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Le GR2013, un sentier atypique entre usines et citadelles

Des femmes empruntent le 29 juillet 2013 le GR2013 qui borde l'étang de Bolmon dont les eaux rouges attestent de la présence de bauxite [ANNE-CHRISTINE POUJOULAT / AFP Photo] Des femmes empruntent le 29 juillet 2013 le GR2013 qui borde l'étang de Bolmon dont les eaux rouges attestent de la présence de bauxite [ANNE-CHRISTINE POUJOULAT / AFP Photo]

Respirer l’air pollué de l’étang de Berre, avec vue sur son complexe pétrochimique géant… Le GR2013, sentier périurbain unique en son genre, fait le pari d’attirer les randonneurs dans des coins méconnus, entre ville et nature.

Rendez-vous à la gare d'Aix-TGV, point de départ de cette boucle de 365 km en forme de 8, dessinée en un temps record par une dizaine d'artistes-marcheurs dans le cadre de Marseille-Provence 2013 (MP2013), capitale européenne de la culture.

On se fraie un chemin entre les voitures, on surplombe des routes au trafic incessant, on longe une déchetterie. Pas vraiment un bol d'air pur, mais des découvertes inattendues. Ainsi à Vitrolles, ce terril de boues rouges, des résidus de bauxite issus d'une ancienne usine d'alumine, laisse entrevoir un pan de l'histoire industrielle du territoire.

Au milieu de ce paysage désolé, campe le Stadium de la ville, monolithe noir conçu en 1994 par l'architecte Rudy Ricciotti, "son premier monument punk" qui "lança sa carrière internationale", détaille le topo-guide, bien avant son somptueux Musée des civilisations de l'Europe et de la Méditerranée (Mucem), récemment inauguré à Marseille.

Une famille emprunte le GR2013, le 29 juillet 2013, près de l'étang de Bolmon, près de Marignagne, avec vue sur le complexe chimique [ANNE-CHRISTINE POUJOULAT / AFP]
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Une famille emprunte le GR2013, le 29 juillet 2013, près de l'étang de Bolmon, près de Marignagne, avec vue sur le complexe chimique
 

Plus loin, c'est une rivière qu'on franchit, pantalon retroussé, serpentant sous l'autoroute A7, jusqu'à atteindre un oppidum (citadelle perchée) celte, offrant une vue panoramique sur l'aéroport de Marignane et ses environs. L'occasion d'apprendre qu'Henri Fabre inventa l'hydravion en 1910 sur l'étang de Berre, une des plus grandes mers intérieures d’Europe occidentale (155 km2), plus connue pour la pollution de son écosystème que pour ses attraits touristiques.

Le randonneur découvre pourtant des pépites sur ses rives. Un ancien village de pêcheurs, ses cabanons déglingués et ses cygnes voguant sur des eaux rouges (encore la bauxite...). Ou un cordon dunaire de 7 km de long, le Jaï, fréquenté par baigneurs et kitesurfeurs, avec en toile de fond les cheminées des usines et les raffineries du golfe de Fos.

Inciter les Marseillais à sortir du Vieux-Port

 

"Le GR2013, on apprend à l'aimer, au début c'est pas évident", confie Bernard Lebrun, vice-président de l'association des Excursionnistes marseillais. Il avoue avoir été intrigué par ce projet, si éloigné de "son terrain d'aventure habituel", entre calanques et nobles massifs montagneux.

Des cygnes sur les eaux polluées de l'étang de Bolmon, le 29 juillet 2013 [ANNE-CHRISTINE POUJOULAT / AFP]
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Des cygnes sur les eaux polluées de l'étang de Bolmon, le 29 juillet 2013
 

Aujourd'hui il salue sans hésitation un sentier qui permet de dresser, dit-il, un "état des lieux de 2.500 ans d'occupation humaine dans les Bouches-du-Rhône", département parmi les plus urbanisés de France. "Certains sont très réticents et ne veulent pas en entendre parler, mais, assure-t-il, ceux qui y ont mis les pieds changent d'avis". D'avis, et de regard sur la métropole marseillaise que le parcours dessine en creux, en traversant 38 communes.

Dans Marseille même, M. Lebrun aime "l'extraordinaire lien social" que le chemin tisse entre les quartiers, au fil de 70 km de balisage. De Saint-Antoine (nord) - que le promeneur peut rejoindre en une journée depuis Aix-TGV, après une halte dans l'immense zone commerciale de Plan-de-Campagne -, la ville se découvre de deux façons, par le littoral ou le terroir.

En imaginant ce périple "farfelu", Baptiste Lanaspeze, le concepteur du GR2013 (en collaboration avec Nicolas Mémain), voulait précisément "inciter les Marseillais à sortir du Vieux-Port, les aider à porter un regard contemporain sur leur territoire, plutôt que d'être nostalgiques de la Provence éternelle".

Le pari semble d'ores et déjà réussi. "Plus de 10.000 topo-guides ont été vendus depuis le lancement fin mars" (à titre de comparaison, 8.000 exemplaires sont écoulés chaque année pour le mythique GR20 en Corse), se félicite cet éditeur.

"Les indicateurs sont plutôt positifs", confirme Loïc Magnant, chef du projet pour MP2013, qui dit avoir croisé sur les routes "un public plutôt jeune, attiré par le côté atypique de cette randonnée".

Un succès qui devrait faire des petits. D'autres sentiers métropolitains seront lancés à Paris et New York dès le mois de septembre (pour plus de renseignements, www.wildproject.org/chemins).

 

 

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