technique", a-t-il fait observer.

Et d'aller plus loin: selon lui, le système "maison" utilisé en radiothérapie à Epinal n'était "pas fiable" et il en alertait l'hôpital depuis plusieurs années.

Ces affirmations font réagir le tribunal: "Cela fait peur! On a l'impression d'un bricolage. Vous n'avez pas eu le ressort de dire +j'arrête tout+?"

"Il y a beaucoup de juges qui restent en fonction, malgré le sous-effectif", a ironisé Me Hervé Temime, qui défend le second radiothérapeute Jean-Francois Sztermer, sur un total de sept prévenus.

Cette boutade n'a pas satisfait les juges, étonnés que, pendant plus d'un an, le radiophysicien ne se soit pas aperçu de l'erreur: "Prêtez-vous vraiment attention à ce que vous signez?"

L'avocat des parties civiles, Me Gérard Welzer, a renchéri: "Vous n'avez pas eu l'idée de demander à la première manipulatrice initiée de reproduire la procédure pour s'assurer de sa compréhension?"

Une des cinq manipulatrices entendues mercredi a également mis les prévenus en difficulté, décrivant un radiophysicien qui travaillait "sans filet", dans une "course au pouvoir" pour lancer des technologies plus modernes qu'à l'hôpital voisin de Nancy.

Le procès doit reprendre lundi après-midi.

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