En direct
A suivre

La fourme de Montbrison menacée d'extinction

Christine de Combreas pose le 15 novembre 2012 dans le séchoir où les fromages reposent sur des planches de sapin dans sa fromagerie de Sauvain [Philippe Merle / AFP] Christine de Combreas pose le 15 novembre 2012 dans le séchoir où les fromages reposent sur des planches de sapin dans sa fromagerie de Sauvain [Philippe Merle / AFP]

Avec ses trois dernières fromageries, la fourme de Montbrison, fabriquée depuis le Moyen-Age dans les Monts du Forez (Loire), doit impérativement élargir sa clientèle, au risque de voir son savoir-faire s'éteindre.

Reconnu AOC depuis 1972, la fourme de Montbrison est un fromage cylindrique au lait de vache pesant entre 2,2 kg et 2,5 kg, possédant une croûte orangée naturelle et une pâte persillée au goût très doux, qui se cuisine facilement pour des raclettes ou des fondues notamment.

"Il faut tout faire pour protéger le patrimoine fromager de France. La fourme est, parmi les fromages bleu, l'un des seuls qui n'a pas perdu en tonnage (476 tonnes en 2011), il faut maintenir cela et essayer de la vendre partout en France", explique Christine Combréas dans sa fromagerie des Hautes Chaumes, du village de Sauvain, berceau de la fourme. Compagne d'un des derniers fromagers, elle est une fière ambassadrice de ce savoir-faire.

La zone de production s'étend sur 33 communes des verts pâturages du Haut-Forez, à plus de 700 mètres d'altitude, et rassemble à ce jour 108 producteurs de lait.

"Nous sommes une petite AOC et n'avons plus que trois fabricants. On n'arrive pas à couvrir le territoire et on est essentiellement vendu dans la Loire", souligne Christophe Meunier, l'un des plus importants producteurs de lait et trésorier du Syndicat de la fourme de Montbrison.

De jeunes vaches le 15 novembre 2012 dans la fromagerie de Essertines-en-Chatelneuf près de Montbrison [Philippe Merle / AFP]
Photo
ci-dessus
De jeunes vaches le 15 novembre 2012 dans la fromagerie de Essertines-en-Chatelneuf près de Montbrison
 

Et "quand on n'est plus que trois, il suffit que le plus grand s'en aille pour que ce soit délicat", ajoute pudiquement M. Meunier, qui possède 70 vaches laitières de race montbéliarde, nourries au foin, sans OGM, et laissées libres en pâturage l'été.

La filière a subi un coup dur en début d'année quand a fermé l'une des fromageries (Forez Fourme), qui produisait à elle seule 40% du volume total.

Chenaux en épicéa, croûte orangée

Cette fromagerie collectait beaucoup trop de lait par rapport à ce qu'elle transformait, faute de débouchés. Soixante-dix producteurs, dont 58 en AOC, en dépendaient

Elle a néanmoins été reprise début octobre par un ancien crémier, qui a gardé une partie des salariés.

Le nombre de fromagers se réduisant comme peau de chagrin, c'est toute une filière et son savoir-faire qui se voient menacés si le marché de la fourme de Montbrison ne grandit pas. Sa cousine la fourme d'Ambert prospère elle, grâce à 1.600 producteurs et un tonnage douze fois plus élevé.

"La fourme d'Ambert est très différente!" prévient toutefois Aurélie Passel, animatrice du Syndicat de la fourme de Montbrison.

Une première grosse différence les sépare: "On sale le fromage dans la masse, alors que la fourme d'Ambert est salée à l'extérieur ce qui fait que notre pâte aura moins de bleu et moins de cavernes dans le fromage", détaille la jeune femme.

Un fromager tourne les cylindres de fourme de Montbrison le 15 novembre 2012 à la fromagerie de Hautes Chaumes à Sauvain [Philippe Merle / AFP]
Photo
ci-dessus
Un fromager tourne les cylindres de fourme de Montbrison le 15 novembre 2012 à la fromagerie de Hautes Chaumes à Sauvain
 

Dans sa fromagerie artisanale de Sauvain, le compagnon de Christine Combréas, Hubert Tarit, s'active pour une nouvelle série. Une fois préparées et égouttées, les fourmes sont placées sur des chenaux en bois d'épicéa où elles restent six jours. Retournées manuellement d'un quart de tour deux fois par jour, la fourme se pare alors de sa croûte orangée naturelle, grâce à l'épicéa.

"On est le seul fromage à avoir cette technique en France", qui constitue la deuxième grosse différence d'avec la fourme d'Ambert, précise Hubert Tarit.

Les fourmes sont ensuite passées au séchoir dans une autre pièce, sur des planches de sapin, pendant une semaine, avant de partir dans une cave naturelle refroidie par l'eau des sources, "à 1.200 mètres d'altitude et semi-enterrée", indique Christine Combréas. La fourme de Montbrison y demeure alors en affinage 2 à 3 mois.

Les plus grands restaurants du secteur, tel Troisgros à Roanne, et les Logis de France aiment la cuisiner. Mais elle aimerait sortir de ses frontières...

Pour mieux la faire connaître, le syndicat a organisé jusqu'au 25 novembre l'opération "Préservons la fourme de Montbrison". Deux cents crémeries de toute la France ont adhéré à cette action.

À suivre aussi

Ailleurs sur le web

Dernières actualités