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Takieddine charge la garde rapprochée de Balladur

L'homme d'affaires franco-libanais Ziad Takieddine, le 14 septembre 2011 à Paris [THOMAS SAMSON / AFP/Archives] L'homme d'affaires franco-libanais Ziad Takieddine, le 14 septembre 2011 à Paris [THOMAS SAMSON / AFP/Archives]

L'enquête sur le volet financier de l'affaire Karachi a connu un rebondissement spectaculaire avec les aveux de Ziad Takieddine, révélés mercredi, sur sa participation à un financement occulte de la campagne d'Edouard Balladur en 1995, mettant en cause directement la garde rapprochée de l'ex-Premier ministre.

L'homme d'affaires franco-libanais, actuellement en détention provisoire, a reconnu devant les juges d'instruction des versements d'argent pour la campagne de M. Balladur, sommes provenant de commissions perçues au titre de son intervention dans des contrats d'armement conclus en 1994 avec le Pakistan (Agosta) et l'Arabie Saoudite (Sawari II).

Entendu le 20 juin par les juges d'instruction, M. Takieddine, mis en examen dans cette affaire, a affirmé avoir fait ces versements en liquide avec son associé Abdulrahman El-Assir à la demande de membres de l'entourage de M. Balladur, Nicolas Bazire et Thierry Gaubert, tous deux proches de l'ancien président de la République Nicolas Sarkozy.

Directeur de cabinet de M. Balladur à Matignon puis directeur de sa campagne, M. Bazire, actuel directeur général du groupe Arnault, a démenti les accusations de M. Takieddine, de même que Thierry Gaubert, ancien conseiller de M. Sarkozy à la mairie de Neuilly puis à Bercy et membre du staff de campagne de M. Balladur.

Tous deux, déjà mis en examen dans le volet financier du dossier instruit par les juges d'instruction Renaud Van Ruymbeke et Roger Le loire, MM. Gaubert et Bazire seront respectivement confrontés à M. Takieddine les 1er et 5 juillet.

"Je reconnais avoir rencontré Thierry Gaubert à Genève plusieurs fois, notamment trois fois qui sont très importantes", a dit M. Takieddine aux juges, selon le PV d'audition consulté par l'AFP. Il a précisé que M. Gaubert lui avait été présenté par M. Bazire, qu'il avait rencontré en 1993 lors des négociations sur le contrat Sawari.

Intermédiaires

L'ex-Premier ministre Edouard Balladur, le 3 juin 2013 à Paris [Joel Saget / AFP/Archives]
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L'ex-Premier ministre Edouard Balladur, le 3 juin 2013 à Paris
 

La rencontre avec Gaubert a eu lieu "après la signature des contrats Sawari II et Agosta. C'était au démarrage de la campagne de M. Balladur", a précisé M. Takieddine, confirmant les soupçons des enquêteurs sur une intervention d'intermédiaires alors que les contrats étaient quasiment conclus.

Selon M. Takieddine, M. Bazire est intervenu à trois reprises auprès de lui pour que de l'argent liquide, pour un montant total de 6 millions de francs (environ un million d'euros), soit remis à M. Gaubert qui venait le récupérer dans des mallettes à Genève.

M. Takieddine a également mis en cause François Léotard, ministre de la Défense de M. Balladur, et son bras droit Renaud Donnedieu de Vabres qui avaient imposé, à la dernière minute, MM. Takieddine et El-Assir comme intermédiaires dans les contrats d'armement.

"M. Donnedieu de Vabres représentait M. Léotard que je ne voyais pas souvent", a expliqué M. Takieddine, en précisant avoir financièrement aidé le conseiller du ministre "pour payer des loyers de son appartement de Paris que je lui ai payés en cash allant jusqu'à des sommes entre 15.000 et 20.000 francs à chaque fois". Il a indiqué avoir également financé la campagne de M. Donnedieu de Vabres pour les législatives et son "installation" à Tours, évaluant la totalité de ses services à 250.000 francs.

M. Takieddine a par ailleurs confirmé que le politologue américain Paul Manafort avait effectué des sondages au profit du camp Balladur, payés par les rétrocommissions.

Pour Me Marie Dosé, qui défend des familles de victimes, "Takieddine ne fait que confirmer la piste des juges". "Nous n'avions presque plus besoin des ses aveux mais ils vont servir à acculer les autres mis en examen à dire la vérité".

"Cela démontre que nous sommes en présence d'une affaire d’État considérable et qu'un certain nombre d'hommes politiques de premier plan se sont totalement moqués des familles des victimes", a réagi Me Olivier Morice, autre avocat de familles de victimes, auprès de l'AFP. L'avocat vient de porter plainte pour "faux témoignage" contre François Léotard dans cette affaire.

M. Takieddine a été placé en détention provisoire le 31 mai pour avoir tenté de se procurer un "vrai-faux" passeport dominicain.

Dans le volet terroriste de l'affaire Karachi, le juge Marc Trévidic recevra jeudi les familles de victimes.

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