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L’enquête autour de Balladur s’élargit

L'ancien Premier ministre Edouard Balladur, le 3 juin 2013 à Paris  [Joel Saget / AFP/Archives] L'ancien Premier ministre Edouard Balladur, le 3 juin 2013 à Paris [Joel Saget / AFP/Archives]

Les juges chargés du volet financier de l'affaire Karachi vont approfondir leurs investigations sur la piste du recours aux fonds secrets pour le financement de la campagne d'Edouard Balladur en 1995, le spectre de leur enquête ayant été élargi à un éventuel "détournement de fonds publics".

Les témoignages et documents sur le financement de la campagne présidentielle de M. Balladur en 1995 s'orientent dans deux directions depuis le début de l'enquête: le détournement de commissions sur des contrats d'armement et les fonds spéciaux distribués par Matignon en liquide à l'ensemble des ministères.

Les juges d'instruction n'étaient jusqu'à présent saisis que d'éventuels "abus de biens sociaux" et "recel", en référence à la piste de prélèvement de fonds sur des commissions versées pour des contrats d'armement conclus en 1994 avec le Pakistan et l'Arabie Saoudite. L'homme d'affaires Ziad Takieddine a récemment affirmé que des versements d'argent pour la campagne de M. Balladur provenaient de ces commissions.

Parallèlement, Renaud Van Ruymbeke et Roger Le Loire ont sollicité le parquet fin juin pour pouvoir élargir leur enquête à d'éventuels détournements de fonds publics et recel, ce qui leur a été accordé le 18 juillet, a-t-on appris de source judiciaire, confirmant une information du Monde. Cet élargissement leur permet notamment de procéder à des mises en examen de ce chef.

10 millions de francs au coeur des interrogations

Plusieurs témoins ont évoqué la piste des fonds secrets. Entendu fin 2012, l'ex-trésorier d'Edouard Balladur, René Galy-Dejean, avait notamment contredit l'ancien candidat à la présidentielle en affirmant que l'argent liquide versé sur le compte de campagne ne provenait pas des meetings mais de ces fonds secrets.

Le versement, en une seule fois, de 10 millions de francs en liquide, le 26 avril 1995, trois jours après le premier tour de la présidentielle, est notamment au coeur des interrogations.

"Les sommes qui nous arrivaient étaient censées provenir des meetings. Bien entendu, je n'en croyais rien et restais persuadé (...) qu'il s'agissait de fonds secrets", avait affirmé l'ex-trésorier.De son côté, M. Balladur a toujours justifié les importants dépôts d'espèces par les dons des militants et la vente de gadgets ou de tee-shirts lors des meetings.

Olivier Michaud, responsable de la société qui s'occupait de la sécurité des meetings de M. Balladur, a également évoqué cette piste. Aux policiers qui l'ont interrogé le 8 avril 2011, il a déclaré que "sur 40 ou 50 meetings, une quinzaine ont été réglés en espèce".

"C'était des liasses de billets de 500 francs. Il (M. Galy-Dejean) m'a dit que c'était les fonds secrets de Matignon. A partir de mi-mars je n'ai été payé qu'en espèces", dit-il.

"Perspective de saisine de la CJR"

L'ancien chauffeur de M. Galy-Dejean, Jean-Louis le Guevel, a, selon Le Monde, également déclaré s'être rendu début 1995 à Matignon chercher des fonds secrets.

L'ancien président de l'Aficeb, association de financement de la campagne de M. Balladur, Jean-Claude Aurousseau, a aussi indiqué avoir été payé sur les fonds secrets.

De leur côté, tant Edouard Balladur que son chef de cabinet, Pierre Mongin, réfutent cette hypothèse. "Clairement non", a répondu M. Mongin aux juges le 4 juillet 2011.

Photo d'archive de l'ancien Premier ministre, député RPR de Paris, Edouard Balladur (c) en compagnie de son ex-trésorier René Galy-Dejean (2e plan G en vert), le 03 juin 1995 à Paris [Pierre Verdy / AFP/Archives]
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Photo d'archive de l'ancien Premier ministre, député RPR de Paris, Edouard Balladur (c) en compagnie de son ex-trésorier René Galy-Dejean (2e plan G en vert), le 03 juin 1995 à Paris
 

Pour l'avocat de plusieurs parties civiles dans cette affaire, Me Olivier Morice, l'élargissement de l'enquête "est une évolution procédurale qui était inévitable dans la perspective d'une future saisine de la Cour de justice de la République si elle n'est pas supprimée".

En effet, une éventuelle mise en cause d'Edouard Balladur et de François Léotard, ministre de la Défense au moment de la conclusion des contrats d'armements ayant pu donner lieu à des rétrocommissions, passerait par la CJR.

Dans cette enquête, Ziad Takieddine a été à plusieurs reprises mis en examen, tout comme Nicolas Bazire, ex-directeur de cabinet et de campagne de M. Balladur, ainsi que Thierry Gaubert, ancien proche de Nicolas Sarkozy, et Renaud Donnedieu de Vabres, ancien conseiller de M. Léotard.

M. Takieddine a obtenu lundi de pouvoir recouvrer la liberté, à condition de verser une caution de 4,3 millions d'euros.

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