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Pour les Roms, "il n'y a pas eu d'alternance politique"

Une femme dans un campement illégal de Roms Porte d'Aubervilliers à Paris, le 1er août 2013 [Miguel Medina / AFP/Archives] Une femme dans un campement illégal de Roms Porte d'Aubervilliers à Paris, le 1er août 2013 [Miguel Medina / AFP/Archives]

Un an après une circulaire qui devait rompre avec les expulsions de bidonvilles à répétition et favoriser l'intégration des Roms en France, des sources dans l'administration reconnaissent le peu d'avancées concrètes et les associations dénoncent un climat toujours délétère.

Parue le 26 août 2012, une circulaire signée par sept ministres devait mieux "encadrer" les évacuations de camps illicites. Principale innovation, l'obligation pour les préfets de dresser un "diagnostic" social des camps illégaux et de leurs habitants avant leur expulsion.

Un an plus tard, "il y a encore des évacuations qui se font de manière pas totalement conforme avec l'esprit et la lettre de la circulaire", reconnaît une source proche de la délégation interministérielle (Dihal) qui gère ce dossier.

Le Défenseur des droits, Dominique Baudis, avait déjà dénoncé fin juin, dans un rapport, la non-application fréquente de la circulaire, en particulier l'absence de mesures pour assurer l'hébergement d'urgence, le suivi de la scolarisation et des soins des Roms expulsés.

Le volet "répressif", l'évacuation des bidonvilles avec l'aide de la police, semblait par contre être "mis en œuvre de manière systématique", notait le Défenseur, s'inquiétant de voir les Roms placés "dans une véritable situation de +nomadisme forcé+".

Une enveloppe de 4 millions d'euros a été consacrée à cette question par le gouvernement qui a par ailleurs réduit "l'aide au retour" dans le pays d'origine. Au total 50 projets de diagnostic et d'intégration présentés par des associations ont été retenus, ciblant potentiellement 16.500 Roms, sur une estimation de 15 à 20.000 vivant dans des bidonvilles.

Un campement illégal de Roms Porte d'Aubervilliers à Paris, le 1er août 2013 [Miguel Medina / AFP/Archives]
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Un campement illégal de Roms Porte d'Aubervilliers à Paris, le 1er août 2013
 

A titre d'exemple, l'un de ces diagnostics, que l'AFP a pu consulter, résume sur six pages quelques informations sur un camp : localisation, état sanitaire... En une journée, 17 travailleurs sociaux ont synthétisé le parcours d'une quarantaine de Roms dans un tableau.

Certains déclarent avoir habité jusqu'à cinquante camps successifs en sept ans, plusieurs sont malades (cancer du rein, antécédent d'accident vasculaire cérébral). Leur bidonville sera évacué dans les semaines suivantes.

"Se donner bonne conscience"

En préfecture, on confirme, en privé, que ces diagnostics sont loin d'atteindre leur but. La priorité reste aux évacuations de campements illégaux, souvent réclamées par riverains ou mairies, plutôt qu'aux délicates tâches d'intégration.

"Les diagnostics sont faits pour se donner bonne conscience, pas en amont mais juste avant l'évacuation", déplore Umberto Guerra, de l'association Rromeurope. Les soutiens des Roms dénoncent un manque de volonté politique et un climat délétère, à sept mois des municipales.

Mercredi, Valeurs actuelles a titré sur une "overdose" de Roms, et plusieurs responsables de droite les ont visés au cours de l'été, entretenant l'amalgame avec les gens du voyage.

"Il n'y a pas eu d'alternance politique pour les Roms" et "les communes ne jouent pas le jeu", juge Jean-François Corty, directeur des missions France de Médecins du Monde, qui dénonce une "intensification" des expulsions depuis l'été.

En Seine-Saint-Denis par exemple, où se concentrent plus de 3.000 Roms sur des terrains vagues ou sous des bretelles d'autoroute, les expulsions se succèdent, souvent en vain : chassés d'un site, les Roms se dispersent dans les campements des environs et les communes voisines, un phénomène également pointé dans un rapport de l'Inspection générale de l'administration (IGA).

Une famille dans un campement illégal de Roms Porte d'Aubervilliers à Paris, le 1er août 2013 [Miguel Medina / AFP/Archives]
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Une famille dans un campement illégal de Roms Porte d'Aubervilliers à Paris, le 1er août 2013
 

Si Médecins du Monde s'indigne ainsi que des populations soient "jetées dans l’errance, ce qui constitue une barrière importante à leur intégration sociale et à leur suivi sanitaire", des responsables mettent en doute la volonté des Roms de s'intégrer. "Ils refusent les solutions de relogement qui leur sont proposées", généralement des nuits d'hôtel réservées en urgence faute de places pérennes dans un parc HLM saturé, se défend-on ainsi dans une préfecture d'Île-de-France.

Du côté de la Dihal, on espère que les programmes pour l'intégration et l'accès au marché du travail porteront peu à peu leurs fruits. Plusieurs projets sont en gestation, dont "un plan de sensibilisation pour changer le regard sur ces habitants" ou encore un programme pour offrir aux Roms des emplois agricoles non pourvus en zone rurale.

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