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Prothèses PIP : Mas admet la tromperie

Jean-Claude Mas, fondateur de la société PIP, le 18 avril 2013 à Marseille [Franck Pennant / AFP] Jean-Claude Mas, fondateur de la société PIP, le 18 avril 2013 à Marseille [Franck Pennant / AFP]

Jean-Claude Mas, fondateur de la société PIP, s'est vigoureusement défendu vendredi devant le tribunal correctionnel de Marseille, assurant, devant une centaine de plaignantes attentives, n'avoir "pas fait prendre de risques" avec les implants mammaires qu'il fabriquait.

"Je prétends que je n'ai pas fait prendre de risques", a déclaré à la barre le septuagénaire, jugé avec quatre ex-cadres de PIP pour "tromperie aggravée" et "escroquerie" pour avoir, dans les années 2000, rempli les prothèses d'un gel de silicone "maison" non autorisé.

"Le gel PIP n'était pas homologué mais il était homologable", a-t-il ajouté, dans un prétoire silencieux. "Au niveau cohésivité, je suis certain, j'affirme qu'il était supérieur au Nusil (le gel conforme, ndlr). Au niveau toxicité, il est pareil", a-t-il répété, montrant parfois un léger agacement.

Toujours vêtu de son large blouson marine, regardant la présidente, il a expliqué avec assurance tenir la formule du professeur Arion, un chirurgien plasticien varois, précurseur de l'implant gonflable dans les années 60, chez qui il avait travaillé au début des années 80 - son premier contact avec le secteur des implants.

Répondant à la magistrate, il a redit que oui, il s'estimait compétent pour proposer ce gel, en dépit d'un parcours professionnel divers, qu'il a décrit longuement: bac maths élém, vendeur d'assurances-vie, visiteur médical pendant dix ans puis représentant en vins.

La salle d'audience où est jugé le scandale des prothèses PIP à Marseille le 18 avril 2013 [Anne-Christine Poujoulat / AFP]
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La salle d'audience où est jugé le scandale des prothèses PIP à Marseille le 18 avril 2013
 

S'il avait pu obtenir un statut de formulateur, il l'aurait fait, a-t-il affirmé, répondant au procureur. "Malheureusement il fallait un million d'euros pour avoir une unité pour devenir formulateur (...) je manquais d'argent", a-t-il dit, alors que les finances de l'entreprise, défaillantes (perte du marché nord-américain, provisionnements pour procès à l'étranger...), ont fait l'objet de nombreuses questions.

L'enquête a montré que l'usage du gel non conforme au lieu du Nusil avait permis à l'entreprise un gain annuel d'un million d'euros.

Selon les autorités sanitaires, un quart des prothèses PIP retirées des porteuses depuis le début du scandale étaient défectueuses (perspiration du gel, rupture des enveloppes), générant notamment des réactions irritantes, inflammatoires. Un rapport d'essai PIP cité dans l'enquête a montré "une vitesse de transsudation" supérieure de 30% après huit semaines à celle de la prothèse déclarée.

Combatif, M. Mas s'est dit victime "de la délation". "Je n'ai aucune haine", a-t-il affirmé.

Interrogé après lui, son ancien bras droit, Claude Couty, le financier de l'entreprise, a admis avoir "permis la vente de lots non homologués". "Mais je n'ai jamais eu conscience du danger. La dangerosité était exclue de mon esprit", assure-t-il, costume sombre et chevelure argentée.

A propos de Mas, il souligne que "c'est un commercial et moi un financier assez strict". "Assez souvent on était en désaccord sur la gestion de l'entreprise", dit-il, devant Mas qui sourit.

Au terme de deux jours d'échanges procéduraux, le tribunal est entré dans le vif de l'affaire, et devait encore entendre vendredi les trois autres prévenus, à commencer par Hannelore Font, directrice de la qualité entrée en 1999, à 22 ans, chez PIP.

 
 

Parmi la centaine de plaignantes encore présentes vendredi, s'exprimait un certain soulagement.

Isabelle Traeger se disait "apaisée". "Il (Mas) ne se cache de rien!", relevait cette infirmière de 56 ans lors d'une suspension d'audience, convaincue qu'il sera condamné, "même s'il n'admet pas encore que c'est du poison".

Plus de 5.250 femmes, françaises pour l'essentiel, ont porté plainte dans cette affaire (pour environ 30.000 porteuses de ces prothèses en France, et bien plus encore à l'étranger). L'Agence du médicament, la Ligue contre le cancer sont parties civiles, ainsi que TUV, l'organisme chargé de certifier les prothèses.

Le procès, délocalisé dans un palais des congrès pour pouvoir accueillir toutes les parties, est prévu pour durer jusqu'au 17 mai. Les cinq prévenus encourent cinq ans de prison.

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