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Leonarda: Hollande reprend la main mais ne fait pas taire les critiques

Capture vidéo de François Hollande à l'Elysée le 19 octobre 2013 [ / Pool/AFP] Capture vidéo de François Hollande à l'Elysée le 19 octobre 2013 [ / Pool/AFP]

François Hollande a rompu samedi un long silence sur l'affaire Leonarda, offrant à la collégienne de rentrer en France sans sa famille expulsée au Kosovo, un jugement de Salomon censé mettre fin à une intense polémique mais qui n'a pas satisfait grand monde, même à gauche.

"Si elle en fait la demande, compte tenu des circonstances (...) un accueil lui sera réservé (en France), et à elle seule", a tranché le chef de l'Etat, seul face à une caméra sous les ors de la Salle des fêtes de l'Elysée.

Une proposition immédiatement repoussée par l'adolescente de 15 ans depuis le Kosovo. "Je n'irai pas seule en France, je n'abandonnerai pas ma famille", a répliqué Leonarda Dibrani, soulignant qu'elle n'était "pas la seule à devoir aller à l'école" parmi ses cinq frères et soeurs expulsés avec ses parents une dizaine de jours plus tôt.

Leonarda Dibrani à Mitrovica le 19 octobre 2013 [Armend Nimani / AFP]
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Leonarda Dibrani à Mitrovica le 19 octobre 2013

Seconde annonce présidentielle: les arrestations d'enfants dans le cadre scolaire seront désormais "prohibées" quelles qu'en soient les circonstances, à l'intérieur ou hors des établissements. Une "instruction" en ce sens sera adressée - "dès lundi", selon Matignon - à l'ensemble des préfets, a informé le chef de l'Etat.

Mais cette démonstration d'ascendant présidentiel a fait long feu, mise à mal par le premier secrétaire du PS Harlem Désir en personne. "Tous les enfants de la famille de Leonarda (doivent pouvoir) finir leurs études en France accompagnés de leur mère", a-t-il déclaré à l'AFP, non sans saluer la "décision d'humanité" du président envers Leonarda.

Le Parti de gauche, coprésidé par Jean-Luc Mélenchon et qui avait "exigé" la démission du ministre de l'Intérieur Manuel Valls, y a vu lui une "cruauté abjecte".

"La jeune collégienne est sommée par le président de la République de choisir entre vivre en famille ou revenir seule en France poursuivre ses études", a-t-il déclaré.

Manuel Valls à Pointe-à-Pitre, en Guadeloupe, le 18 octobre 2013 [Miguel Medina / AFP]
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Manuel Valls à Pointe-à-Pitre, en Guadeloupe, le 18 octobre 2013

Le chef de l'Etat a commis une "grave faute politique et morale", a abondé le Parti communiste. "C'est inhumain, indécent et illégal", a renchéri l'association la Voix des Rroms.

Au centre, Jean-Louis Borloo (UDI) a jugé la position de M. Hollande "incompréhensible tant en terme du respect de la loi que du respect de l'unité d'une famille".

François Hollande "a porté un coup terrible à l'autorité de l'Etat", a affirmé le président de l'UMP Jean-François Copé.

"L'école doit être préservée"

L'ancien Premier ministre UMP François Fillon a fustigé lui "l'indécision caricaturale" de François Hollande qui, "à force de chercher des synthèses, apparaît ambigu face à l'immigration irrégulière et lâche par rapport à une adolescente condamnée à choisir entre la France et sa famille".

Manifestation de lycéens à Paris, le 18 octobre 2013, contre les expulsions de leurs camarades sans-papiers [Kenzo Tribouillard / AFP]
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Manifestation de lycéens à Paris, le 18 octobre 2013, contre les expulsions de leurs camarades sans-papiers

La décision "discrétionnaire" du président relève d'un "choix humanitaire", oppose-t-on à l'Elysée où l'on juge "extravagante" l'avalanche de critiques. Quant au silence prolongé du chef de l'Etat, il serait l'expression d'une "volonté de rester maître de son calendrier".

Autre argument avancé par la présidence: un retour de toute la famille en France reviendrait à "s'assoir sur les décisions de justice" qui ont autorisé son expulsion.

Le patron du groupe socialiste à l'Assemblée, Bruno Le Roux, est sur la même ligne. François Hollande a tiré des "conclusions justes" dans l'affaire Leonarda, susceptible d'y "mettre fin dignement", a-t-il dit.

L'épisode rappelle l'annonce du plan de "moralisation de la vie publique" après l'affaire Cahuzac, quand ces mesures solennellement annoncées par François Hollande depuis l'Elysée s'étaient heurtées aux critiques du président (PS) de l'Assemblée Claude Bartolone.

Samedi matin, l'Elysée avait pourtant soigneusement orchestré la communication de l'exécutif. Rentré précipitamment des Antilles pour prendre connaissance du rapport de l'Inspection générale de l'administration (IGA) sur les circonstances de l'expulsion de la collégienne, Manuel Valls a fait son entrée au Palais présidentiel par une porte dérobée.

La seule image de la matinée restera celle de l'intervention solennelle du chef de l'Etat. Il "assume ses choix", fait-on valoir à l'Elysée. Et ceux-ci ménagent également la compagne du président, Valérie Trierweiler pour qui la jeune collégienne n'était "pas responsable de ce que son père à pu faire".

Selon François Hollande qui a repris à son compte les conclusions du rapport d'enquête, l'administration n'a pas commis de "faute" dans cette affaire, mais fait preuve d'un "manque de discernement dans l'exécution de l'opération", l'adolescente ayant été interpellée par la police en pleine sortie scolaire avec sa classe.

Des milliers de lycéens avaient manifesté jeudi et vendredi pour réclamer le retour de la collégienne ainsi que celui de Khatchik Kachatryan, un élève arménien de 19 ans scolarisé à Paris et expulsé il y a une semaine. Quelque 500 lycéens parisiens sont encore descendus dans la rue samedi.

Selon un sondage BVA publié samedi par Le Parisien toutefois, deux tiers des Français (65%) sont opposés à une éventuelle annulation de l'expulsion de Leonarda. Quant à la position de Manuel Valls, elle est approuvée trois sondés sur quatre (74%).

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